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La Corse sur la voie du tourisme durable

Durant la session du mois de juin, le président du Conseil Exécutif a présenté un rapport sur la gestion de la fréquentation des sites naturels et patrimoniaux qui a été adopté à l’unanimité par l’Assemblée de Corse. Ce rapport s’inscrivant dans une démarche de tourisme durable se matérialise par la mise en place de quotas dès cet été limitant l’accès à trois sites emblématiques : Lavezzi ; Bavedda ; Ristonica.

 

 

Apparu en Europe au XIXe siècle, le tourisme est passé d’une pratique culturelle réservée à une élite à un phénomène de masse. Depuis la crise économique de 2008, ce secteur ne cesse de se développer partout dans le monde et joue un rôle majeur dans l’économie mondiale. Cependant, bien que fructueux pour l’économie, le tourisme est dangereux pour la biodiversité. « Le tourisme a le potentiel de faire énormément de bien ou énormément de mal ». Cette citation de Klaus Toepfer, ancien directeur du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), résume les impacts que les voyages peuvent avoir sur notre planète : bénéfiques pour les vacanciers et l’économie locale, mais souvent néfastes pour la biodiversité. La construction de routes, d’infrastructures hôtelières ou sportives pèse sur les écosystèmes de la montagne, de la mer ou de la campagne.

 

Le développement des infrastructures touristiques contribue au morcellement des territoires et à la fragmentation de l’habitat des espèces animales et végétales. Elles se retrouvent isolées avec des difficultés à se déplacer et à se reproduire.

Le rapport rappelle alors que : « En 1976, à l’aube du développement de cette activité touristique, 400 passagers étaient transportés sur l’île Lavezzu par le bateau “Surcouf”. Au début des années 1990, le professeur Richez publie les premiers travaux relatant la fréquentation nautique autour l’île Lavezzu. En 1986, il estimait la fréquentation terrestre annuelle de l’île Lavezzu à 15 000 personnes. Le tourisme aux îles Lavezzi a connu 3 fortes augmentations depuis les années 1980 (début des années 1990 avec près de 100 000 visiteurs en 1991, fin des années 2000 avec plus de 150 000 visiteurs en 2008 et les années 2015-2019 nous estimons la fréquentation annuelle de l’île Lavezzu à près de 300 000 personnes. En 2021, la fréquentation de l’île Lavezzu est estimée à environ 290 000 personnes. »

Au-delà même des frontières de l’île, la surfréquentation de certains sites, notamment en Méditerranée, a conduit les pouvoirs publics à engager une réflexion de fond sur la gestion durable de lieux particulièrement prisés des visiteurs, et à prendre des mesures de protection et de restriction renforcées, c’est en effet le cas dans les calanques de Marseille par exemple.

 

C’est dans ce cadre que l’Assemblée de Corse a décidé, lors de sa session du 30 novembre 2018 et sur proposition du Conseil exécutif de Corse, de mandater ses Offices et Agences afin d’entamer une « réflexion sur la gestion de la fréquentation des sites patrimoniaux ». En 2019 le Conseil exécutif de Corse, via l’Office de l’environnement de la Corse, a lancé la programmation d’un protocole quantitatif et qualitatif d’évaluation des flux afin de disposer d’indicateurs fiables, et un travail partenarial d’évaluation a été mené entre l’OEC, l’ATC, et les différents acteurs concernés.

Face à l’augmentation significative de la fréquentation observée au droit des sites naturels exceptionnels, il est apparu indispensable de prendre des mesures fortes pour préserver les milieux et ressources naturels, en intégrant cette protection renforcée dans une stratégie de mise en valeur et de tourisme durable.

Ainsi le 28 novembre 2021 l’assemblée de corse a adopté une motion de façon à ce que le Conseil exécutif s’engage, sans délai, dans une phase opérationnelle, en ciblant plus particulièrement des sites pilotes tels que la Vallée de la Ristonica, Bavedda ou les îles Lavezzi.

 

Ainsi, après validation du conseil scientifique, des quotas annuels de fréquentation humaine de l’île Lavezzu sont désormais fixés. Au maximum 200 000 visiteurs seront autorisés entre 2022 et 2026, 150 000 personnes maximum débarquant sur la partie terrestre dès 2026 ; le quota journalier sera limité à 2 000 personnes maximum présentes simultanément sur la partie terrestre de l’île, détentrices d’une autorisation ou d’une réservation ; les résidents de Corse quant à eux devront être prioritaires sur les réservations ; enfin ne sont pas soumis à quota le personnel de l’OEC, les scolaires, les groupes d’étudiants encadrés et autres associations environnementales, ayant formulé une demande de débarquement.

 

En ce qui concerne le site de Bavedda, les mesures adoptées visent à mettre en place des points d’informations sur des zones stratégiques : Ponte Grossu, Col de Larone… ; stabiliser une présence effective sur site par mutualisation des moyens humains entre la CCAR et l’OEC,

Deux écogardes de l’OEC étant affectés à la gestion du site de Bavedda, du 1er juillet au 31 août 2022 ; gérer les stationnements par la mise en place de contraintes physiques au droit des délaissés de route par le service dédié de la CdC et ainsi orienter les flux vers des aires de stationnement fléchées et bien organisées ; réguler la capacité d’accueil journalière de ce nouveau parking suivant les données fixées par l’OEC pour limiter l’impact environnemental généré par les visiteurs ; cette aire de stationnement proposera également des sanitaires et un écopoint afin d’intégrer une gestion vertueuse des déchets et inciter au tri, assurer une veille environnementale sur la mise en place des aménagements.

 

Au sujet de la vallée de la Ristonica, le rapport adopté souhaite mettre en place des points d’informations sur des zones stratégiques : Lamaghjosu, Chjarasgiolu avec une présence effective sur le site par mutualisation des moyens humains entre la commune de Corti et l’OEC ; installation d’une cassette d’information au parking du Lamaghjosu avec une barrière amovible afin de gérer l’accès au parking de la haute vallée ; ouverture de la maison d’information en basse vallée à Chjarasgiolu avec une présence 7/7 de deux agents éco-gardes de l’OEC pour informer sur la saturation du parking de la haute vallée et limiter la montée des véhicules en proposant des alternatives de visite et/ou de baignade ; gérer les stationnements : délaissés de route et parking ; une surveillance sera effectuée journalièrement par les agents de l’OEC et un partenariat avec l’ONF sera établi afin de stabiliser des missions de police de la nature sur la Vallée de la Restonica ; mise en place d’une barrière après le parking du Lamaghjosu afin d’interdire l’accès des véhicules au niveau des Grutelle et travailler à la mise en place d’une navette.

 

La corse est en train de se diriger vers un tourisme durable puisque les élus ne souhaitent pas s’arrêter là et projettent déjà d’élargir les nouvelles mesures de protection à d’autres sites comme le sentier du GR20. •

Clara Maria Laredo.