Distillerie Mattei, 150 anni di storia !

Un livre pour conter cette saga insulaire

Il est des noms qui font l’histoire. Louis Napoléon Mattei était un véritable entrepreneur, bouillonnant d’idées et de dynamisme. Son nom est devenu marque et il est depuis près de deux siècles une véritable référence industrielle, un apéritif, une couleur, un mythe. Avec le temps, les crises économiques, l’esprit de conquête s’est essoufflé, mais la force d’une marque c’est de savoir se revivifier. Depuis quelques années, Dominique Sialelli dirige l’enseigne qui peinait face aux défis économiques d’aujourd’hui. Une redynamisation qui a porté ses fruits « au-delà des espérances et des prévisions ». Replonger dans cette histoire magnifique pour faire le lien entre ce riche passé et un avenir qui tend les bras, c’est l’objet d’un ouvrage qui lui est consacré. Et qui mieux que Dominique Mattei pour faire ce travail de recherches et d’écriture ? « MATTEI, une saga insulaire » vient de paraître.

 

 

«La distillerie pour l’anniversaire des 150 ans de la marque a fait cette commande. C’est une histoire que l’on croit connaître, mais que l’on redécouvre et dont on se rend compte finalement qu’elle est méconnue. Cela a demandé un gros travail de recherches mais vraiment passionnant parce que derrière l’histoire de l’entreprise se révèle aussi celle de la Corse. » Dominique Mattei, qui a longtemps présidé le Centre Culturel Una Volta, est dans son élément ! Pour réaliser l’ouvrage il lui a suffi de plonger dans son amour des livres, de la culture, sa passion de cette terre, de son histoire, de ses gens. À l’écouter parler, on sait que malgré un travail non-stop de six mois (« je n’ai fait que ça » avoue-t-elle), elle s’est vraiment régalée ! « L’histoire de l’évolution industrielle en Corse, on la connaît très peu, très mal » dit encore Dominique Mattei, « j’avais vraiment envie de plonger là-dedans, et j’ai rencontré des gens extraordinaires. Il y avait un vrai désir de parler de cette réussite. Le livre s’est structuré à mesure que j’avançais dans cette enquête historique, il répertorie plus de 130 images, pour certaines inédites ! »

 

Ce vendredi 4 novembre à la célèbre boutique Mattei de la place St-Nicolas à Bastia, il y avait du monde, des amis, des acteurs de la vie insulaire, pour la féliciter de ce travail ainsi que ceux qui l’ont suscité. Armelle, Dominique et Hugo Sialelli, connus pour la réussite industrielle de la Brasserie Pietra, se sont associés en 2010 avec la société Dary Distribution dirigée par David Dary. Ensemble, ils ont créé GBC, Groupe Boissons de Corse, entreprise de distribution. Parallèlement Mattei (Sovicap) fusionne avec l’entreprise Mavella des frères Venturini*, Lisandru et Stéphane, créant la Distillerie L.N. Mattei, présidée par David Dary et dirigée par Dominique Sialelli. Aujourd’hui GBC, rejoints par quelques autres entreprises de distribution en Corse, permet à chacun des membres du groupe de mieux affronter les difficultés de la distribution et de l’export. La Distillerie a pu ainsi se concentrer sur ses produits et leur promotion. Aujourd’hui le Cap Corse Mattei et les autres produits sont consommés à l’international et la marque est en pleine reconquête, y compris d’un public jeune, notamment grâce à ses cocktails comme le Capo Spritz. La marque propose une gamme de spiritueux dans la lignée du visionnaire qu’était Louis Napoléon Mattei : « des produits uniques et de qualité, associés à des produits locaux ». Ainsi, après le Cap Corse Mattei Grande Réserve, une gamme d’Eaux de vie et de nouvelles liqueurs ont été créées, parmi elles deux recettes de gins en 2021 : le Distilled Dry Gin L.N. Mattei et le gin L’Immortel. « Le Distilled Dry Gin L.N. Mattei a d’ailleurs reçu la médaille d’or au concours général agricole 2022 ! »

« Le livre raconte 150 ans d’histoire économique en Corse. Nous sommes très heureux d’avoir pu ressusciter une belle marque corse historique. C’est une belle aventure » se réjouit Dominique Sialelli.

« On avait envie de mieux connaître cette histoire et de la raconter, Dominique Mattei a fait un travail remarquable, avec tout une recherche sur l’iconographie notamment et sur cette étonnante saga familiale, c’est passionnant ! » commente son épouse Armelle Sialelli.

 

Pour vous procurer l’ouvrage « Mattei, une saga insulaire » : distilleriemattei.com/boutique

 

Louis Napoléon Mattei créé la Distillerie en 1872 et en véritable entrepreneur, il puise dans le territoire corse son inspiration, ses idées, avec la volonté de valoriser les produits locaux. Il fait naître tout une gamme de liqueurs « à base de fruits emblématiques », comme le myrte ou le cédrat. En 1894, il a l’idée de créer un apéritif à base de vin au quinquina, le Cap Corse Mattei qui bâtira sa renommée internationale. L’apéritif est récompensé à l’Exposition Universelle de Paris en 1900. Mais ce n’est pas tout. Précurseur, Louis Napoléon Mattei innove avec la publicité, affiches, objets, il développe tout une dynamique de vente, particulièrement symbolisée par le fameux Moulin Mattei. « C’est une saga entrepreneuriale qui naît au milieu du XIXe siècle alors que la Corse connaît de profondes mutations sociales et économiques » explique Dominique Mattei dans le préambule de l’ouvrage.

