« L’honneur de la patrie et la liberté publique ont besoin aujourd’hui de tout votre courage »
Deux batailles resteront à jamais célèbres dans l’histoire de la guerre franco-corse de 1768-1769 : Borgu et Ponte Novu. Une victoire et une défaite. À l’occasion du 254e anniversaire de la victoire de Borgu nous revenons ici sur le déroulement de cette bataille historique.
Le 19 mai 1768, deux bataillons français découvrent les rives du golfe d’Aiacciu. Ce sont les prémices d’un débarquement à grande échelle. Le 21 mai, dans sa capitale, Paoli promet « de ne jamais soumettre la nation à quiconque ». L’homme reste lucide, et ce malgré la colère. Pour le chef d’État corse, le traité de Versailles a quelque chose d’infâme et d’illégal, dans le sens où Gênes ne possède la Corse que « par droit de conquête ». Comment une république vaincue peut-elle céder une terre qui a échappé à son autorité ?
Le 22 mai, une cunsulta extraordinaire est organisée à Corti. À ce moment là, Paoli ignore le contenu précis du traité de Versailles et sait simplement que les Français ont débarqué avec une artillerie qu’il qualifie lui même de « formidable ».
Sur le terrain, le débarquement continue. La force de frappe des troupes royales française est impressionnante. Le 1er août, les soldats de la couronne de France prennent Patrimoniu, puis Barbaghju. Puis, c’est au tour d’Olmeta et de Nonza de tomber entre les mains des nouveaux envahisseurs. Le 27 août, huit nouveaux bataillons débarquent à San Fiurenzu sous les ordres de Chauvelin.
En septembre, la Casinca est déjà touchée par les combats. Certes, les paolistes sont chassés de certains villages, Biguglia,
U Poghju d’Oletta, Furiani. Mais les Corses capturent deux compagnies françaises à Penta di Casinca et s’emparent de Muratu.
En octobre 1768, Pascal Paoli entreprend de reprendre U Borgu où les Français, en attente de renforts, se sont retranchés. Dans un premier temps, le Général Paoli donne l’ordre de couper les conduites d’eau qui abreuvent le village pour affaiblir les troupes du Colonel de Ludres. Puis le Général ordonne à tous les hommes de marcher sur le village.
Lorsque le marquis de Chauvelin apprend le sort qui attend ses compatriotes, il envoie ses hommes sur le lieu de la bataille. Marbeuf et Chauvelin sortent de Bastia avec 3.000 hommes et se dirigent vers U Borgu. Ludre et ses 700 hommes retranchés dans la ville de Borgu attendent l’assaut. Le Général Paoli excite l’ardeur de ses troupes avec ces mots connus : « Patriotes, rappelez-vous les vêpres corses, lorsque sur ce même lieu vous détruisîtes les Français. L’honneur de la patrie et la liberté publique ont besoin aujourd’hui de tout votre courage. L’Europe nous regarde. » Il donne l’assaut !
Pour la France, cette défaite est un affront inconcevable. Sur le champ de bataille, des centaines de soldats du roi trouvent la mort. Le colonel de Rouergue, lui-même, est tué. Cinq cents soldats sont en outre capturés par les Nationaux, dont le Colonel de Ludre lui-même, contraint de rendre son épée aux assiégeants, le 9 octobre 1768. C’est l’humiliation.
Au-delà des officiers vaincus et de la honte qui s’abat sur Chauvelin, cette défaite a un retentissement considérable dans toute l’Europe. La France, qui voulait redorer son blason avec cette conquête de la Corse, subit ainsi un revers inattendu. Et Voltaire ira même jusqu’à dire que « le nom des Corses est désormais célèbre dans le monde entier. » •