Sortie du premier EP du groupe l’Oscuru

Un groupe de métal en langue corse

« On peut chanter dans une langue minoritaire et s’exporter à travers le monde. » L’Oscuru est un groupe de métal en langue corse né en 2020 à Aiacciu et dont le premier EP est sorti le 30 mai 2023. Le groupe est composé de Benjamin Rusterucci, Julien Pasqualaggi et Marc’Antone Mucchielli et a été créé avec Baptiste Nativi, Nicolas Galleri. Marc’Antone Mucchielli répond à nos questions.

 

 

Est-ce que tu peux nous présenter le groupe et son style ?

Moi c’est Marc’Antone, je suis chanteur compositeur et auteur du groupe. Benjamin Rusterucci est le second chanteur et Julien Pasqualaggi est guitariste.  Avec mes amis on venait d’univers musicaux très différents. Il a fallu d’abord un processus pour trouver un style qui nous conviendrait et où il était possible d’introduire la langue corse avec une ambiance qui allait permettre de respecter les accents toniques et la musicalité de la langue. On est un groupe post métal alors on va emprunter au métal son univers thématique, son univers sonore. On va utiliser du métal par son background plutôt que la musicalité en elle-même.

 

Est-ce que tu craignais la façon dont la Corse allait accueillir un groupe de métal en langue corse ?

Non, personnellement j’ai eu tout un chemin culturel militant et par le fait que mon père est prof de Corse et que moi aussi j’ai fait une licence Studi corsi. La langue corse, je l’ai prise comme quelque chose d’assez naturel je ne l’ai pas intellectualisée de quelconque manière. Mais dans mon parcours je me suis effectivement bridé un long moment puis on a envie de s’émanciper de ces carcans qui finalement desservent plus la langue qu’autre chose.

 

Pourquoi avoir appelé le groupe l’Oscuru ?

Ça vient à la base de la chanson Chjaru oscuru de Canta u populu corsu. On s’est beaucoup calqué sur l’idéal de Natale Luciani en termes de politique et d’idéologie, c’était quelqu’un d’assez ouvert. Chjaru oscuru c’est emblématique de la guerre fratricide et cela symbolisait bien cette ambiguïté et cette dualité qu’il y avait dans l’univers du groupe. On a choisi de ne garder que l’Oscuru avec l’idée que c’est des ténèbres que va naître la lumière, uniquement retourner aux ténèbres pour que l’on puisse retrouver un peu d’espoir dans notre île.

 

Vous avez sorti trois morceaux, quels sont les thèmes abordés ?

On a beaucoup emprunté à l’ésotérisme local puis l’anthropologie et l’ethnologie et toutes ces sciences divinatoires à l’ancienne. C’est assez passionnant parce que c’est quelque chose qui va rejoindre beaucoup de populations dans le monde et pas seulement, dans le bassin méditerranéen et il y a ce côté assez universel finalement qui est en même temps très marqué localement, par exemple avec le thème des mazzeri. On va s’appuyer sur un imaginaire qui est très local mais en même temps avec un côté très ouvert qui me fait penser à plein d’autres groupes de métal notamment scandinaves où on peut facilement se représenter la nature même si on ne comprend pas leur texte.

 

Est-ce que ce sont les groupes de métal dans des langues minoritaires comme les groupes scandinaves qui t’ont inspiré pour faire du métal en langue corse ?

Ce sont les groupes scandinaves qui m’ont fait comprendre que l’on peut chanter dans une langue minoritaire et s’exporter à travers le monde sans aucun problème, c’est-à-dire que le métal c’est un style qui par définition a une super ouverture. Tout particulièrement le groupe qui m’a fait réaliser cela c’est un groupe dont je suis fan qui est islandais c’est Solstafir, qui chante en islandais, une langue minoritaire comme la nôtre. La langue n’est pas leur force première mais pourtant c’est magnifique ce qu’ils font et ça ne les empêche absolument pas de faire des tournées aux États-Unis.

 

Quels sont les groupes et les albums qui vous ont inspirés ?

Forcément au niveau local c’est Canta u populu corsu à 100 % surtout au début du groupe avec des morceaux comme Mal’conciliu ou même Amicu ci si tù. On retrouve ces ambiances de polyphonies qui peuvent parfois être dissonantes. Le premier Canta avec ce côté peu produit dans l’album et ce grain qui donne un charme vraiment particulier. Après, un groupe français comme Alcest a été une inspiration notamment en termes de tessiture et des envolées vocales qui m’ont fait réaliser que je pouvais chanter ce style en corse. Sinon il y a Amenra, c’’est un groupe belge qui chante d’ailleurs en flamand et a cette grosse influence aussi pour l’ambiance très noire très sombre. Il y a Kodama d’Alcest, Mass VI d’Amenra, ou encore j’aime beaucoup le charme de l’enregistrement du Théâtre de la ville de Canta, ça m’a vraiment beaucoup plu, puis il y a ces versions de Mal’Conciliu de Dumè Gallet qui m’ont toujours subjugué.

 

Est-ce que vous avez des projets ?

On n’a pas fait de concert pour l’instant parce que c’est un projet qui est très récent. On a fait un premier EP de trois titres et on prépare deux titres qui sont déjà enregistrés, on est en phase de mixage. Donc pour l’instant on est sur un projet studio et on espère le porter d’ici peu de temps sur la scène. La priorité c’est de concrétiser un premier album avec les deux titres qui vont sortir, aller sur un son plus mature par rapport à l’EP puisque forcément il y a cette part d’insatisfaction et de frustration qui est bénéfique et quand même positive parce que ça nous pousse à aller plus loin.  J’ai envie d’aller plus loin en tout cas par rapport à ce que j’avais en tête au début, pour pouvoir concrétiser ces idées. Nous nous tournons également vers les arts visuels, nous venons de tourner un clip réalisé par Marie Frediani. Il y a également le clip d’un morceau réalisé avec le groupe basque Botakantu, sur le morceau Uda, racontant l’histoire de la militante de l’ETA en cavale Maddi Heguy, avec de fortes empreintes politiques. •

Entretien réalisé par Pauline Boutet-Santelli.