Né à Ersa en 1849 dans une famille de marins, grand-père et père, Louis Napoléon Mattei grandit entre son village et Bastia. Le Bastia populaire de Pesciu Anguilla de Sebastianu Dalzeto en pleine mutation avec la construction de la place St-Nicolas, du Palais de Justice, du portu novu… Autant de chantiers qui inscrivent la dynamique de l’époque. « Le jeune Louis Napoléon se construit dans l’amour qu’il porte aux rivages du Cap, à ses terres et ses vergers, où se mêlent les parfums de myrtes et des cédrats »… C’est aussi le Bastia des négoces et d’une révolution industrielle naissante. Rien d’étonnant de le voir à 23 ans fonder « une maison de commerce » proposant des produits venus du monde entier, café, tabacs, alcool, pétrole même !, vins et liqueurs de fabrication locale. Mais il veut surtout innover avec des produits du terroir.

 

Il crée la Cédratine qui emporte un grand succès. Suit l’Amaro Mattei en 1874. Il bâtit une fortune et assure ses arrières en investissant dans l’achat et la plantation de vignobles pour assurer sa production. Il investit aussi dans le liège, pour la fabrication de bouchons, rachète des établissements et des domaines, participe à la création des Magasins Généraux de la Corse où il stocke son cédrat. Les exportations sont florissantes : 500 à 1000 tonnes de fruits confits en deux ans (1900-1902) dont 50 % à l’international ! Louis Napoléon compte 300 employés, développe un réseau de distribution, ouvre de nouveaux magasins, s’installe sur la place St-Nicolas dont le magasin est aujourd’hui inscrit à l’inventaire des monuments historiques. Il fait aussi de la politique, est élu à la ville de Bastia, puis conseiller général du canton de Roglianu, et le président de la République Sadi Carnot lui décerne la Croix de Chevalier du Mérite agricole. Il crée un journal d’opinion, l’Union Républicaine, et se lie d’amitié avec Emmanuel Arène. En 1890, il rachète les anciennes usines métallurgiques de Toga pour y concentrer sa production. Il créé le Kirsch vieux, la liqueur du Couvent, la liqueur de mandarine, la crème de menthe. Puis son fameux Cap Corse en 1894 ! Associé avec son cousin François Mattei qui épouse l’une de ses filles, il fonde la société L.N. Mattei et Compagnie. La distribution est assurée par tout un réseau de grossistes sur le continent, en outremer, à l’étranger. Les produits sont valorisés à tous les niveaux, « qu’il s’agisse de simples étiquettes de livraison, d’insertions dans la presse ou d’affiches et affichettes ».

 

Louis Napoléon Mattei décède à 58 ans en 1907, et c’est François Mattei qui se montrera son digne successeur en faisant progresser l’entreprise et son image. Il continue de cultiver « l’art de la réclame », promeut la marque avec des artistes. Avec lui, la Corse s’exporte en Europe, en Afrique, en Asie, en Amérique : « Acheter le Cap Corse Mattei, c’est s’approprier un terroir et une culture ». En 1932, il achète le moulin d’Ersa et en fait un outil de promotion pour la marque. Il fonde à son tour un journal, Le Cap Corse en 1927, « organe des intérêts bastiais et régionaux ». C’est aussi en 1927 que sort la célèbre affiche de Jean Ylen de la Majorette qui deviendra le symbole de la marque.

La saga familiale se poursuit : mariage, quatre filles, François Mattei fonde la société François Mattei et Compagnie. « Depuis la création par Louis Napoléon de sa première société, les règles de la vie familiale et celles de l’entreprise sont étroitement imbriquées » explique l’ouvrage qui poursuit l’histoire des années 30 à nos jours. Le temps des procès en contrefaçons, faisant apparaître le slogan encore utilisé aujourd’hui : « le seul vrai » (Mattei aura fait face à plus de 30 imitations de son vin du Cap !), le triomphe de la Maison Mattei à l’exposition universelle de 1937, la seconde guerre mondiale et les entrepôts pillés par l’armée allemande en 43, la dynamique de l’après-guerre qui profite à l’entreprise…

 

Mais les pratiques de consommation évoluent, l’anis fait son entrée dans les apéritifs. Ajouté à cela la crise du vin (chaptalisation), la crise économique, c’est le début d’un déclin pour Mattei, entre rachats et faillite, puis diverses tentatives de reprises jusqu’aux années 2000 où de jeunes entrepreneurs « vont s’attacher à inverser la perspective ». Avec la création de la Distillerie L.N. Mattei, ils entendent « retrouver l’identité fondatrice de la marque » et lui « redonner ses lettres de noblesse ». « Ils vont alors faire vivre le Cap Mattei sur les réseaux sociaux, le promouvoir dans les meilleurs bars à cocktails, l’inviter dans les festivals de musique ». Ils font appel à une mixilogue, Florie Castellana, qui invente le Capo Spritz (dont l’ouvrage révèle les recettes). Le cocktail s’invite sur toutes les terrasses insulaires « faisant du Cap Corse Mattei une marque jeune, moderne et innovante », auquel s’ajoute d’autres produits, dont un whisky à base de maïs biologique, le premier « Corn whisky » attendu pour 2023.

Ainsi se poursuit la saga insulaire de la Maison Mattei ! L’ouvrage est riche de détails et d’anecdotes, magnifiquement illustrés, liant la grande histoire de la Corse, à celle de cette marque rouge aujourd’hui « reconnue entreprise du patrimoine vivant, pour son savoir-faire artisanal d’excellence ». L’esprit de conquête ne l’a jamais quitté !

Un très bel ouvrage à lire absolument. •

Fabiana Giovannini.