Femu Quì

Travalcà, fonds de relance de l’économie corse

La 36e assemblée générale de Femu Quì SA s’est tenue à Aiacciu, devant les locaux de PCM (Performance Composite Aéronautique), entreprise à la pointe de la technologie insulaire du Pôle des industries aéronautiques corse (avec Corse Composite Aéronautique) que Femu Quì accompagne et continue d’accompagner tout au long d’un parcours économique remarquable. Tout un symbole de la force et de la dimension de la société de capital-risque créée au lendemain d’un débat qui s’est tenue à la Ghjurnata d’Arritti de juillet 1990 à Ghisunaccia. Arritti n’en est pas peu fier !

 

 

Les travaux de l’AG se sont ouverts par un hommage appuyé du président de FQSA, Sébastien Simoni, à Max Simeoni, notre fondateur, l’un des pionniers de Femu Quì, qui nous a quitté le 9 septembre dernier. « Son voyage d’étude au Pays Basque en 1989, lors de son mandat de député européen, est à l’origine de Femu Quì. De retour dans l’île, il porte avec François Alfonsi l’idée de mobiliser l’épargne populaire au service de l’économie corse. Son frère Edmond et quelques militants le rejoignent. Ils rassemblent plus de 300 personnes à Ghisunaccia aux Ghjurnate d’Arritti en juillet 1990 et recueillent les premières promesses de souscription. Après avoir lancé la démarche et contribué à convaincre 1000 souscripteurs, et participé à l’adoption de la charte fondatrice de Femu Quì, il se met en retrait lors de la constitution de la société. Femu Quì est alors une démarche collective, apolitique, un outil financier indépendant et innovant au service du développement économique de la Corse. Je pense que par l’action continue de Femu Quì depuis 31 ans, c’est le meilleur hommage que l’on peut rendre à Max, lui qui portait une vision de long terme. Et l’on compte bien continuer à appuyer cette vision. »

 

Ces pionniers voulaient rompre le fatalisme en matière économique, s’inspirer du génie basque, et mobiliser le monde des entrepreneurs au service du développement de la Corse. L’idée a fait son chemin, s’est développée sous l’impulsion d’hommes et de femmes de tous horizons qui ont porté Femu Quì jusqu’à ce jour avec détermination et enthousiasme malgré les difficultés. Leur intelligence à adapter l’outil économique face aux obstacles, force le respect et l’admiration face à ce qu’est devenu aujourd’hui la société de capital-risque : un véritable label qui entraîne dans son sillage institutions politiques et organismes bancaires pour créer de nouveaux outils au service de l’entreprise et de l’économie.

Pour avoir été humblement témoin de cette période, quel contraste entre les discours sinistres d’hier sur l’avenir économique de l’île, et la réalité aujourd’hui d’un monde entrepreneurial qui développe son propre génie, innove, ose, au point d’avoir su inverser la courbe du destin ! À l’image de PCM (et d’autres) qui performe dans le domaine industriel qu’on disait hier inexistant et inaccessible pour notre île ! La Corse fabrique à destination de diverses compagnies dans le monde des pièces d’AirBus A320 et de nombreux autres appareils qui demandent une haute technicité et un engagement remarquables acquis par l’intelligence d’hommes comme Jean Julien Cossu, pdg de PCM qui s’est fait une joie avec ses collaborateurs de faire visiter sa chaîne de production, mais aussi faire ressentir l’esprit conquérant et fortement solidaire de ses salariés. On retrouve plus qu’on ne le pense de tels états d’esprit au sein des entreprises insulaires aujourd’hui et l’on n’en parle pas suffisamment alors que c’est un formidable exemple de réussite individuelle et collective pour notre jeunesse.

Le monde aéronautique a pourtant été particulièrement éprouvé par la crise Covid on le sait, mais la capacité d’adaptation, la soif d’entreprendre et l’abnégation face aux difficultés est une marque désormais dans l’île, grâce pour beaucoup à l’existence d’outils comme Femu Quì pour les accompagner. Ces profils d’entrepreneurs, l’Université de Corse n’y est pas étrangère. C’est une autre source de grande satisfaction pour tous celles et ceux qui se sont battus pendant des décennies pour la réouverture de l’université et la formation de notre jeunesse.

Tout cela se dégageait de l’AG de Femu Quì ce 29 septembre, avec en toile de fond le rêve de quelques 300 personnes caressé lors de la journée d’Arritti de 1990 à Ghisunaccia, et des pionniers qui se sont lancés en 1992, pour mobiliser l’épargne populaire en écrivant une Charte d’engagement qui garde toute sa pertinence aujourd’hui, avec les valeurs qu’elle défend : réduction de la dépendance économique et maîtrise des circuits économiques, création d’emplois qualifiés au sein d’entreprises productives,  rééquilibrage des activités entre elles et sur le territoire, valorisation des ressources locales, défense de l’environnement, en s’appuyant sur l’épargne populaire et la prise de conscience des Corses et d’amis de la Corse…

Le débat qui bouclait cette assemblée générale, sur le thème : « Export, international, croissance externe : Les entreprises corses ont-elles les mêmes chances que les autres ? » était animé par Roger Antech de notre confrère Corse-Matin.

 

Car le point fort de cette journée était la présentation de Travalcà FPCI (fonds professionnel de capital-investissement dédié aux PME corses) : un vrai fonds de relance corse, au service des entrepreneurs prêts à oser l’international et l’export, ou bien à faire face à un besoin de rachat en Corse ou au-delà. Une initiative sans précédent, constitué et géré par Femu Quì Ventures qui, en réunissant différents acteurs, la Collectivité de Corse, BPI France, les banques (Crédit Agricole, Banque Populaire Méditerranée, Caisse d’Epargne Cepac, Crédit Mutuel méditerranéen) et les mutuelles (Mutuelle de la Corse, Groupama Méditerranée), offre un levier d’investissement pouvant atteindre 100 M€ en faveur des PME, avec à la clé la création de centaines d’emplois !

