Un point positif est ressorti du déplacement en Corse d’Edouard Philippe avec la relance des échanges autour de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Face au gigantisme des projets EDF retenus dans la PPE de 2015, une position plus raisonnable a fait progressivement son chemin. La révision en cours de la PPE est ainsi relancée sur de nouvelles bases.
Le concept de « programmation pluriannuelle de l’énergie » dans les Zones Non Interconnectées (Corse, Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte et Réunion) date de 2015, de la Loi sur la Transition Energétique portée par Ségolène Royal alors Ministre de l’Ecologie.
Jusqu’à 2015, chaque investissement pour la production d’énergie sur le territoire français relevait d’une même « Programmation Pluriannuelle des Investissements » établie par l’Etat pour chaque équipement, centrale nucléaire ou simple « turbine à gaz », sur le continent connecté comme dans les îles aux réseaux totalement autonomes. Bref, une caricature du centralisme jacobin à la française.
La loi votée en juillet 2015 a décidé que chaque territoire insulaire ferait désormais sa propre « programmation pluriannuelle de l’Energie » en concertation entre l’Etat, la Collectivité Territoriale concernée et EDF qui en est le « fournisseur historique ».
Cette même loi proposait que chaque ZNI rende sa première « PPE » pour décembre de cette même année 2015, soit un délai de moins de six mois, dont les mois de juillet et août, délai manifestement sous-estimé, d’autant que décembre 2015 était une échéance électorale.
Une seule « ZNI » a relevé le défi de rentrer dans ce schéma, sous la houlette de Maria Guidicelli, alors en charge de l’énergie : la Collectivité Territoriale de Corse. Au pas de charge ont ainsi été effectués la rédaction du document initial, sa validation par la CTC, puis par les comités et organismes de l’Etat, puis à nouveau par la CTC avant sa signature par la Ministre.
Dans cette contrainte de temps très serrée, une donnée a été validée sans discussion : le dimensionnement à 250 MW, le double de puissance de la centrale actuelle du Vazziu, de la nouvelle centrale thermique destinée à la remplacer. Pour cela les rapporteurs, dont EDF était largement le porte-plume, ont additionné tous les équipements thermiques, qu’ils soient « de base » comme la centrale du Vazziu qui fonctionne 7.500 heures sur les 8.760 heures que compte une année, ou « de pointe » comme les turbines à gaz qui ne tournent que quelques heures par an.
Cependant, au moment de concrétiser le remplacement de la Centrale du Vazziu, certains ont commencé à soulever le coût énorme d’un tel surdimensionnement, qui plus est dans un cadre financier très avantageux pour EDF qui est rémunéré au taux de 11% de ses investissements. Assez logiquement, en tant que financeur principal, c’est la Commission de Régulation de l’Energie qui a tiré la première la sonnette d’alarme par un rapport daté de l’été 2018 qui considérait que cette nouvelle centrale ne se justifiait pas.
Tout en ajoutant une considération inquiétante pour l’avenir énergétique de la Corse : si la nouvelle centrale se réalisait sur les bases de la PPE 2015, il n’y aurait plus d’autres financements disponibles, notamment pour développer les ENR et remplir les objectifs politiques fixés pour 2050 d’une Corse autonome énergétiquement.
Mais le dossier de la nouvelle centrale était déjà très avancé, et l’enquête publique lancée, malgré le rapport de la CRE qu’EDF contestait. D’où une période d’incertitude depuis le début de l’année 2019, un dossier de « maxi-centrale » de plus en plus remis en cause, mais aussi l’urgence chaque jour plus forte d’en finir avec l’actuelle centrale au fuel lourd du Vazziu, et de la remplacer par une centrale au gaz beaucoup moins polluante.
Lors de la visite d’Edouard Philippe les points de vue se sont rapprochés : révision demandée à EDF dans la définition de ses besoins, et, dans le cadre des économies ainsi réalisées, financement par la CRE d’un programme ambitieux ENR ouvrant la voie à une Corse autonome énergétiquement à l’horizon 2050, la nouvelle centrale au gaz assurant la transition.
C’est mieux comme ça !
François Alfonsi.