Nos lecteurs les plus anciens s’en souviennent peut-être, Michè Dominici a fait ses premiers pas dans les locaux d’Arritti, auprès de sa maman qui en était la secrétaire, Thérèse Travaglini, amie très chère aujourd’hui disparue. Il y a poussé aussi ses premières notes, au milieu des piles de journaux et des drapeaux… il a même foulé la scène du théâtre lors de nos anniversaires où, déjà, âgé d’à peine trois ans, il émerveillait de sa petite voix d’enfant le public d’Arritti sur les chansons de son oncle Felì ! Miché Dominici a baigné dans la musique, et dans la revendication identitaire, mais il a fait son propre chemin, pour, pétri de cette corsitude, se construire avec son talent, sa sensibilité, ses propres aspirations d’artiste, sa propre recherche musicale. Il a commencé par la batterie où il s’est fait un nom bien reconnu sur la place, il est un batteur recherché et il est venu tout naturellement au chant, puis à la composition aujourd’hui pour produire ses créations. Aujourd’hui, à tout juste 30 ans, c’est un artiste accompli qui murit comme un bon fruit, nourri de toutes ses expériences et de projets plein la tête. Il se livre à Arritti avec émotion. Et c’est aussi avec émotion qu’Arritti est fier de lui ouvrir ses colonnes. Forza è ventu in puppa o Michè !
Dis-nous comment tu es venu à la musique…
Comme tu le sais, j’ai eu la chance de grandir dans une famille où la musique avait une place importante. Ma maman était passionnée de chant, elle partageait la scène avec son frère Felì, et mon beau-père, Sauveur Dellapina, était guitariste.
Il était donc très facile de trouver un instrument dans notre maison. C’est donc assez naturellement que j’ai commencé à taper sur une batterie, à gratouiller une guitare. Et puis il y a eu la rencontre avec la scène. Mon plus vieux souvenir étant les journées d’Arritti de 1993 au théâtre de Bastia, où j’avais poussé la chansonnette pour la toute première fois devant un public (je crois même que c’est toi qui tenais le micro !)
Je n’avais que 3 ans, mais je me souviens encore du bonheur que j’ai pu ressentir en étant sur les planches, face à une salle pleine.
Ce souvenir ne m’a jamais quitté, et j’imagine qu’inconsciemment, il a joué un rôle important dans mon parcours musical. Je me suis très vite orienté vers la batterie en prenant des cours au conservatoire à l’âge de 5 ans puis avec Gérard Pianelli en cours particuliers. J’ai très vite ressenti le besoin de monter sur scène, et grâce à mes parents qui se produisaient dans les cafés concerts de Bastia, j’avais souvent l’occasion de passer derrière la batterie dès l’âge de 11 ans.
Comment s’est construit ton parcours par la suite ?
S’en sont suivi des rencontres avec des musiciens de ma génération, le premier groupe à l’âge de 15 ans (les Sleepwalkers), qui me permettait d’aller au lycée la semaine, et de me produire sur les scènes de Corse le weekend.
C’est à 18 ans, bac en poche, que je décide de quitter pour la première fois l’île pour intégrer la M.A.I, la prestigieuse école de musique de Nancy. J’ai pu y rencontrer énormément de musiciens de toute la France, ce qui m’a conduit à m’installer sur la Côte d’azur pour collaborer avec différentes formations à la fin du cursus.
Après plus de 6 ans passés sur Nice (2015) , et une fois un réseau solide créé, j’ai ressenti le besoin de rentrer chez moi en Corse. J’ai donc choisi de faire l’inverse, de poser mes valises en Corse, et de prendre régulièrement l’avion afin de rejoindre mon groupe Four Kicks pour les concerts. Ce retour m’a alors permis de m’investir dans la culture insulaire, d’accompagner de nombreux artistes de l’île, et plus récemment, d’entreprendre un travail de composition plus personnel.
Présentes-nous ton style de musique, le pourquoi de cette douceur musicale… tu chantes essentiellement en anglais, mais à travers les thèmes, les paroles, les intonations, on ressent ton attachement à ton île… et à ton village de Parata. C’est là que tu trouves ton inspiration ?
Je dirai que mes compositions sont plus orientées vers la folk anglaise ou américaine. Pendant ces années passées à Nice, j’ai rencontré énormément d’artistes anglais qui chantaient cette musique, je pense que cela m’a beaucoup influencé. Mais il faut dire que la musique Corse à partir des années 2000 avait déjà évolué dans ce sens, en s’inspirant des univers de Bob Dylan, James Taylor, Paul McCartney. J’imagine que tout ce mélange m’a influencé dans ma direction musicale. Il est vrai que je chante essentiellement en Anglais, mais j’ai la sensation que la démarche artistique est profondément corse. C’est pourquoi je ressens le besoin de m’isoler en Castagniccia pour puiser l’inspiration dans cette petite maison di a Parata.
Comment as-tu géré la période de confinement où les artistes ont été muselés ?
