On a souvent tendance à imaginer l’entreprise confrontée aux difficultés insurmontables de l’insularité et des crises qui frappent plus durement dans l’île. C’est une vérité, mais il y en a d’autres qui démontrent d’un monde de l’entreprise qui lutte, se dynamise, innove, recherche des solutions et des complémentarités, œuvre au développement de l’île. Par le passé un certain fatalisme habitait l’entrepreneur, militants et responsables politiques ont réagi, cherché à s’adapter, créé des outils. Arritti est particulièrement attaché à la démarche Femu Quì* par exemple, il existe aussi d’autres outils pour aider l’entreprise à s’adapter et faire face aux difficultés économiques. L’incubateur Inizià est l’un de ces outils pour soutenir l’esprit d’entreprendre et l’innovation, accompagner les entreprises à leur démarrage et leur donner les meilleures chances de réussite. Coaching, expertises, formations, workshops, animations thématiques, mise en réseau… Inizià contribue à créer de l’activité économique et donc de l’emplois en Corse. Il accompagne, mais se place aussi en amont, en détecteur de talents.
Fondateur de Demeures Corses, entreprise de constructions plusieurs fois primée dans le domaine du développement durable, Jean Nicolas Antoniotti, qui a présidé Femu Quì SA durant ses deux premières décennies d’essor, a été récemment élu à l’unanimité président d’Inizià. Un nouveau défi pour cet entrepreneur aux multiples talents. Il répond aux questions d’Arritti.
Félicitations pour votre désignation à la présidence d’Inizià, présentez-nous un peu votre parcours… Qu’est-ce que l’incubateur Inizià ?
Impliqué depuis de nombreuses années en faveur de l’innovation et du développement économique de la Corse, je suis à l’initiative du fonds d’investissement Femu Quì, que j’ai présidé pendant plus de 20 ans. Je suis également membre fondateur d’A Fundazione di l’Università di Corsica en tant que Président de l’entreprise Demeures Corses et, depuis 2017, Président du Conseil de l’École d’Ingénieur Paoli Tech.
Inizià est un outil d’accompagnement de projets innovants. C’est l’unique incubateur d’entreprises du territoire. Sa mission, de service public, consiste à accompagner et soutenir la création et le développement d’entreprises innovantes en Corse grâce à un dispositif d’ingénierie complet à destination des entrepreneurs. Inizià porte également une mission de diffusion de la culture de l’innovation et réalise chaque année plusieurs actions de sensibilisation afin d’encourager l’émergence de nouveaux projets à forte valeur ajoutée pour le territoire.
Startups, innovation… on en parle beaucoup, mais comment peut-on accompagner les talents dans une île aux multiples handicaps ?
L’équipe d’Inizià apporte un accompagnement personnalisé qui permet aux créateurs d’entreprise de développer leur projet, au stade de l’amorçage qui est la phase la plus risquée, donc peu appréciée par des financeurs. D’une manière générale, ils préfèrent financer des entreprises « matures ». Pourtant, et cela n’échappe à personne, cette phase est cruciale pour la survie de l’entreprise et son développement futur et c’est tout le sens de l’ingénierie de l’innovation déployée par l’Incubateur que d’aider les créateurs à structurer leur projet et à limiter le risque auprès des futurs investisseurs.
Donnez-nous quelques exemples d’accompagnement de l’incubateur Inizià… Personnellement, qu’entendez-vous apporter comme impulsion nouvelle à cet outil ?
Plutôt que de donner tel ou tel exemple de success stories je préfère mettre en avant les compétences de l’équipe qui ont produit des résultats sur le territoire. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 70 projets incubés, 59 entreprises créées, soit un taux de transformation de 85 %, près de 180 emplois créés, principalement des emplois qualifiés, une quarantaine de brevets déposés, 25 millions d’euros levés par les sociétés accompagnées par l’incubateur.
Pour poursuivre le travail engagé et accélérer la dynamique, je souhaite dans un premier temps consolider la relation avec les financeurs et particulièrement avec la Collectivité de Corse afin d’avoir de la visibilité sur le long terme. Inizià a vocation à être le fer de lance de la politique d’innovation territoriale et j’entends renforcer cette position en développant davantage les liens avec les outils financiers et l’Université de Corse mais aussi avec les entreprises du territoire qui portent des projets innovants et qui ont besoin d’un accompagnement en ingénierie de l’innovation.
Comment se porte l’entreprise en Corse ?
Mieux malgré les difficultés liées à la crise sanitaire et un contexte économique encore instable. Les signes d’une résilience sont là et les secteurs les plus impactés devraient voir leur activité augmenter nettement.
Dans une île de pesanteurs de toutes sortes, politiques, sociétales, sociales, où il en faut du courage et de l’abnégation pour créer son entreprise, comment développer l’esprit d’entreprendre et lever les freins à l’appétit d’avenir de ce pays ?
Depuis sa création en 2006, Inizià diffuse l’esprit d’entreprendre et d’innover en mettant en place des actions, notamment auprès des jeunes, ou en participant à des évènements avec ses partenaires, à commencer par l’Université de Corse.
Il s’agit là tout simplement de commencer par le commencement. C’est-à-dire de travailler en amont sur le développement d’une culture économique auprès de toutes les couches de la société corse et ce, dès le plus jeune âge.
Les jeunes continuent-ils à partir comme trop longtemps dans l’histoire ou cherchent-ils à vivre leurs rêves en Corse aujourd’hui ?
Malgré le développement de filières à l’Université, je pense notamment à l’Ecole d’ingénieur Paoli Tech, de nombreux jeunes quittent la Corse pour poursuivre leur formation et tenter une expérience en dehors de l’île. Pour autant, la création de nombreuses entreprises et l’émergence de startups sur le territoire participent d’un mouvement où de plus en plus de jeunes ont fait le choix de rester ou de revenir en Corse pour développer une activité ou intégrer une entreprise.
Notre île peut-elle devenir un laboratoire d’innovations et réussir en ce domaine ?
Bien évidemment. Il existe des points forts en Corse sur lesquels on peut déjà capitaliser : l’environnement, avec notamment la question des énergies renouvelables qui font l’objet de recherches importantes au sein de l’Université de Corse avec la plateforme Myrte/Paglia Orba à Aiacciu, l’agroalimentaire qui peut s’appuyer entre autres sur le pôle agronomique de San Ghjulianu et un tissus de PMA performantes et, bien sûr, le secteur numérique, qui s’affranchit des distances et des contraintes insulaires et touche tous les secteurs de l’économie.
Comment voyez-vous l’avenir de l’entreprise en Corse ?
De manière positive. Pour être plus compétitive, l’entreprise insulaire gagnerait à innover davantage, à faire appel à des compétences. C’est ce qui explique, entre autres, mon, engagement au sein d’Inizià.
Témoignages
Léo Kinany, co-fondateur de la start.up BOWKR, société d’informatique pionnière dans le domaine de l’emploi flexible.
«Avant de devenir une entreprise, il y a une idée et puis un projet. Notre période d’incubation a été décisive car elle a été le lien, le fil conducteur entre ces différentes étapes. Cela nous a permis entre autre de concevoir un produit et de tester l’intérêt du marché à son égard. Ce qui a notamment permis de convaincre de nouveaux partenaires d’investir dans le développement de notre modèle économique. » •
Christelle Leandri, fondatrice de Ecce Donna, entreprise de cosmétiques éco-responsable.
«Le soutien de l’incubateur a permis de mettre en application pour mon propre compte, l’ensemble de mes connaissances scientifiques en créant ma société et en lançant les premiers produits de ma gamme “Donna è”. » •