1,81 € le litre à la pompe pour le gazole et 1,89 € le sans-plomb 95, ce sont des prix qui font fortement réagir les Corses depuis quelques mois. Face à cette situation d’urgence, l’Exécutif a décidé d’adresser un courrier au Premier Ministre la semaine dernière. Les demandes sont détaillées dans un communiqué de presse partagé le 11 février dernier.
Une situation urgente. En moyenne, le prix du carburant serait supérieur de 15 centimes par litre sur le SP95 et de 11 centimes par litre sur le gazole. Le surcoût, « qui pèse sur le pouvoir d’achat des Corses » serait alors de 7,50 euros et de 5,50 euros pour chaque plein d’environ 50 litres. Pour faire face à la flambée des prix, le Conseil exécutif demande au Gouvernement de prendre immédiatement deux mesures conservatoires par décret dans le but de soulager la charge financière des Corses.
Le Premier Ministre Jean Castex avait déjà été interpellé par l’Assemblée de Corse en octobre 2021 au sujet d’un encadrement des prix du carburant. L’Assemblée avait alors adopté à l’unanimité la proposition du Conseil exécutif de mettre en place un mécanisme d’encadrement des prix et une fiscalité adaptée. « Cette délibération anticipait déjà, au regard de la conjoncture, le risque de nouvelle flambée des prix du carburant aujourd’hui observée sur le continent et de façon encore plus prégnante en Corse » indique le communiqué de l’Exécutif territorial. Si la réponse de Matignon le 2 février dernier indique « que les ministres concernés allaient procéder à un examen de la requête », le niveau record du prix du carburant nécessite désormais des mesures d’urgence : « la temporalité nécessaire à la mise en place d’un mécanisme pérenne apparait désormais incompatible avec l’urgence de la situation en Corse ».
Les deux options proposées. Selon le communiqué, la première solution serait alors la mise en place d’un blocage des prix du carburant en Corse par décret pour une période de six mois. Elle serait appliquée sur l’approvisionnement et le stockage du carburant. La seconde solution serait une majoration de l’indemnité inflation de 100 euros mise en place à la fin de l’année dernière et versées aux revenus les plus modestes. Elle serait « à hauteur du montant du différentiel entre le prix moyen à la pompe du carburant et sur le Continent et le prix moyen en Corse ».
Un courrier adressé au PDG du groupe Total. Le Conseil exécutif a également adressé un courrier au PDG du groupe Total « suite à la mesure volontariste annoncée par le groupe Total, consistant en une remise sur les prix des carburants de 5 euros en caisse pour un plein de 50 litres » pour demander « d’en porter la valeur au niveau du différentiel des prix appliqués sur l’île ». La mesure de contrôle des prix mise en place par Total a pris effet le 14 février dernier assurant une baisse de 10 centimes par litre pour les usagers du rural (6000 communes françaises) et ce jusqu’au 15 mai*.
Cependant le Syndicat du carburant de Haute-Corse (SCHC) estime que la décision de Total pourrait entrainer une situation de concurrence déloyale. En effet, cette décision pourrait pénaliser les distributeurs concurrents comme Vito Corse et Ferrandi Esso de taille plus modeste. Dans un communiqué daté du 12 février, le syndicat dénonce une opération impactant les autres distributeurs qui ne pourront pas effectuer un alignement des prix, ce qui amènerait à une fragilisation des petites stations insulaires. Le syndicat propose alors un encadrement des marges comme sur l’île de la Réunion depuis l’adoption de la Loi Lurel en 2013.
Le Président de l’Exécutif ainsi que la Présidente de l’Assemblée de Corse et la Présidente du CESEC tiendront prochainement une conférence sociale « permettant de traiter notamment de cette problématique, comme des autres questions ayant un impact fort sur le pouvoir d’achat des Corses ». •
Pauline Boutet-Santelli
* Ndlr : Une mesure qui devrait coûter à la multinationale quelques 50M d’euros à mettre en parallèle avec les 16 milliards de dollars (près de 15 mds d’euros) de bénéfices de l’enseigne cette année.
Conférence de presse de Core in Fronte
Core in Fronte a tenu une conférence de presse ce samedi 12 février devant le dépôt pétrolier de Lucciana pour dénoncer la situation de « monopole » imposé par le groupe Rubis qui contrôle 75 % des Dépôts pétroliers de la Corse. Pour Core in Fronte ce monopole serait la raison principale du surcoût du prix des carburants. Un surcoût inexpliqué alors que la TVA sur les carburants est moins élevée en Corse (13 %) que sur le continent (20 %) et alors que l’île bénéficie aussi d’une baisse (décidée par la Collectivité de Corse) de 1,5 cts le litre de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Core in Fronte réclame un « blocage des prix et des marges » par un mécanisme de régulation semblable à celui que l’on peut trouver pour certaines îles pour garder la maîtrise, au niveau de la production, comme du transport, du stockage ou de la distribution (décret Lurel). Selon son porte-parole, Paul Félix Benedetti, « il faut donner la possibilité à la Collectivité de Corse de prendre possession d’une part stratégique des dépôts pétroliers par une adaptation règlementaire ». Pour Core in Fronte, l’intérêt de la Corse et de son aménagement du territoire doit primer sur la logique de profit des actionnaires. Le parti nationaliste prône la création d’une société d’économie mixte regroupant actionnaires, pompistes indépendants, Collectivité de Corse et groupes pétroliers qui pourrait garantir une maîtrise des prix dans l’intérêt du peuple corse. •