Rien ni personne ne rendra à leurs familles les 18 disparus de la catastrophe du 5 mai 1992.
19 pour le Collectif qui prend en compte la mort d’un des siens, décédé il y a trois ans des suites de son long combat contre ses blessures.
Rien ni personne ne rendra aux enfants de ces victimes la mère, le père, qu’ils n’ont pas eu. Et aux parents le fils ou la fille qu’ils ont perdus.
Rien ni personne ne rendra leurs jambes à ceux qui n’en ont plus l’usage.
Au-delà de ce lourd bilan de 19 morts et 2357 blessés, qui pourra jamais comptabiliser le drame psychologique, le long chemin de reconstruction qu’ont dû faire les victimes, qu’elles soient blessées, ou parentes d’un blessé, ou même qu’elles aient été indemnes physiquement le soir de la catastrophe, mais marquées à jamais par ce qu’elles y ont vécu ? Il y avait 18.000 personnes rassemblées dans « l’antre de Furiani » ce 5 mai 1992, et quasiment toute la Corse devant son petit écran pour assister à la fête. Le traumatisme a été immense, à l’échelle d’un peuple mais aussi bien au-delà de ses frontières.
Car ce drame ne concerne pas que la Corse. Il est la plus grande catastrophe du football français. Tant qu’il ne sera pas reconnu comme telle, toutes ces souffrances auront été inutiles. Tant que le football français ne se regardera pas dans ce miroir de Furiani, le drame ne pourra pas être dépassé. C’est bien là tout le fossé entre la Corse et Paris.
Et seule la Fédération Française de Football est en capacité de le combler.
Si ce drame a un sens, il est là. Il est le reflet de la bêtise humaine, des dérives du foot business, et de l’appât du gain.
Il existe pour cette introspection, pour ce regard intérieur, pour la prise de conscience nécessaire sur ce qui ne va pas et qu’il faut tenter de changer. Instruire les nouvelles générations, sensibiliser, éduquer. Une journée dans la longue saison de compétitions, pour se poser et réfléchir sur les dérives qui ont conduit au drame et en retenir les leçons, est-ce vraiment trop demandé?
Le Collectif des victimes de Furiani ne réclame pas de réparation impossible.
Il ne vit pas dans un moment figé. C’est tout le contraire. Il se projette pour un avenir meilleur. Ne pouvant modifier le passé, il veut changer l’avenir et c’est tout le sens de son appel : #PasDeMatchLe5Mai.
Mais alors qu’on lui explique depuis 27 ans qu’il est impossible de changer le calendrier pour éviter des matchs le 5 mai, le ministère de l’Intérieur a demandé cette semaine et obtenu d’avancer la 38e journée de championnat.
Officiellement pour éviter des troubles autour des manifestations des Gilets Jaunes. Plus sûrement afin de programmer l’ensemble des rencontres au même moment, pour ne pas nuire aux paris sportifs ! Cette annonce a eu l’effet d’une nouvelle gifle pour les victimes du 5 mai.
Dans la foulée, le président de l’Olympique Lyonnais, M. Aulas, a réclamé de la «dignité» et «du respect » pour que les féminines de l’OL ne soient pas également désavantagées.
Du respect, les victimes de la catastrophe de Furiani et leur famille, en réclament depuis 27 ans.
Fabiana Giovannini.