Ça a été tout d’abord un choc. Lorsque le premier confinement a été décrété, j’étais en Suisse pour une série de concerts. J’ai donc vu tous mes projets avortés, et ce pour une durée indéterminée…
Cette situation inédite m’a contraint pour la première fois de ma vie à être privé de concerts. Les mesures concernant les intermittents sont restées très floues pendant un long moment. J’ai donc ressenti le besoin de rester actif, et d’utiliser cette période blanche pour faire ce que je n’avais encore jamais fait, composer des chansons pour moi. J’ai installé un studio de fortune dans la petite maison de mes grands-parents à Parata, avec le peu de matériel que j’avais à disposition, et essayé d’enregistrer les idées que j’avais en tête depuis un long moment. Et pour garder le contact avec mes amis musiciens, nous travaillions à distance, en s’échangeant nos idées par internet. Une première chanson est née, « Lifetime », que j’ai alors posté en téléchargement libre participation sur les réseaux afin de récolter des fonds pour l’association A Fratellenza qui s’occupe des personnes les plus démunies.
Tu as donc continué à produire ?
Pendant ces 2 mois et demi, grâce à cette installation, j’ai pu continuer mon métier de batteur studio, en enregistrant mes batteries à distance pour différents albums (Doria Ousset, Voce Ventu, Lionel Giacomini… ). J’ai filmé régulièrement mes aventures et mon processus de création que j’ai diffusé sur les réseaux, ce qui m’a emmené à être sollicité pour réaliser plusieurs musiques de documentaire pour France 3 Corse Via Stella.
Parallèlement, j’ai pu enregistrer en tout 10 compositions, separées en 2 EP « Hometown » et « Standing Here » qui sont aujourd’hui distribués en format Vinyles et en streaming sur toute les plateformes.
Tu es d’abord un musicien, et pas n’importe lequel, un batteur qui accompagne d’autres chanteurs… Les groupes, les voyages, les soirées, comment s’organise ta vie ?
Il a fallu d’abord lutter contre la peur en avion ! Généralement, j’organise mon planning sur l’année. J’ai la chance d’avoir une femme formidable et deux filles merveilleuses, qui m’aident à trouver des solutions pour que je sois un maximum disponible pour être sur scène. C’est parfois épuisant, les heures d’avions, de train, de voiture, mais c’est la vie que j’ai choisie et qui me rend heureux.
Tu es aussi un artiste qui s’est s’entourer pour créer, je pense à l’écriture de tes récents titres, à ton clip sur Hometown, mais aussi aux duos, voire plus, à distance sur la chaîne youtube, Standing Here… dis-nous comment s’opère la magie de ces créations, avec qui, comment choisissez-vous les thèmes, et ce besoin d’y mettre de l’image…
J’ai toujours considéré la musique comme un partage. Lorsque j’ai commencé ce travail de création, j’ai évidemment ressenti le besoin de faire participer tous les artistes qui ont pu croiser ma route et que j’affectionne profondément ; c’est pourquoi sur chaque chanson enregistrée, il y a une équipe différente. Les thèmes abordés ont souvent été une évidence, pendant le confinement, l’isolement nous a amené à faire un bilan de nos vies, à penser au passé au présent au futur, à l’amour, à la mort, au bonheur. Je pense que chaque thème a été comme une évidence. C’est pourquoi j’ai souhaité les aborder comme des histoires, en les illustrant encore une fois avec les moyens du bord, sous formes de clips fatti in casa. Pour les paroles en anglais, j’ai travaillé avec mon ami Roman Gaume que j’ai rencontré pendant mon année a la M.A.I, j’ai écrit les paroles en français, et c’est Elisa Tramoni et Paul Turchi Duriani qui ont posés leur mot sur les duos en corse.
Deux grosses étapes pour les premiers concerts après la crise sanitaire, à Carghjese, à Parata. À quelles dates ?
Il était important pour moi, après ce que nous avons traversé, de présenter ces chansons sur scène, entouré de tous ceux qui ont contribué à la naissance de ce projet.
J’ai donc choisis deux endroits qui me tiennent à cœur.
Le Spaziu culturale de Cargese qui est un endroit absolument formidable. Ils ont été les premiers à nous aider pendant cette période chaotique pour la culture en nous proposant des résidences de créations, pour mon projet, mais également ceux des autres, afin que l’on puisse se préparer à la réouverture. Une équipe formidable qui a su nous mettre dans les meilleurs disposition à chacun de nos passages.
Ce concert du 27 juillet sera l’occasion de clôturer la semaine de résidence que nous avions effectué au mois d’avril dernier
Et puis il y a Parata le 4 août, une évidence !
Je vais réaliser là un rêve de gosse, en présentant mes chansons, chez moi, sur cette place de l’église où j’ai passé toute mon enfance.
Ces chansons sont nées là haut, il est important pour moi qu’elles résonnent pour la première fois en live au même endroit. La boucle est bouclée !
Quels autres événements prépares-tu ?
Aujourd’hui, nous somme autorisés à remonter sur scène, je vais donc reprendre mon activité de batteur jusqu’a la fin de l’année, en travaillant notamment sur les projets de Nicolas Torracinta, Lionel Giacomini et Four kicks, et sans doutes retrouver mon petit studio de fortune à Parata l’hiver prochain, pour enregistrer la suite de ces belles aventures ! •
Cargese – Spaziu culturale – 27 juillet 2021
Parata – Place de l’église – 4 août 2021Facebook : Michè Dominici (chacha)