Charcuterie corse

L’Assemblée de Corse demande la protection de nos AOP

Lors de la dernière session, des 30 et 31 mai à l’Assemblée de Corse, Jean- Jacques Lucchini, du groupe Femu a Corsica déposait une motion pour la défense de l’appellation d’origine contrôlée de la charcuterie corse et pour nos producteurs fermiers qui portent ce combat depuis plus de 20 ans. La raison : une « IGP Ile de Beauté », Indication Géographique Protégée, a été octroyée à un consortium d’industriels, produisant à partir de viande importée. Cette décision des élus de la Corse est très importante donc, en vue d’un recours déposé par le syndicat «Salameria Corsa ».

Il ne s’agit pas d’opposer charcuterie fermière et charcuterie industrielle, mais la confusion est grande chez le consommateur et nécessite de protéger nos appellations d’origine, et surtout nos savoir-faire ancestraux.

Les explications de Jean- Jacques Lucchini, lui-même producteur traditionnel en Alta Rocca.

 

Lors de la dernière session, vous vous êtes fait l’avocat de nos productions fermières…

Le Syndicat de défense et de promotion des charcuteries de Corse « Salameria Corsa » oeuvre depuis plus de vingt ans à la reconnaissance de la race porcine corse « nustrale », des produits charcutiers et de la production qui en découle. La Corse a été la première région à obtenir une Appellation d’Origine Contrôlée (AOC) et son pendant européen Appellation d’Origine Protégée (AOP) sur la charcuterie. Depuis avril 2012, trois pièces emblématiques de la charcuterie Corse bénéficient de cette AOP : l’AOP « Jambon sec de Corse » ou « Jambon sec de Corse – Prisuttu », l’AOP «Coppa de Corse » ou «Coppa de Corse – Coppa di Corsica » et l’AOP « Lonzo de Corse » ou « Lonzo de Corse – Lonzu ». Ces AOP sont récentes et ont besoin de temps pour se mettre en place et se développer de façon à augmenter les volumes produits et à valoriser leur commercialisation. Il faut les protéger.

 

En quoi l’IGP est une menace ?

La possibilité qui a été donnée pendant la période d’adaptation, à savoir 5 ans, d’utiliser les termes protégés par les industriels n’a pas permis une vraie lisibilité sur les marchés et a beaucoup pénalisé l’essor de l’AOP. L’octroi de ces AOP vient récompenser le travail d’éleveurs soucieux de conserver notre race locale et nos savoir-faire ancestraux. Ce mode d’élevage avec finition aux glands et aux châtaignes sur de vastes parcours est un marqueur déterminant de la typicité de nos produits charcutiers.

Ce niveau de protection AOP semblait absolu avec l’exclusivité de cette reconnaissance pour ces produits issus de porcs de race locale élevés en Corse.

Cette IGP vient perturber tout ce travail de valorisation.

 

Pourtant, en théorie, il ne devrait pas y avoir de confusion entre AOP et IGP…

Aucun autre produit protégé en Europe par une AOP ne s’est vu concurrencé par une IGP sauf le cas particulier du vinaigre balsamique de Modena, mais cette IGP était une volonté des producteurs en appellation d’origine protégée pour élargir les possibilités extrêmement restreintes de l’AOP en termes de vieillissement avec une matière première et des méthodes de fabrication identiques aux deux signes d’origine.

Aujourd’hui, la décision de l’Institut National de l’Origine et de la qualité (INAO) de décerner sept Indications Géographiques Protégées (IGP) « Ile de Beauté » à des produits de salaisons industriels fabriqués par une dizaine d’entreprises corses à base de carcasses de porcs importés va nuire à la filière porcine AOP mais également à l’ensemble des producteurs fermiers de porcs nés et élevés en Corse.

 

De quelle manière ?

Cette IGP va entraîner une confusion certaine auprès des consommateurs, car le terme « Ile de Beauté » même s’il ne contient pas formellement le nom « Corse » renvoie sans aucun doute à l’origine corse des produits. Par exemple «Coppa Ile de Beauté » pour les produits en IGP ou «Coppa de Corse-Coppa di Corsica » pour les agriculteurs en AOP ; le public non averti se tournera vers des produits à prix réduit et délaissera la véritable charcuterie corse produite avec des porcs corses et un cahier des charges rigoureux.

 

Il n’y a donc pas que l’origine de l’animal, les méthodes de fabrication sont également différentes ?

