Les 34es Musicales de Bastia se sont déroulées du 5 au 11 juin avec encore une fois une riche programmation artistique devant un public parfois d’initiés mais aussi un public venu se divertir et partir à la découverte de toutes sortes de musiques, ce qui donne aux artistes leur plus beau rôle, procurer du plaisir, éveiller la sensibilité, inviter au voyage.
Nous étions notamment au concert de l’ensemble instrumental de Corse, sous la direction passionnée de Yann Molenat, avec notamment deux solistes virtuoses, Glen Rouxel au violon, et Sandrine Luigi à la guitare… superbe soirée avec les Airs Bohémiens de Sarasate ou encore le célèbre tzigane de Ravel… L’ensemble instrumental de Corse sera le 20 juin au Palais des Glaces à Paris et Arritti engage ses lecteurs qui le peuvent à ne pas manquer ce rendez-vous.
Chaque soir de cette semaine a ainsi compté son lot d’artistes qui excellent dans leurs partitions mais, surtout, cette 34e édition était un bel hommage à un homme sans qui les Musicales n’auraient pas fait tout ce chemin. C’était en effet la der pour Raoul Locatelli qui passera la main l’an prochain pour s’asseoir au milieu du public. Par son investissement, son travail, son amour de la musique et sa générosité à le partager, il aura marqué de son empreinte ce festival qui a résisté à trois décennies. « Nous étions là pour faire plaisir au public » confie celui qui n’oublie jamais de rappeler « c’est grâce à tous les bénévoles que ça a été possible ». Une passion qu’il a su partager en effet, avec un regard « d’amateur » a-t-il plaisir à dire, car il n’aime pas « étiqueter » les publics. « Nous sommes nombreux à être comme moi » dit-il, aimer tout dans la musique, toucher à tout, vouloir découvrir un peu tout. Le propre de la passion ! Un travail considérable que d’organiser de tels événements, en résistant aux difficultés, matérielles bien sûr, mais aussi conjoncturelles comme la pandémie de Covid qui a frappé durement le monde culturel, d’abord avec le confinement, l’impossibilité à se produire, la baisse des fréquentations à la reprise, les artistes ont dû se réinventer. Certains se sont emparés des réseaux sociaux pour survivre, ces mêmes réseaux sociaux qui tuent un peu le spectacle vivant en le limitant au virtuel. Aujourd’hui on fait tout depuis la maison, à travers nos écrans, on va au cinéma, on va au concert, on va au stade… Certes les réseaux sociaux sont de bons relais, mais il faut veiller à ne pas les substituer à la vraie rencontre avec les artistes. Et sans les espaces qu’offrent les festivals, il leur serait bien difficile de reconquérir les scènes. Le soutien des institutions est bien sûr indispensable, mais sans la passion aussi de celles et ceux qui les portent, les festivals ne peuvent durer. Raoul Locatelli a tenu contre vents et marées avec la volonté du voyage, de la découverte, de toutes sortes de paris musicaux, classique, jazz, folk, musiques du monde… il a fédéré le public. « Si vous ne faîtes que de la musique classique, que du jazz, vous avez la chance d’avoir un public » dit-il, « mais là il fallait aller chercher tous les publics ». Ainsi, grâce à lui se sont produits de grands noms de la musique, de Claude Nougaro à Léo Ferré, en passant par Georges Moustaki, Nina Simone, Luz Casal, Dionysos, Manu di Bango, Cesaria Evora, Jacques Higelin, Michel Petrucciani, Arturo Sandoval, Bernard Lavilliers, Michel Fugain, William Sheller, et bien d’autres virtuoses, comme les plus grands pianistes, Abdel Rahman el Bacha, Nelson Freire, Bruno Leonard Gelber, Anne Queffélec, Brigitte Engerer, « c’était des moments extraordinaires » confie Raoul Locatelli tant et tant d’artistes, célèbres ou non, ont foulé les planches du théâtre de Bastia, avec pour fil conducteur, la qualité et la découverte. Le public des Musicales et la ville de Bastia ont bien de la chance d’avoir bénéficié de tant d’investissement.
« C’est une nouvelle aventure » dit Raoul Locatelli en parlant de la prochaine édition qui se fera sans lui. Assurément ce sera encore de bien belles découvertes ! •