Comme président de la Commission Finances et de la Fiscalité de l’Assemblée de Corse, Guy Armanet est l’un des éléments fort du groupe Femu a Corsica. Il préside également le Service Incendie et de Secours de Haute-Corse (sapeurs-pompiers) et est maire depuis 12 ans de Santa Maria di Lota. C’est avec cette triple casquette qu’il affronte la crise qui secoue la Corse depuis le mois de mars dernier. Il répond aux questions d’Arritti.
Vous planchez dans votre commission sur les conséquences de la crise et sur les capacités de notre Collectivité à faire face. Pouvez-vous résumer la situation à laquelle nous sommes confrontés ?
Les conséquences de la pandémie revêtent une acuité particulière pour notre île dont on sait que le modèle économique repose sur des activités touristiques représentant localement plus de 30% du PIB pour une moyenne nationale de 7,5 %. Sur les 2,5 milliards escomptés de recettes annuelles générées par le secteur touristique, les pertes actuelles induites par les mesures sanitaires ont été évaluées à 750 millions d’euros. Nous devons donc mettre en oeuvre des mesures concrètes pour « sauver » une saison 2020 déjà largement mise à mal.
Il faut également se préoccuper des difficultés que rencontreront les acteurs de l’enseignement lors de la reprise scolaire à laquelle il convient de se préparer de manière concrète.
Enfin, nous devons intégrer la problématique de structures hospitalières relativement limitées afin de pouvoir les mettre en adéquation avec les spécificités de cette pandémie.
Je profite d’ailleurs de l’occasion pour saluer et remercier l’ensemble du personnel hospitalier et soignant qui a su faire face, avec une abnégation sans limite, à cette situation sans précédent.
Quelles mesures ont été mises en place ?
Plusieurs dispositifs destinés à soutenir les acteurs économiques de l’île permettront de faciliter l’accès au crédit bancaire à hauteur de 150 millions d’euros. La Collectivité de Corse a adhéré, pour 1 million d’euros, au fonds de solidarité instauré par l’État, prévoyant le versement d’aides, entre 1500 et 3500€, à destination des artisans, commerçants, professions libérales et agriculteurs.
En complément, l’accompagnement des entreprises et associations sera assuré par un fonds territorial de garantie de 4 millions d’euros.
En partenariat avec la Chambre de commerce et d’industrie territoriale, nous avons créé un fonds de solidarité spécifique, Sustegnu – Covid-19, de 6 millions d’euros qui doit permettre aux acteurs économiques de l’île de disposer de trésorerie sur la base d’emprunt à taux zéro. D’autres mesures financières spécifiquement destinées aux exploitants agricoles et aux entrepreneurs solidaires ont également été mises en place.
Enfin, l’outil «GreenPass» proposé pourra concilier offre touristique et vigilance sanitaire.
Quel monde préfigure cette crise ? Comment la Corse va-t-elle inscrire sa résistance dans la durée ?
Cette crise sanitaire a entraîné une profonde mutation sociétale. Le système économique actuel et sa pérennité sont remis en question, ce qui nous a contraints à quitter nos zones de confort et à explorer des pistes alternatives souvent inédites. Il apparaît évident que la sortie de crise passe par la reconstruction d’un tissu économique local assis sur des circuits courts de distribution dans le cadre d’une économie circulaire. Il s’agit d’un programme de longue haleine mais je reste persuadé qu’à la faveur de la synergie créée par la crise sanitaire, l’ensemble de la communauté est maintenant mûre et unanime pour suivre ce cap.
Comme président du SIS, vous êtes aussi au coeur de la problématique sanitaire, à quelles difficultés êtes-vous confrontés?
Le challenge à relever a consisté à nous doter des moyens nécessaires afin de poursuivre nos missions auprès de la population tout en assurant à nos personnels des conditions de travail sécurisées.
Cette adaptation de notre réponse opérationnelle a été déclinée au niveau organisationnel par le déploiement d’un Plan de Continuité d’Activité visant à favoriser la mise en oeuvre du télétravail avec un présentiel adapté à la nécessaire continuité du service.
Sur le plan logistique ont été prévus des aménagements de protections collectives et des équipements de protection individuelle attribués à chaque agent, le tout dans le cadre de protocoles d’intervention redéfinis pour être adaptés à la pandémie. Sur le plan financier, le dispositif a généré un surcoût inévitable évalué à 200 000 € et qui nécessitera un rééquilibrage budgétaire incontournable. Je tiens à remercier tous les personnels du SIS, des officiers aux personnels administratifs et techniques, pour leur réactivité et implication exemplaires.
Et comme maire, vous avez aussi l’approche concrète du terrain, votre avis sur le déconfinement au niveau scolaire?
C’est un véritable dilemme: comment concilier droit à l’enseignement et prévention sanitaire de la population? L’absence de recul au regard du caractère extrêmement inédit de la crise mais surtout la difficulté de mise en application efficace de protocoles complexes dans le cadre de l’enfance m’ont conduit à opter pour le maintien de l’enseignement à distance, décision qui a recueilli l’assentiment de la majorité des parents. Reste à mettre à profit la période estivale pour préparer la rentrée scolaire 2020-2021.
Vos difficultés au quotidien sur la commune ?
Nos difficultés actuelles s’avèrent sans commune mesure avec la situation d’urgence connue lors de montée en puissance de l’infection.
La commune a dû mettre en place diverses mesures de soutien à la population, comme la distribution de colis alimentaires pour faire face aux problèmes d’isolement accentués par le confinement.
Notre quotidien obéit à des adaptations et des actions désormais habituelles, comme l’accueil dans les structures communales réorganisées ou la distribution de masques aux administrés. Chaque étape de la crise a été surmontée grâce à l’aide efficace et sans faille du personnel municipal et des bénévoles de la Réserve Communale de Sécurité Civile.
Merci à eux !