Samedi 22 juillet, était inaugurée A nivera di Bocca Pruna, patrimoine exceptionnel, unique en Corse et en Méditerranée, sur la commune de E Ville di Petrabugnu, entièrement restauré par la commune avec le concours de la Collectivité de Corse, l’Office de l’Environnement, l’Odarc, l’État et l’Europe. L’occasion d’une magnifique balade sur les hauteurs de Bocca Pruna. Et ils étaient très nombreux, plusieurs centaines, celles et ceux à avoir enfilé les chaussures de marche pour assister à la seconde naissance de ce magnifique patrimoine, au premier rang desquels, pour entourer Michel Rossi, maire de E Ville di Petrabugnu, Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif, et Yves Dareau, représentant la préfecture de Haute-Corse, pour les institutions, l’abbé Serge Casanova pour la bénédiction, et les confréries de Ville di Petrabugnu, San Martinu di Lota, Patrimoniu et Ferrìngule.
Inscrite à l’inventaire des Monuments historiques, la glacière de Bocca Pruna est une construction « remarquable par son ampleur ». Edifiée il y a quelques 400 ans par les Génois à 600 mètres d’altitude sur le territoire de E Ville di Petrabugnu à la fin du XVIe siècle, elle était destinée à stocker la glace pour approvisionner la ville de Bastia. « En pénétrant dans la nivera, on peut découvrir un ensemble architectural qui témoigne de l’ingéniosité des bâtisseurs de l’époque » explique le dossier de presse. À savoir : deux énormes cuves circulaires, creusées à même la roche sur six mètres de profondeur, permettaient d’entasser la neige par couches successives alternées de fougère afin de confectionner les blocs de glace. « Les puits (i vasi) étaient dotés d’un système ingénieux de circulation de l’air et de canaux d’évacuation des eaux de fonte, ce qui permettait de maintenir de la glace jusqu’au début de la période estivale » expliquent encore les organisateurs de cet événement. « Cette technique d’exploitation très ancienne (connue depuis l’antiquité) rendait plus facile l’extraction des blocs destinés à être transportés à dos d’hommes et de mulets vers Bastia et le Palais des Gouverneurs ». Une exploitation qui dura jusque vers la fin du XIXe. Puis, sa position au croisement de routes de passage de la côte ouest à la côte est du Cap Corse, en a fait un lieu de halte lorsque la glace n’y était plus stockée. « Plantée tel un repère au col de Bocca Pruna, sa reconversion en grange et en abri pour les bergers et leurs troupeaux après que les cuves furent comblées, a permis de le maintenir en vie jusqu’à la fin des années 60, sans pour autant ralentir une dégradation inexorable » raconte Michel Rossi.
De nos jours, ce sont surtout les chasseurs empruntant le sentier qui l’entretenaient plus ou moins, de même que les accès à la glacière. Mais c’est l’engouement des sports de nature au début des années 2000 qui a fait renaître tout l’intérêt de ce site magnifique. Le trail des nivere qui relie Cardu à E Ville sur une vingtaine de kilomètres en est une belle illustration.
Aussi la restauration du site est une bonne nouvelle ! Pour la glacière elle-même, mais aussi pour le sentier à fort dénivelé qui y conduit, pavé sur deux kilomètres, et qui a reçu le label Chjassu di a Memoria. E ville investit sur son patrimoine, notamment sur la restauration de ses sentiers découvertes, tel San Ruccucciu qui part de Toga, ou des Nivere, au départ des hameaux de Guaitella et l’Alzetu. « Outre l’intérêt de sauver ce patrimoine, cette politique relève d’un volet attractivité dont les retombées économiques et touristiques sont réelles et récemment promues par l’agglomération » dit encore le maire.
Inscrit aux projets de la commune en 2017, le chantier a été mené avec une belle solidarité, y compris villageoise, puisque plusieurs dizaines d’entre eux ont prêté main forte pour dégager les cuves lors des Journées du patrimoine et d’operate menées sur place. Chapeau ! La famille propriétaire du site a concédé un bail emphytéotique permettant l’arrêté de classement « Monument historique » et la réalisation des travaux avec le concours des collectivités, pour un coût total de 900 k€ (280 k€ Nivera, 620 k€ sentier).
C’est l’architecte Romuald Casier (Atelier Arc) qui a remporté la consultation. S’en est suivi une phase d’études poussée pour conserver l’identité de la glacière et l’adapter à sa nouvelle vocation : « un travail de restauration qui fait la part belle à un escalier intérieur hélicoïdal (en béton Ductal) permettant l’accès à la cuve de gauche, et la pose d’un garde-corps en verre ainsi qu’une mise en lumière remarquables par leur modernité ». Et c’est vrai que c’est plutôt réussi, donnant à ce patrimoine une belle attractivité touristique tout en respectant son authenticité.
On l’a compris, le site a une histoire qui se poursuit aujourd’hui, avec des enjeux de revitalisation de l’intérieur qui mise sur un tourisme culturel et sportif. Les Collectivités suivent. Les habitants aussi, preuve en est la foule qui s’est pressée pour assister à cette inauguration.
Longa vita à a nivera di Bocca Pruna ! •
ARRITTI.