Le 13 mars prochain, aura lieu l’élection à la présidence de la Fédération Française de Football. Trois candidats sont en lice, Noël Le Graët, actuel président de la FFF, Frédéric Thiriez et Michel Moulin. Au moyen d’une Lettre Ouverte, le Collectif des Victimes du 5 Mai 1992, saisit cette occasion pour revenir sur la revendication du gel des compétions nationales le 5 mai.
Quatre pages de rappel des attentes du Collectif et de l’action qu’il a mené jusqu’ici pour faire en sorte que le drame du 5 mai 1992 soit pris en compte comme « la plus grande catastrophe que le football et le sport français aient connu ». Elle porte « encore aujourd’hui, de nombreuses traces, tant physiques que psychologiques, chez plusieurs centaines de personnes, tant en Corse que sur le continent » dont les leçons doivent impérativement conduire à combattre les dérives du « foot business » qui en sont la cause.
« Face à l’ampleur de la tragédie qui est présentée, à l’époque, comme “nationale”, le Président de la République, François Mitterrand, en visite à Bastia au chevet des victimes, annonce que “plus aucune rencontre officielle ne serait organisée un 5 mai en France” », rappelle le Collectif dans ce courrier. Mais, s’il a conduit à des modifications législatives sur la « sécurité des équipements et des manifestations sportives », ainsi que sur « la réglementation ayant trait à l’accueil du public et aux conditions de sécurité dans les lieux accueillant des spectacles », cet engagement n’a pas été tenu.
C’est ce qui a conduit, « à partir des années 2000 et sous l’influence du “football business” ou “foot-fric” », à bafouer l’engagement pris de ne plus jouer au football le 5 mai, « les intérêts économiques prenant le pas sur le souvenir, le recueillement et le devoir de mémoire ». Et de rappeler les nombreuses fois où « malgré les protestations du Collectif des Victimes du 5 mai 1992 et de ses soutiens, des rencontres se sont jouées un 5 mai » : Finale de la Coupe de la Ligue en 2001, minute de silence en hommage aux disparus sifflée en 2002, 37e journée de championnat de Ligue 2 en 2006, 35e journée du championnat de Ligue 1 en 2007. Et, comble !, l’Olympique de Marseille qui fête son titre de Champion de France devant son public le 5 mai 2010. « Ce contraste terrible, entre la joie des supporters olympiens et la détresse des victimes de la catastrophe de Furiani, a constitué une sorte de point de non-retour » déplore le Collectif, qui rappelle les soutiens dont il bénéficie dans le monde du football, notamment celui du sélectionneur de l’équipe de France, Didier Deschamps.
« Comment était-il possible de faire la fête dans les stades à la date du 5 mai ? » interpelle le Collectif. Pourtant encore, au printemps 2011 la FFF annonçait que la finale de la Coupe de France 2012 se déroulerait le 5 mai, 20 ans, jour pour jour, après le drame !
La suite on la connaît, interpellation de la Ministre des Sports de l’époque, Chantal Jouanno, report du match, mais la Ligue de Football Professionnel décide de « récupérer » le créneau laissé libre pour y fixer la 36e journée de Championnat de Ligue 1, se contentant d’en exonérer les clubs corses ! « Les instances tendaient donc à faire de la date du 5 mai une affaire “corso-corse” ».
Le Collectif recueille plus de 40.000 signatures de toute la France et du monde sportif, les quatre députés de la Corse saisissent le nouveau ministre des Sports David Douillet, puis le Président de la République Nicolas Sarkozy, qui fait part de son soutien… in fine, la décision est prise de décaler la journée de championnat de L1 2012 et de ne faire jouer aucun match de compétitions nationales ce jour-là.
Un « Comité de suivi » est mis en place, mais malgré plusieurs mois de travaux, il ne tient pas compte des revendications des victimes. Pourtant encore, le candidat François Hollande apporte aussi son soutien en mars 2012 lors de sa visite à Bastia, de même que plusieurs parlementaires et nombre de clubs professionnels français, dont les trois plus populaires (Olympique de Marseille, AS St Etienne, Olympique Lyonnais), mais aussi Montpellier, Valenciennes, Bastia, Aiacciu… Depuis, le Collectif a rencontré les différents ministres des Sports : Najat Vallaud-Belkacem, Thierry Braillard, Laura Fessel, Roxanna Maracineanu…
En 2015 sous la présidence de Thierry Braillard, il obtient la reconnaissance officielle du drame de Furiani comme catastrophe nationale et le gel des rencontres officielles lorsque le 5 mai est un samedi. Mais « cette dernière décision a connu ses limites dès 2019 avec quatre rencontres de L1 programmée le dimanche 5 mai ». Dans de nombreux stades, à l’occasion de cette journée, les supporters ont manifesté leur soutien à la demande de gel.
« D’ici 2040, seulement une demi-douzaine de dates pourrait concerner des matchs du calendrier professionnel un 5 mai » plaide encore le Collectif pour qui « il est donc facile et faisable de respecter l’engagement du Président François Mitterrand. »
Nouvelle avancée significative le 13 février 2020 avec le projet de loi porté par le député de Haute-Corse Michel Castellani et le groupe Libertés et Territoires, soutenu par des députés de tous bords. « Un consensus s’est donc dégagé au sein de la France du football ». Ce projet de loi sera bientôt soumis à l’examen du Sénat.
Le Collectif demande que « la Fédération Française de Football intègre volontairement cette mesure en l’inscrivant dans ces règlements relatifs aux compétitions nationales », et pour cela il demande aux candidats à la présidence de la FFF de s’exprimer sur le gel des matchs le 5 mai, mais aussi sur les propositions d’action du Comité de suivi* et du Collectif.
On reste dans l’attente de réponses… •
* 1er week-end du mois de mai commémoration annuelle au calendrier du foot professionnel et amateur ; manifestation annuelle dans les ligues et districts pour sensibiliser les plus jeunes aux valeurs du football et du sport en général ; attribution d’une bourse « labellisée 5 mai 1992 » à un étudiant chercheur effectuant ses travaux sur un sujet touchant à l’environnement direct du football (sécurité dans les stades, argent et football, sociologie des supporters, paris et football, retombées économiques du football, analyse et comparaison de tragédies ayant un lien avec le football en Europe ou dans le monde…).