Fiscalité

Statut fiscal et handicap de l’insularité

La rencontre entre Gilles Simeoni et le Premier Ministre Edouard Philippe a pris acte d’une réforme constitutionnelle qui pour la Corse sera à mille lieues des attentes démocratiquement exprimées à travers l’élection d’une majorité absolue nationaliste à la tête de la Collectivité de Corse. Elle a aussi permis d’annoncer que le gouvernement acceptait de débattre de la refonte du statut fiscal de la Corse. Une négociation s’engage, qui sera au coeur des relations avec l’État dans les prochains mois.

 

Cette annonce avait été préparée par une rencontre à Aiacciu entre la Collectivité de Corse et le Ministre des Finances Bruno Le Maire, durant laquelle les chambres de commerce ont présenté un rapport détaillé sur « l’impact de l’insularité sur la performance économique des entreprises ».

En effet les deux débats sont liés : si statut fiscal il y a, sa finalité est justifiée par la nécessité de rétablir l’égalité entre les territoires, pour les consommateurs comme pour les entreprises.

Le volet « consommateurs » des mesures spécifiques en matière de fiscalité concernant la Corse a une finalité que l’on peut ainsi résumer : faire en sorte que les produits de première nécessité soient accessibles au même prix que sur le continent, la moindre fiscalité compensant les surcoûts liés à l’insularité.

L’objectif n’est le plus souvent pas atteint, et tous les Corses ont à l’esprit le prix des carburants, pour lesquels la fiscalité plus basse (moindre TIPP, TVA 13% au lieu de 20%) n’empêche pas les prix à la pompe de Corse de rester bien plus élevés que sur le continent. Mais ce volet de mesures est important, notamment pour ce qui concerne les TVA réduites, dans le bâtiment pour faciliter l’accès au logement (10% contre 20%), dans l’alimentaire (taux 2,1% au lieu de 5,5%), etc.

L’autre volet, le volet « entreprises », est central si l’on veut passer à un statut fiscal favorisant le développement économique.

Mais l’évaluation est plus complexe que pour un particulier, car s’il est facile de comparer un prix corse avec un prix sur le continent, il est beaucoup plus complexe d’évaluer comment tel producteur est impacté par les contraintes liées à l’insularité, et à quel niveau il faut le compenser fiscalement pour le mettre à un niveau de charges comparable avec le continent.

L’étude réalisée par les deux chambres de commerce est venue apporter un éclairage argumenté sur ce point (voir ICI).

Elle estime à environ 10 % du chiffre d’affaires des entreprises le poids des contraintes liées à l’insularité, qu’elle répertorie en trois catégories : – impact de l’éloignement/isolement, qui renchérit les transports, mais aussi qui entraîne la nécessité de réaliser des sur-stockages, des sur-équipements, et qui amène à des surcoûts pour les déplacements ou même le recrutement des personnels.

 

– Impact des transports internes plus difficiles qui entraîne des pertes de productivité en raison des trajets plus long.

– Impact de l’étroitesse du marché, tant pour les clients que pour les recrutements.

 

Les entreprises corses n’ont pas accès aux économies d’échelle, les vacances de postes y sont plus longues, ce qui entraîne des surcoûts, etc.

 

Un statut fiscal adapté, sur la base des résultats de cette étude, serait donc celui qui permettrait, d’une façon ou d’une autre, par de moindres charges de personnels ou une diminution des impôts des entreprises, de compenser ces sommes qui pèsent injustement sur la compétitivité des entreprises corses par rapport à leurs homologues du continent.

La négociation ne fait que commencer.

Une étude de l’Adec réalisée en septembre 2017, montre que les « avantages fiscaux de la Corse », c’est à dire le différentiel avec ce que l’Etat aurait perçu à situation équivalente sur le continent, sont à la baisse (350 M€ en 2010, 280 M€ en 2015) car chaque modification des taux généraux a entraîné un affaiblissement de la spécificité corse.

Au total, l’État qui prélevait 421 M€ en 2004 entre TVA, Impôts sur le revenu, ISF, Impôts sur les sociétés et droits d’enregistrement, a prélevé sur ces mêmes impôts 834 M€ en 2015, soit un doublement en 11 ans. C’est en partie dû à la hausse du PIB insulaire, mais cela est dû aussi au grignotement progressif du statut fiscal de la Corse.

Ce sera un enjeu fort de la discussion sur le futur statut fiscal de la Corse que de tels grignotages ne soient plus possibles.

François Alfonsi.

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