Le slogan du Collectif créé par une trentaine d’intellectuels corses pour dénoncer la montée du banditisme résonne dans toute la Corse. En quelques semaines, l’accumulation des méfaits a atteint un point de paroxysme qui a culminé avec l’assassinat sans scrupule de Màssimu Susini, seul et désarmé, par un tireur embusqué.
La Corse exige que soient enfin éclairés les théâtres d’ombre où des forces occultes décident d’imposer leurs intérêts mafieux par le meurtre et la violence. Tous nous voulons que notre société soit définitivement libérée de cette oppression qui l’étouffe.
Le rassemblement de 800 personnes dans l’amphithéâtre de l’Université de Corti est un signe tangible de la montée en puissance d’une protestation de plus en plus forte. En juillet 400 personnes étaient autour de Jean André Miniconi après un premier attentat visant ses biens. Quelques semaines auparavant, c’est Pierre Alessandri dont la distillerie à Sàrrola était détruite par le feu, provoquant un rassemblement spontané de plusieurs centaines de personnes devant les grilles de l’Assemblée de Corse.
Cela ne suffit manifestement pas, et cela n’a pas empêché ceux qui voulaient intimider Jean André Miniconi de perpétrer un second attentat contre ses biens quelques semaines plus tard. La maladresse d’un exécutant de ces basses œuvres a enfin mis un visage sur un de ses agresseurs. Son profil de demi-sel n’a rien d’une révélation, mais on sait désormais dans quelles sphères un tel nervi se recrute, et qu’il y a bel et bien un commanditaire derrière cet acte à motivation mafieuse.
La presse hexagonale a commencé à se saisir du scandale d’une Corse abandonnée à l’emprise des bandes mafieuses. On y apprend la désorganisation des services de police et de justice qui s’épuisent en querelles internes et laissent le champ libre à la criminalité organisée.
Après la demande du Procureur de Bastia pour que soit démis le chef de la Police Judiciaire d’Aiacciu, on apprend que ce dernier est soutenu haut et fort par sa hiérarchie parisienne. Autant dire que le malaise que l’on devinait important est encore plus grave, et que la dérive va continuer de plus belle. Le dernier épisode concerne le futur magistrat qui doit remplacer l’actuel procureur de la République d’Aiacciu : le Conseil Supérieur de la Magistrature a rejeté la candidature proposée par la Ministre, jugeant la personne choisie trop peu fiable pour ce poste.
On imagine que cette guerre de position interne aux services de l’Etat accapare leur temps et que leurs investigations s’en ressentent. En tous les cas les commentaires soulignent tous les ratios désastreux d’élucidation de la centaine de meurtres qui ont endeuillé la Corse ces dernières années. Nulle part les forces de police n’ont aussi peu de résultats !
La mobilisation qui commence et qui se développe ne va pas combler toutes les lacunes béantes de l’action publique. Mais, face à son échec, l’Etat nous doit quand même davantage que ce communiqué de la Préfecture publié alors que se réunissaient des centaines de Corses à Corti : « la lutte contre cette criminalité qui gangrène la société corse relève de la compétence et de la responsabilité de l’autorité judiciaire. Il n’appartient pas (…) au préfet de s’immiscer (…) et a fortiori de s’exprimer ». Mais pourquoi donc ceux qui n’ont rien à dire s’obstinent-ils à vouloir communiquer ?
La Préfète n’ayant rien à dire, au moins un ministre pourrait-il s’exprimer et expliquer le bilan déplorable de l’action de l’Etat ? Mais le silence est total, à tel point qu’il en devient suspect !
Les analyses sur le banditisme en Corse rappellent toutes comment un Etat obnubilé par la lutte contre les nationalistes dans les années 80 avait une grande responsabilité indirecte dans le développement du banditisme dans l’île à travers la Brise de Mer et ses déclinaisons de l’époque.
En 2019, c’est bis repetita ?
Les Corses et tous les démocrates attendent de l’Etat des explications, la refonte de son action, et des résultats ! Il est plus que temps qu’il s’en donne enfin les moyens.
François Alfonsi.