Covid-19

Mettre en œuvre des solutions locales à un désordre global

Posté par Vianney Cier, un ami basque d’Arritti sur sa page facebook lors du premier confinement, cette contribution donne à réfléchir. C’était l’époque où l’on aspirait au «monde d’après».
Au moment de se résigner à un nouveau confinement, les interrogations que pointait ce militant basque conservent toute leur pertinence. À nous d’inventer les scénarios alternatifs si nous voulons sortir de cette crise.

«En ces temps inédits où les eaux agitées et troublées nous amènent à vivre une expérience sans précédent…

Au-delà de nos vies et épreuves personnelles, nous allons être limités dans nos actes de tous les jours, le travail, l’école, la crèche, les mobilités du quotidien et plus encore, les mobilités lointaines.

Vivre, étudier, travailler et décider au pays, disions-nous il y a quarante ans. Notre manière de vivre, de travailler, d’étudier et décider sont aujourd’hui simultanément affectés.

Peut-être même durablement. Nous allons nous rendre compte à quel point nombre de nos voisins, de nos amis, de nos parents souffrent de l’isolement pas que quelques jours dans une vie, mais au long cours.

Plus que jamais, la question de la relocalisation de nos activités va se poser. Il y aura un avant et un après.

Un leitmotiv qui retrouve tout son sens en ces temps de globalisation échevelée dont les excès viennent de s’arrêter net.

Nous allons réapprendre à bâtir des ponts là où d’autres veulent multiplier des murs. Ces murs entre lesquels la planète va être confinée quelques semaines et où le souffle du monde globalisé va être suspendu en plein élan.

Dans la bataille que nous livrons, il y aura des victimes collatérales. Ce ne sont pas que des statistiques dont le décompte augmente d’heure en heure. Ce sont des êtres humains, des histoires de vie, des parents, des enfants, des frères et sœurs. Parfois ce seront quelques-uns d’entre nous.

Ce sont des femmes et des hommes, parfois nous les avons tout juste croisés dans la vraie vie, nous avons lus leurs écrits, nous avons écouté leur musique ou vu leurs films.

Parfois nous les connaissons intimement, ce sont nos proches, nos amis, les membres de notre famille.

Des gens que nous connaissons, des gens que nous aimons Celles et ceux à qui nous n’aurons pas eu le temps de leur dire qu’on les aime, parce que nous les avons perdus de vue ou que nous sommes brouillés avec eux. Celles et ceux privés de leur mobilité ou de leur liberté pour de bonnes et mauvaises raisons. C’est peut-être le moment de leur envoyer un signal? Une preuve de vie?

Ces périodes de crises sont celles où nous nous dévoilons des capacités que nous ne connaissions pas, des ressorts que nous ignorions en nous. De nouvelles formes de solidarités vont jaillir.

Nous allons devoir réapprendre de nouvelles formes d’attention à l’autre, à retisser des liens d’une autre manière, avec celles et ceux dont nous allons pendant quelques semaines être coupés de toute relation physique, de toute étreinte.

Nous allons redécouvrir nos voisins. Et communiquer avec les outils d’aujourd’hui avec nos lointains.

Le temps de retrouver, dans quelques jours, dans quelques semaines le cours d’un long fleuve pas si tranquille dans laquelle nous aurons peut-être appris quelque chose de ce qu’on appelle «l’humanité».

Que ce temps nous soit utile à méditer sur le sens que nous entendons donner à nos vies et la manière dont nous voulons les poursuivre ou reprendre nos petites affaires comme si cet épisode n’avait pas eu lieu.

Les plus sombres d’entre nous voient dans ce moment une forme de punition. Ils iront même jusqu’à parler de pénitence. D’autres parleront d’effondrement ou de collapsus.

Nous pouvons aussi y voir une forme d’avertissement, d’opportunité de ce qu’il nous faut changer et ralentir. Et mettre cette période à profit.

Pour ne pas commettre les mêmes erreurs qui ont été commises il y a cent ans au moment de la grippe espagnole dans la foulée de l’effondrement que fut la première guerre mondiale. Il y avait là aussi des opportunités à reconstruire le monde sur des bases de coopération plutôt que de détestation.

Il a fallu attendre la fin de la seconde guerre mondiale pour que pendant une courte séquence de deux à trois décennies, nous construisions des systèmes de solidarité qui ont été à l’origine de la plus grande poussée de prospérité de l’histoire de l’humanité, mais en négligeant la planète et sa biodiversité.

Dans un monde idéal, nous aurions tenté de corriger ces erreurs sur la planète et le climat sans pour autant déconstruire les modes de solidarité collective que le conseil national de la résistance avait bâtis.

Mais depuis quarante ans, certains s’acharnent à éroder voire dans certains pays, à détruire l’œuvre des reconstructeurs de l’après-guerre, pour faire de la solidarité, de la santé, de l’éducation, de l’habitat, de l’alimentation, de la biodiversité, de l’environnement et du climat, une source intarissable de profits indus pour quelques-uns au détriment de l’intérêt général de tous. Faisant du monde une marchandise et en revenir à ce que nous étions il y a cent ans.

Dans le monde réel, c’est la réalité qui se rappelle à nous, avec un certain sens de la tragédie, pour nous inciter à revenir à la raison.

Et mettre en œuvre des solutions locales à un désordre global, des scénarios alternatifs à ce collapsus que certains appellent de leurs vœux.

Empower Yourself! (responsabilisez-vous)

Herrian bizi, herrian ikasi, herrian lana, herrian erabaki ! (Vivre au village, étudier au village, travailler au village, décider du village)

En attendant, comme un pont sur les eaux agitées…» •

Vianney Cier.