Le Brexit vient de baisser le rideau sur son « premier acte ». Les rebondissements ont été nombreux, et les acteurs des deux camps, comme il est d’usage dans les combats à l’issue incertaine, proclament leur victoire. Mais ce n’est que plus tard que l’on saura réellement qui sont les gagnants.
L’intrigue de ce scénario commence en 2015 avec l’étrange idée du premier ministre conservateur d’alors, David Cameron, d’inscrire dans le programme pour sa réélection l’organisation d’un referendum sur la sortie du Royaume Uni de l’Union Européenne. Son but est de garder autour de lui un parti conservateur rassemblé, alors qu’il est très divisé sur la question européenne et qu’il est placé sous la pression de UKIP, le parti pro-Brexit de Nigel Farage, qui progresse dans les sondages à son détriment. Son calcul est aussi que sa défaite est probable, et que donc sa promesse tombera aussitôt à l’eau. Grave erreur ! Cet ajout à son programme a ramené nombre d’électeurs eurosceptiques vers les tories, leur assurant une majorité absolue, et l’obligation morale d’aller au bout de la promesse du referendum sur la sortie du Royaume Uni de l’Union Européenne.
Le 23 juin 2016 les partisans du Brexit l’emportent de peu, enclenchant le processus qui a conduit jusqu’à l’accord trouvé in extrémis à la veille de Noël 2020.
Que contient cet accord ? En tant que pays voisins aux standards économiques comparables, le Royaume Uni et l’Union Européenne sont imbriqués dans des échanges économiques multiples. Garder un accès facile au grand marché européen est essentiel pour l’économie britannique qui y réalise l’essentiel de ses exportations. Mais l’Europe doit protéger son économie et empêcher tout dumping de la part de la concurrence britannique.
Aussi, l’accord prévoit de n’imposer au départ ni quotas ni droits de douanes entre les deux partenaires. Il énonce cependant qu’il pourra en être instauré unilatéralement si les conditions de la concurrence venaient à diverger demain. En attendant, les entreprises seront obligées de satisfaire à des obligations déclaratives strictes. Ainsi la frontière est matériellement mise en place entre les deux espaces économiques, et prête à servir autant que de besoin.
Le volet « pêche » de l’accord a été conclu au grand soulagement des professionnels du secteur du côté européen. Ce qui laisse à penser que la partie européenne en a été pleinement satisfaite.
Enfin, point crucial, l’accord valide définitivement l’absence de frontière dure sur le territoire irlandais, les échanges étant contrôlés en mer d’Irlande selon un protocole supervisé par les deux parties.
Désormais commence une longue période durant laquelle l’application de l’accord intervenu va produire ses effets économiques et politiques.
Premier effet connu : la revendication d’indépendance rebondit très majoritairement en Écosse. Le SNP et sa dirigeante la première ministre Nicola Sturgeon en feront l’axe central de leur programme politique pour les prochaines élections écossaises en mai prochain. Leur large victoire est annoncée par les sondages.
Le second effet sera en Irlande du Nord, et il sera un effet de long terme. L’absence de frontière continuera à rapprocher les parties européenne et britannique de l’île. D’ici une génération, l’unification irlandaise pourrait être réalisée.
Et quant aux conséquences économiques immédiates ou futures, l’Europe a toutes les cartes en main pour en maîtriser les évolutions. Et convaincre ainsi ceux qui, au sein de l’UE, seraient tentés de suivre l’exemple britannique, de surtout ne pas le faire. •