La viticulture corse

Un fort potentiel de développement

Un stand de 800 m2 pour les vins corses dans le cadre du salon leader mondial Wine Paris du 14 au 17 février à la porte de Versailles : l’interprofession des vins corses a vraiment occupé le terrain pour promouvoir la production viticole insulaire, AOP comme IGP. Arritti a rencontré Eric Poli, leur Président.

 

 

Une présence aussi importante sur ce salon se justifie-t-elle ?

C’est une nécessité commerciale incontournable, et après deux éditions annulées à cause de la crise sanitaire, il fallait relancer notre dynamique à l’export. Il y a vingt ans les vins corses se vendaient principalement en Corse, grâce à la saison touristique. Aujourd’hui ce marché est stabilisé et reste au cœur de notre activité, mais il n’écoule plus que 35 % de la production corse. Des marchés ont été gagnés hors de Corse, sur le contient où nous écoulons désormais 45 % de notre production, et aussi hors de France, en Europe comme aux États Unis, où s’écoulent 20 % de notre production. Ces marchés sont rémunérateurs, surtout à l’export. Le marché français, porté par les enseignes des grandes surfaces, l’est moins, mais il est essentiel pour les plus grosses coopératives et les vins IGP (Indication Géographique de Proximité). Il draine désormais de très grandes quantités.

C’est dans de tels salons que les contacts commerciaux s’établissent, et que cette évolution des marchés a pu être opérée. Ce qui est constaté c’est que ne plus les fréquenter c’est mécaniquement perdre des parts de marché.

 

La viticulture corse se porte bien ?

Oui, incontestablement. Avec 250 millions d’euros de chiffre d’affaires, elle représente 50 % du chiffre d’affaires agricole de la Corse. A titre de comparaison, la filière des clémentines, qui elle aussi se porte bien, représente trois fois moins, 80 miliions d’euros. Nous regroupons 135 viticulteurs indépendants, et 4 caves coopératives. La production est entre 350.000 et 400.000 hectolitres annuels qui trouvent preneur sans difficulté.

C’est d’ailleurs notre principale préoccupation car cela fait de l’appellation corse une très petite appellation, alors qu’il faudrait atteindre une masse critique plus élevée. Pour bien faire il faudrait croître de 50 %, passer de 6.500 hectares à 10.000 hectares plantés. En termes de terroir les potentialités existent indéniablement, la profession se rajeunit et attire des jeunes, et le marché absorberait sans grande difficulté ces 200.000 hectolitres supplémentaires. On estime que dix hectares exploités en vignes génèrent un emploi temps plein. Ce développement créerait 3.500 emplois nouveaux en Corse !

 

Pourquoi n’y arrive-t-on pas ?

Les freins sont de plusieurs ordres.

Le premier est foncier. Depuis la Somivac des années 70, aucune étude n’a inventorié les terres à forte potentialité viticole. Le Padduc a répertorié les Espaces Stratégiques Agricoles sans aller plus loin dans la définition de leurs potentialités. Si bien que beaucoup de terrains sont consacrés à un élevage extensif alors que leur reconversion à la viticulture permettrait de donner de meilleurs revenus à l’économie corse comme aux propriétaires ou agriculteurs qui en vivent. Il faudrait un plan de conversion de ces surfaces.

L’autre frein est la formation et la ressource en main d’œuvre qualifiée. La viticulture offre des métiers qui demandent de plus en plus de formation, pour le travail dans la vigne qui est de plus en plus mécanisé, comme dans les caves, avec l’assistance, de plus en plus, par de l’intelligence artificielle. Cela ne correspond pas à l’image que les jeunes s’en font, et la Corse n’a quasiment pas d’offre de formation, dans les lycées agricoles notamment, pour ces nouveaux métiers. Tractoristes, chefs de culture, factoristes maîtrisant l’élaboration du vin, etc. Il y a un chantier de formation à conduire pour lequel nous avons échoué jusqu’à présent. J’espère pouvoir m’y atteler avec le nouvel Exécutif de la Collectivité de Corse.

Dernier frein : les financements. Il faut un programme de soutien qui fait défaut et, comme il s’agit de financements lourds, de long terme (une vigne nouvellement plantée ne produit pas avant trois années), il est difficile d’aller de l’avant même si, à long terme, on sait que la filière est rentable économiquement.

 

Le réchauffement climatique menace-t-il aussi la viticulture ?

Bien sûr. Depuis vingt ans, la date des vendanges a avancé d’un mois, de mi-septembre à mi-août. Un plant comme le sciaccarellu, emblématique des vins rouges en Corse, en subit des effets, il est de plus en plus chargé en alcool et moins productif. Il faut mener des travaux scientifiques pour mieux connaître les conséquences prévisibles du réchauffement climatique et anticiper les adaptations qui seront nécessaires. •