On peut dire qu’il manquait à la Corse un livre sur Claude Papi. Son deuil a été si difficile à faire qu’il est publié 40 ans après sa disparition, comme si c’était hier. Et le titre choisi par Ghjàcumu Tiers qui signe la préface, « un nom qui jamais ne s’oubliera », est ressenti par tous, en témoignent les différentes générations traversées jusqu’à celles qui ne l’ont pas connu : il a marqué nos vies. Très bel ouvrage donc qui vient de sortir aux éditions Coletta, signé de trois amis, trois collègues journalistes, trois admiratifs de cet homme qui a fait l’histoire sportive et l’histoire tout court de la Corse contemporaine. Jean-Marc Raffaelli, Jean-Paul Cappuri, Jean-Richard Graziani, aidés de Xavier Grimaldi pour la mise en forme, signent ce bien bel hommage sur la vie du célèbre numéro 10 bastiais, sa jeunesse, restée éternelle par sa disparition trop précoce, son immense talent, sa gentillesse sans borne, sa passion de la Corse, la terre, la culture, la nature, la famille, les amis… malgré toute l’humilité qui le caractérisait, Claude Papi est un monument.
À travers les pages de « Claude Papi, l’icône », les auteurs ont essayé de rendre compte de cette vie tournée vers la Corse, son repère, pour approcher, témoigner de sa grandeur d’âme, en rendant « au joueur et à l’homme exceptionnel qu’était Claude Papi, le vibrant hommage qu’il méritait ».
De sa mort qui consolida « le mythe », de cette extraordinaire carrière qui fait de lui le meilleur joueur de toute l’histoire du football corse, on remonte le temps… on découvre son enfance, sa jeunesse, sa vie de famille, la boulangerie de ses parents, le jeune garçon joyeux qu’il était, son mariage, ses filles, on voyage au travers d’anecdotes et de nombreuses et émouvantes photos. Ses débuts dans le stade qui porte son nom, à Portivechju, ses premiers pas au Sporting Club de Bastia déjà prodige à tout juste 18 ans, club qu’il ne quittera jamais, son parcours prestigieux jusqu’à l’apogée de ce but extraordinaire qui libéra tout un peuple face aux Grasshopers de Zurich, propulsant Bastia en finale de coupe européenne en 1978, bien avant l’OM (vainqueur en 1993), et à l’égal du grand Stade de Reims (finaliste 1955), une prouesse depuis jamais réalisée par aucun autre club en France, pas même le Paris St-Germain. Le Sporting fit tomber les plus grands d’Europe à cette époque-là, et son meneur de jeu fut même sélectionné en équipe de France à trois reprises, quatre si l’on compte un match amical. Il participa à la Coupe du Monde en Argentine en 1978, appelé par le sélectionneur Michel Hidalgo ! Hélas un certain Michel Platini lui faisait concurrence pour mener une plus longue carrière internationale. Joueur complet, à la fois « créatif et finisseur », passeur exceptionnel, stratège, buteur (114 buts en pro) il marque à jamais des générations de joueurs et reste un monument du football corse.
Difficile de revivre le récit de ses obsèques sans retenir une larme.
Pour celles et ceux qui l’ont connu, on n’est pas soigné de la disparition de Claude Papi. « Il n’est pas parti, il est simplement rentré se reposer aux vestiaires », les mots pour consoler l’assistance de prete Stra, aujourd’hui lui-même disparu, font que parfois, bien après sa disparition en 1983, à Furiani on se surprend à espérer le voir entrer sur le terrain certain soir de match… Claude Papi manque terriblement 40 ans après sa mort. Bien sûr il y a eu l’épopée européenne qui a consolidé le mythe, mais il s’était déjà fait un nom dans l’histoire du club. Le groupe de la fin de ces années 70 qui ont écrit les plus belles pages de gloire du Sporting, était lui aussi un groupe « mythique » qui a laissé et laisse encore une grande fierté à la Corse. Pourtant, Papi était un homme simple, loin des fastes de la starisation du football business d’aujourd’hui. C’était une autre époque, mais c’était surtout un homme différent, aux plaisirs sains. La chasse, la pêche, le vélo, la lecture d’un polar, le sport, et bien sûr la famille, les amis, les partis de cartes…
L’ouvrage se lit d’une traite et on y revient, nous faisant partager la passion de ce Corse si sensible, si simple et si adulé. On y découvre une interview inédite, donnée quelques jours avant sa disparition où l’homme se confie : « Vous savez, le football ne s’apprend pas. On l’a dans la peau ou on ne l’a pas. Tout gosse, je jonglais avec un sou troué, parfois même avec des chiffons roulés en boule avec de la ficelle à l’ombre de l’église romane qui surplombait la boulangerie de mes parents à Porto Vecchio. Mais une fois que l’on est arrivé au sommet de ses rêves, et pour moi c’était de porter le maillot de Bastia, il faut travailler sans relâche, se remettre en question à chaque entraînement et à chaque match. La tactique n’existe pas sans le travail collectif et la technique ne sert pas à grand-chose sans une condition physique irréprochable. »
Et un peu plus loin de dire, lui qui malgré les offres alléchantes, n’a jamais voulu quitter la Corse : « La principale qualité d’un “pro”, c’est sa passion, c’est sa force première, ce à quoi se raccrocher dans les épreuves pour résister et pour se relever (…) toute ma vie, aux entraînements, sur le terrain, dans les vestiaires, elle ne m’a jamais quitté même dans les moments les plus difficiles. Ce qui peut paraître plus immoral pour le grand public, c’est que le football est un monde où l’on parle énormément d’argent. Mais si les gens s’émeuvent de voir qu’il existe des tractations aussi exorbitantes, c’est bien moins la faute des joueurs que celle des agents et parfois des dirigeants qui sont à l’aise dans les marchandages surtout lorsqu’ils ont les moyens de faire de la surenchère. La passion, elle, n’a pas de prix. »
Un joueur très bien dans sa tête et c’est ce qui faisait aussi sa force et son aura. De nombreux témoignages, de grands noms du football qui l’ont croisé ou mieux connu, viennent ponctuer l’ouvrage, à ne pas manquer pour vos achats de Noël et ravir tous les passionnés.
Riposi in pace tù chì fermi per mai ind’i nostri cori. •