Paix dans le monde

Avis de tempête !

par François Alfonsi
Dix-huit mois après l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe, l’embrasement du conflit israélo-palestinien aggrave encore considérablement les risques de situations de guerre quasi-généralisées dans le monde, sans qu’aucun « gendarme », pas même les puissants États-Unis d’Amérique, ne soit en mesure d’en contenir les effets.

 

 

Qui aurait pu prévoir l’invasion de l’Ukraine ? Le jour d’avant, la grande majorité des observateurs affirmaient encore que l’accumulation de troupes russes aux frontières ukrainiennes n’étaient que manœuvres d’intimidation pour négocier en position de force. Depuis la guerre est totale et les besoins en armements, en reconstructions de villes détruites, en secours humanitaires, et, surtout, en combattants mourant au front, ne faiblissent pas, bien au contraire.

Le conflit s’est même exporté en Afrique à travers la milice Wagner qui, en s’institutionnalisant comme garde prétorienne des régimes putschistes d’Afrique, ouvre un second front, de basse intensité pour l’instant, mais dont on ressent bien qu’il n’en restera pas là avec des conséquences lourdes : réarmement du terrorisme islamiste, vague migratoire vers l’Europe, peuples « résistants » comme les Touaregs obligés de se défendre sans soutien international ou presque, etc.

 

À cette situation déjà bien préoccupante, la guerre de Gaza lancée par Israël en représailles de l’attaque du Hamas apparaît comme vouée elle aussi à s’inscrire dans la durée, et à entraîner un vaste mouvement mondial de solidarité palestinienne en raison des nombreuses victimes civiles que l’offensive de Tsahal fera inévitablement.

Le trouble jeté par cette situation peut être illustré par l’inexplicable interdiction par le gouvernement français de toute manifestation de soutien aux palestiniens à Paris, quand à Londres, Berlin, New York et même Tel Aviv, ces manifestations sont autorisées, rassemblant des cortèges impressionnants.

S’y ajoutent les réactions de condamnation unanimes dans le monde musulman pour qui le conflit palestinien fédère depuis toujours les opinions publiques. L’action du Hamas, malgré toute son horreur, y est acclamée comme un acte de résistance, au grand dam du discours officiel qui reconnaît à Israël un droit de riposte. Sans respect du droit international et l’installation urgente de couloirs d’approvisionnement en produits de première nécessité pour la population civile de Gaza, Israël court tout droit à un total isolement que le récent vote de l’Assemblée générale des Nations Unies a illustré en demandant une « trêve humanitaire immédiate » à une immense majorité.

 

Profitant de cet isolement croissant, les ennemis héréditaires d’Israël, fédérés autour du régime iranien, seront tentés de lancer une offensive à leur tour, Hezbollah au Liban, leurs alliés en Syrie, voire l’Iran lui-même. Les deux porte-avions positionnés en Méditerranée par les USA ont pour objectif de dissuader l’Iran d’exploiter la fenêtre politique qui lui est ouverte par la recrudescence du conflit à Gaza. Les mollahs franchiront-ils ou non le Rubicon ? Le précédent de Vladimir Poutine en Ukraine nous instruit du danger de se laisser endormir.

Les interactions du conflit israélo-palestinien avec la situation de l’Ukraine sont ainsi déjà sensibles, les flux d’approvisionnement en soutien militaire américain s’étant déplacés de l’Ukraine à Israël. Si l’Iran rentre dans la danse, cela ne pourra que s’amplifier dangereusement pour l’Ukraine, d’autant que la politique américaine, polluée par le trumpisme, débat ouvertement d’abandonner Kiyv. Et que se passera-t-il si Donald Trump est réélu dans un an ?

 

Mais d’ici là, un troisième conflit peut s’activer à Taiwan. Pour la Chine le bouclier américain qui défend l’île était déjà amoindri par le conflit ukrainien. Cette tendance sera mécaniquement renforcée si la guerre de Gaza embrase tout le Moyen Orient. Et Pekin pourrait bien voir là une fenêtre d’opportunité pour lancer l’assaut que la Chine prépare ouvertement depuis des décennies.

De ce risque de la multiplication des guerres à impact mondial découlerait un risque évident de crise économique mondiale. Quand de tels engrenages se mettent en mouvement, les conséquences sont imprévisibles.

Dans les mois qui viennent le monde pourrait alors basculer dans de dangereuses perturbations génératrices de véritables tempêtes. •