La révolution numérique est un atout extraordinaire pour ancrer notre développement économique et social. Un virage négocié depuis quelques années mais qui prend un relief forcément nouveau avec la priorité pour la Corse inscrite notamment au Padduc de lutter contre les fractures territoriale et sociale, mais aussi avec l’énorme potentiel de notre diaspora qui peut plus aisément apporter sa contribution par la voie numérique, avec les enjeux de la territorialisation pour que l’intérieur ne soit plus le parent pauvre du développement de la Corse, enfin, avec la volonté d’aller de l’avant et de « construire un pays » affirmée par la majorité nationaliste. Le numérique est une chance : la Collectivité de Corse la saisit !
C’est à l’occasion du renouvellement de la Convention de Délégation de Service Public pour l’exploitation du réseau très haut débit de Corse que la question s’est posée ce 29 juin à l’Assemblée de Corse. Un dossier très important par ses enjeux de développement et d’aménagement du territoire, mais aussi financiers. 275M d’euros seront injectés pour rattraper le retard pris, notamment dans le rural, et permettre à tous les Corses d’accéder au réseau internet. Un challenge qui repose sur trois grands axes : « améliorer le réseau cuivre là où la fibre n’ira pas avec la montée en débit, déployer la fibre optique à l’abonné, assurer l’inclusion numérique des foyers isolés ». Ce rapport ce 29 juin traitait de la construction du réseau à très haut débit, son exploitation et sa commercialisation.
Au terme d’une procédure d’appel d’offres technique, complexe et disputée, c’est SFR Collectivités qui emporte le marché.
Six groupes s’étaient initialement positionnés (Covage, Orange, THD Uranie, Axione Bouygues, TDF, et SFR). Au terme d’une longue procédure d’examens, de demandes de compléments, de négociations sur les aspects financiers, la valeur technique de l’offre, la qualité de l’exploitation du réseau, les garanties juridiques, l’examen des offres a été prolongée avec deux candidats finalistes : Orange et SFR. Au terme de cette nouvelle étape la notation est sans appel en faveur de SFR, l’opérateur historique Orange n’étant pas parvenu à faire une meilleure offre. SFR s’engage sur 35.000 prises (foyers) supplémentaires de desservis pour 60,5M d’euros de subventions en moins que son concurrent Orange ! Le tout en 5 ans (contre 10 ans pour Orange). Le verdict est imparable, malgré tout le poids d’Orange.
L’engagement de SFR est une couverture de 100% FttH pour 100% des foyers, un déploiement sur 5 ans de l’ensemble du territoire, et un catalogue de service unique en tout point du territoire ouvert à tous les opérateurs. Soit un chantier de 7000 km d’infrastructures optiques pour 158.000 prises, mobilisant entre 125 et 291 emplois sur la période dont la très grande majorité seront des emplois locaux à travers une sous-traitance basée en Corse de la totalité des travaux (hors conception). SFR s’engage aussi pour plus de 30.000 heures de formation et 95.000 heures d’insertion.
Ceci dit, le Président de l’Exécutif, Gilles Simeoni, qui présentait ce rapport préparé par le service numérique de la Collectivité de Corse, a exigé des garanties pour sécuriser l’offre de services :
– une société Ad’Hoc constituée dans les trois mois avec un capital de 15M d’euros.
– un prêt consenti par le délégataire SFR Collectivités de 50M d’euros à la société délégataire dans les trois mois de sa constitution
– le versement du capital, du prêt et des subventions de cette société déposé sur un compte bancaire échappant à la consolidation de trésorerie avec le reste du groupe
– la participation de la Caisse de Dépôts et Consignations pour entrer au capital social de la société délégataire en qualité d’actionnaire minoritaire.
Le tout à l’appui d’une lettre d’engagement de la société SFR Collectivités, une garantie de substitution en cas de défaillance de la société dédiée, des garanties autonomes pour l’établissement et l’exploitation du réseau. Et bien évidemment des contrôles réguliers exercés dans la cadre de la Convention de Délégation de Service Public et de fortes pénalités en cas de retard sur la durée de la Convention. Le tout avec le versement de la subvention échelonné et subordonné à la réalisation des travaux selon un échéancier défini, et une possibilité de résilier la Convention pour la Collectivité.
Enfin, avec 52M d’euros de fonds publics injectés pour valoriser 275M d’euros d’investissement, le cofinancement de l’opération est de 67%. La part Collectivité de Corse s’élève à 17,62M d’euros (33%), le PEI entrant pour 6,84M d’euros (14%) et le FSN (Fond Société Numérique pour le très haut débit) pour 28M d’euros (53%).
Une belle opération donc pour la Collectivité de Corse, avec des enjeux forts, un engagement conséquent mais mesuré, et garanti, et un objectif de rattrapage pour l’ensemble du territoire sur cinq ans pouvant ouvrir de réelles perspectives de développement pour la Corse. Ventu in puppa !
Fabiana Giovannini.
Petit historique
2005, la DSP pour le réseau haut débit de la Corse est confiée à une filiale d’Orange, Corsica Haut Débit.
2006, l’acquisition de câbles sousmarins à fibres optiques entre Bastia et Menton permet de supprimer le monopole sur les liaisons Corse-Continent et de diminuer les tarifs de 60%.
2012, la Collectivité Territoriale adopte un Schéma Directeur Territorial d’Aménagement Numérique (SDTAN) et affiche une stratégie volontariste en faveur du haut et très haut débits.
Mais c’est un échec, les objectifs du SDTAN ne sont pas suivis, le retard s’accumule, notamment dans le rural.
2016, la majorité nationaliste relance et même renforce la stratégie haut et très haut débits érigée en priorité politique. Près de 90M d’euros sont fléchés pour améliorer le haut débit dans le rural, et pour déployer la fibre optique pour le très haut débit à l’abonné sur les territoires non couverts par l’initiative privée (communauté d’agglomération de Bastia et d’Aiacciu, et commune de Biguglia).
Le 16 septembre, la Délégation de Service Public pour le très haut débit est relancée.
2017, les négociations sont rudement menées pour la désignation du nouvel opérateur.
2018, adoption de la nouvelle DSP ce 29 juin. Les premiers travaux débuteront d’ici la fin de l’année pour un investissement de 20M d’euros. « La transformation digitale de la Corse est en marche et la Collectivité veut en être à la fois l’aménageur, le catalyseur et l’assembleur » annonce le rapport du président du Conseil Exécutif.