Bien sûr. Les pratiques présentées dans les cahiers des charges des IGP ne correspondent pas aux pratiques traditionnelles des producteurs fermiers (coupe, étuvage, délai de sèche, période de fabrication en été…) et bien sûr sont basées sur l’importation de matière première de toute l’Europe. On ne peut pas décerner une certification à des produits issus de carcasses de porcs importés, non soumis à un cahier des charges strict et conforme aux traditions du territoire auxquelles elles se réfèrent.

Le consortium à notre sens ne peut prétendre à une IGP.

 

Pourtant aussi, pas tout le monde ne peut acheter de la charcuterie fermière… et il est nécessaire de produire à des quantités plus importantes ?

Il n’est pas dans notre intention d’opposer une démarche industrielle, qui peut cibler un certain public, à nos démarches fermières. Il s’agit en fait de protéger nos savoir-faire, nos produits, et nos éleveurs. Et il s’agit de ne pas tromper le consommateur. L’IGP doit être réservée uniquement à des produits fermiers issus d’élevage locaux qui ne peuvent pas répondre au cahier des charges contraignant de l’AOP en termes d’utilisation de race « nustrale ». De plus, l’appropriation par le Consortium des dénominations en langue corse des autres produits de charcuterie non protégés par l’AOP (figatellu, bulagna, panzetta et salciccia), sont aussi un facteur de confusion.

 

L’IGP devrait être une marque réservée aux éleveurs corses ?

Nous défendons surtout la majorité des agriculteurs qui élèvent, abattent et transforment en Corse avec des savoirs ancestraux mais qui n’ont pas accès à l’AOP qui a un cahier des charges très contraignant. Si cette IGP est monopolisée par le consortium d’industriels, ces éleveurs corses n’y auront plus accès alors que ce sont eux qui devraient en bénéficier. De même, si le consortium, pour conserver son IGP, essaie de les attirer, leurs produits seront noyés au milieu de ceux des industriels qui n’ont pas de cahiers des charges strictes. Ce serait la confusion la plus totale.

Comment se porte la filière traditionnelle ?

La filière porcine « nustrale » connait un engouement sans précédent depuis cinq ans avec un rythme annuel de quinze installations de jeunes agriculteurs soutenues et accompagnées par l’Odarc, les Chambres d’Agriculture et les Filières qui ont fait de la préservation et du développement des races locales leur priorité. Le risque de contagion que cette IGP peut entraîner dans d’autres filières est grand, en termes de volonté de certifier en IGP des produits élaborés avec des matières premières importées.

Même chose pour le risque de perte de crédibilité auprès des consommateurs pour les productions locales déjà certifiées en IGP avec des produits élaborés en Corse avec des matières premières locales (clémentine, pomélo, noisette, vins) ou en cours de certification (agneau de lait corse). L’enjeu dépasse la filière charcutière.

 

Que demandez-vous donc ?

Notre politique agricole de production et les fondamentaux portés par notre majorité sont prioritairement axés sur la labellisation des produits du terroir, sur les races locales corses et sur les savoir-faire ancestraux, gages d’identité et de qualité. Femu a Corsica, au-delà Pè a Corsica, a toujours été aux côtés des producteurs fermiers. Par cette motion, l’Assemblée de Corse a mandaté le Président du Conseil Exécutif de Corse pour mettre en oeuvre diverses actions auprès du Ministre de l’Agriculture et de l’INAO pour faire annuler cette décision d’IGP Ile de Beauté, qui met en danger nos races locales, nos savoir-faire et nos agriculteurs fermiers soucieux d’une agriculture de qualité et de production sur la terre de Corse.

 

 

 

Militant nationaliste dès son plus jeune âge, Jean Jacques Lucchini s’implique au sein de l’associu di i liceani corsi, au lycée Fesch. Plus tard, il s’installe comme agriculteur en porcu nustrale dans la vallée de l’Ortolu. Passionné de nature et d’environnement, il obtient un brevet d’Etat d’accompagnateur en montagne. Habitant le petit village de Ghjanucciu sur les contreforts de la montagne de Cagna, il se partage entre son exploitation agricole et des gîtes ruraux à Munacia d’Auddè. Engagé, il participe à toutes les campagnes électorales nationalistes et, en 2015, il est présent aux côtés de Gilles Simeoni, sur la liste Femu a Corsica. En 2017, il est élu Pè a Corsica avec un engagement entier « pour ancrer la Corse dans la paix, bien le plus précieux, que nous avons le devoir de préserver pour les générations à venir. L’apaisement et l’union du mouvement national, qui a redonné espoir à beaucoup d’entre nous en 2015, doit rester notre ligne conductrice à tous. »

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