« Nos ambitions sont très hautes, a avoué crânement le gérant financier de Femu Quì Ventures, Ghjuvan’Carlu Simeoni, on regarde très loin pour essayer de porter Femu Quì le plus loin possible. Ce n’est pas de la prétention, c’est vraiment une détermination et une ambition qui repose sur la force et l’originalité que Femu Quì dégage. »

Le fonds rassemble au départ 20 à 30 M€, il pourra intervenir jusqu’à 2,5 M€ par entreprise et s’inscrit dans la continuité de l’action historique de Femu Quì favorisant « la création d’emplois qualifiés, la valorisation des ressources locales et la protection de l’environnement. Ainsi, l’intérêt économique, le développement des savoir-faire, l’adoption de systèmes de production bas carbone et la responsabilité sociétale des entreprises seront encouragés » explique Femu Quì.

« Produire c’est évidemment le premier acte de création de valeur ajoutée. Et c’est aussi le premier acte d’être autonome, la Corse étant une terre essentiellement de consommation, nous voudrions qu’elle devienne aussi une terre de production. Ça commence à se faire » dira le président de l’ADEC Alex Vinciguerra. « Si l’on arrive à structurer les filières pour faire en sorte que les gens travaillent ensemble et puissent se projeter sur un marché qui ne soit pas uniquement local, on aura réalisé ce que l’on attend de nous, c’est-à-dire créer de la valeur ajoutée en Corse, pour pouvoir vivre en Corse. » D’où l’importance pour la Collectivité de Corse de soutenir un tel fonds qui vise à optimiser les performances des petites et moyennes entreprises, leur permettre d’exporter et d’anticiper sur les évolutions de leur secteur.

« La Corse a certes des contraintes, mais ces contraintes peuvent aussi permettre de créer, d’orienter une économie. À un endroit où il y a un marché extérieur qui est faible, ça paraît logique de se tourner vers l’export » a confirmé Sébastien Simoni, président de Femu Quì qui cite un secteur que connaît bien le créateur de CampusPlex, le secteur informatique « on est un trop petit marché intérieur pour ne pas oser l’export ».

Tour à tour aussi, Pierre Torre, dirigeant du Crédit Agricole de la Corse et Philippe Gassend pour la Banque Populaire Méditerranée, soulignent la grande confiance pour les opérateurs bancaires que dégagent Femu Quì dans un territoire aujourd’hui « particulièrement dynamique » avec « entre 5 et 6000 créations d’entreprises » pour lesquels les organismes bancaires se veulent être « des accélérateurs de développement » malgré un contexte économique difficile. On est loin de la Corse d’il y a 30 ans et de l’extrême frilosité bancaire ! Pierre Torre décrit des entrepreneurs « convaincus de leurs forces et qui regardent loin », qui fait que les banques adhèrent à des initiatives comme Travalcà. « Vous n’imaginez pas ce que la Corse porte de labels de qualité dans le monde » surenchérit Philippe Gassend. Et de citer la viticulture, l’agriculture bio etc. Même chose pour Jean René Jigou, de BPI France, qui s’enthousiasme de « l’extraordinaire trajectoire » de Femu Quì, « la qualité de l’équipe, son expérience, la capacité à identifier des opportunités d’investissement et à faire de bons investissements » mais aussi « la stratégie d’investissement… la recherche de performance financière et la capacité de lever des fonds, publics, mais aussi privés ».

La Mutuelle de la Corse qui investit, y compris à l’extérieur, et adhère à un fonds comme Travalcà, est aussi peut-être le signe de ces temps qui changent a expliqué son président Bernard Ottaviani.

Force est de constater que la confiance dans les entreprises est revenue au sein des investisseurs, des outils sont créés et offrent des opportunités. C’est le message de cette table-ronde.

« La raison d’être de Femu Quì c’est la confiance que l’on a dans l’économie corse, dans les entrepreneurs… Comme on a confiance dans cette économie, on a confiance dans ses acteurs, et on a aussi cette volonté de dire que l’on peut rompre un cycle de dépendance économique… Petit à petit s’est créé de manière organique un changement d’échelle et c’est salutaire pour la Corse. C’est normal que l’on ait envie de créer et d’être indépendant, d’être de moins en moins perfusés » a conclu Sébastien Simoni.

« Le plus grand défi c’est sortir de cette économie de rente et d’assistanat pour aller vers une réelle économie de production de biens et services avec la création de richesses mais aussi de richesses humaines. On a les moyens, l’ambition, l’envie et suffisamment de militantisme pour pouvoir arriver à relever ce défi » a répondu en écho Alex Vinciguerra. Une bonne partie de la suite va s’écrire notamment avec ce fonds de relance et d’innovation qu’est Travalcà. Ventu in puppa ! •

Fabiana Giovannini.

Femu Quì en chiffres

140 investissements en PME depuis 1992
90 opérations débouclées
30 M€ investis dans l’économie corse
4 600 souscripteurs fédérés
1 société de gestion
1 investissement dans un fonds professionnel
1 000 emplois créés

Une accélération portée par Femu Quì Ventures depuis sa création en 2016, ses 4 M€ d’actions sous gestion et ses 6 fonds nouveaux aux stratégies complémentaires : FIP Corse Suminà (4), Alzà SAS (1), Travalcà FPCI (1). •