En janvier 2001, Edmond Simeoni, alors en plein processus de Matignon, déclarait : « l’ingénierie de la paix et de la confiance retrouvées est une construction de chaque jour, qui, pour déjouer le piège de provocations tristement prévisibles, doit combiner le pragmatisme et la ferme volonté réciproque d’aboutir. Le chemin tracé est certes imparfait mais il est le seul praticable. » 8 ans plus tard, scandalisé par la condamnation d’Yvan Colonna, et alors président de son Comité de Soutien, il s’exprimait devant l’Assemblée de Corse (mars 2009). La blessure de l’assassinat du Préfet Erignac – et toutes les injustices subies par le peuple corse depuis – n’est hélas pas prête de se refermer vu l’attitude du gouvernement encore aujourd’hui (lire en page 6&7). La paix est un combat. Et cela passe par le règlement de la question des prisonniers politiques. Extraits.
«Ce procès, quelles que soient les opinions que l’on ait sur la culpabilité ou l’innocence de l’homme qui est en cause, a un déroulement qui heurte beaucoup les consciences, et je ne vais pas parler des Corses.
(…) La presse française dans sa diversité (…) [a] des mots extrêmement durs pour caractériser le procès. Quand vous avez des chroniqueurs, comme le Figaro quand même, qui disent mais, où sont les charges ? Qu’est-ce ce scandale ? Que se passe-t-il ? (…) Sur le site du Comité de soutien à Yvan Colonna, il y a eu en février 350.000 connexions, mais depuis qu’ils ont refusé la reconstitution, sur d’autres sites, c’est 36 à 37.000 connexions par jour, et ce ne sont pas des Corses, ce ne sont pas des militants nationalistes, ce sont des gens qui de partout, d’Europe et d’ailleurs, s’interrogent sur une affaire dans sa composante judiciaire.
(…) Il y a un premier danger, je n’épilogue pas, c’est le non-respect de la présomption d’innocence. Le comportement du président indépendamment du fond, suscite l’irritation de tous les démocrates, de tous les observateurs, de tous les journalistes. Quand on voit comment est mené l’instruction à charge (…) Quand les justices d’exception avancent, la démocratie recule. La DNAT, c’est une police spéciale, la juridiction d’instruction de la 14e section, c’est une juridiction spéciale, et la Cour d’Assise est une juridiction spéciale.
Des juridictions spéciales il y en a eu à la Libération, il y en a eu ailleurs, il faut faire attention parce qu’en démocratie, elles ne sont pas la garantie d’une justice équitable, au contraire, elles entachent ses décisions souvent, au moins d’un procès d’intention, parce qu’elles existent à la diligence du pouvoir exécutif et qu’il n’y a pas de contreparties.
(…) Lisez le rapport de la Fédération internationale des Droits de l’Homme, lisez ce que dit la Ligue des Droits de l’Homme, ce que dit M. Costa qui est quand même le grand patron de l’institution européenne de Justice. Il ne faut pas prendre trop de liberté avec la présomption d’innocence, (…) et il faut aboutir au respect strict des procédures qui fondent le droit.
(…) Quand je vois arriver M. Colombani que nul ne prend ni pour un complice du terrorisme, ni pour un homme excessif, et qui dit froidement, moi j’étais à deux mètres, j’ai vu, ce n’est pas lui. Et puis d’autres gens qui disent non ça n’est pas lui, et puis d’autres qui disent non ils étaient deux, ils étaient trois, ça crée un sentiment de malaise. Non pas parce que les gens témoignent. Les témoins peuvent se tromper, d’autres peuvent penser le contraire. Ça n’est pas ça. C’est qu’on évacue, circulez il n’y a rien à voir.
(…) Quand vous dissimulez des pièces importantes à la défense, quand il y a de hautes autorités policière qui sont totalement embarrassées parce qu’elles sont prises en contradiction avec les témoins, et surtout la pièce maîtresse, celle qui fait tout basculer, ce refus réitéré, véritablement incompréhensible d’une reconstitution. Mais comment voulez-vous qu’à un moment donné les citoyens disent mais pourquoi on ne se donne pas les moyens de comprendre ce qui se passe ? Je pense que Colonna, ses défenseurs, sa famille ont bien fait de rompre ce jeu inégal et pollué, parce que la sanction qui se profile, vous le savez, c’est une peine de condamnation à perpétuité avec une peine de réclusion criminelle de sûreté.
(…) Il n’y a pas un homme, pas une femme qui ne puisse admettre et comprendre que la justice, pas seulement en Corse, en France continentale, en Europe, c’est un des piliers essentiels de la démocratie et qu’il faut que véritablement elle fonctionne normalement.
(…) La seule chose que je vous demande, c’est que dans le respect de toutes les convictions, on appelle tous les démocrates à une réflexion plus approfondie, on les appelle à s’informer sur le procès en cours, et à demander simplement – ce qui quand même est assez surprenant – l’exercice d’une justice sereine et impartiale. Yvan Colonna comme tout justiciable sous tous les cieux, a droit à un procès équitable. » •