Depuis l’été 2021, après la très large réélection de Gilles Simeoni à la tête de l’Exécutif de l’Assemblée de Corse, la question est posée d’un possible changement de politique de l’État en Corse. À cette question était lié le sort du préfet de Corse, Pascal Lelarge, qui, arrivé un an plus tôt, avait multiplié les initiatives et les propos hostiles à la majorité nationaliste issue des urnes. Il a fallu huit mois pour que ce signe attendu et nécessaire soit enfin donné.
Pascal Lelarge avait été le successeur de Franck Robine dont le passage de six mois sur l’île avait été un marqueur d’ouverture après la personnalité rigide et très hostile de Josiane Chevalier. On peut affirmer que Pascal Lelarge a été pour sa part un digne successeur de Bernard Bonnet ! La décision du gouvernement de son départ était attendue, et c’est un point a priori positif, même s’il est trop tôt pour savoir dans quelle démarche le nouveau préfet, Amaury de Saint Quentin, s’inscrira.
Sur la longue période, depuis l’élection d’Emmanuel Macron, le gouvernement et l’État ont été des opposants actifs à la volonté d’émancipation de la Corse à travers de nouveaux changements institutionnels. Depuis décembre 2017, date de la première élection de Gilles Simeoni à la tête de la nouvelle Collectivité de Corse, quarante-huit mois sont passés dont l’orientation négative a été constante malgré les six mois de l’interim de Franck Robine.
En sera-t-il différemment en 2022 ? Tout dépendra de la feuille de route du nouveau préfet.
Quoiqu’il en soit, après plusieurs mois de tergiversations, le jeu politique semble enfin s’éclaircir un peu. Le premier signal a été donné avant Noël quand le gouvernement, contre la prophétie du préfet Lelarge, a admis sa responsabilité dans le dossier Corsica Ferries et accepté de financer une bonne moitié de l’amende infligée par les tribunaux.
La question du rapprochement des prisonniers politiques est pour l’instant toujours bloquée, même si de nouvelles actions sont venues renforcer notre position en Janvier, comme la visite qui leur a été rendue par plusieurs parlementaires de différents groupes dans la prison de Poissy, et la position publique exprimée par Yannick Jadot, un des principaux candidats dans l’élection présidentielle.
Les clivages sont désormais au sein même de la majorité d’Emmanuel Macron, notamment par rapport à l’ex-Premier Ministre, Edouard Philippe qui est sur une ligne très dure. Les adversaires de la Corse veulent appliquer à Yvan Colonna, Pierre Alessandri et Alain Ferrandi le même sort que celui réservé aux détenus d’Action Directe, qui sont restés en prison jusqu’aux derniers jours de leur vie. Ils espèrent bloquer le processus politique initié à l’Assemblée Nationale qui doit conduire à ce qu’il en soit autrement, ce qui donnerait satisfaction aux Corses qui, collectivement, le souhaitent, toutes tendances confondues. La question n’a manifestement pas été tranchée, ce qui explique l’annulation de dernière minute, entre Noël et le Jour de l’An, de la réunion de la commission technique abordant la question des Détenus Particulièrement Signalés (DPS), et l’absence de nouvelle réunion depuis.
Au-delà de ce dossier délicat en pleine campagne électorale, quel type d’annonce le gouvernement pourrait-il faire, probablement lors du voyage officiel à venir du Premier Ministre, voyage annoncé depuis plusieurs semaines ? Désormais, toute promesse gouvernementale est par nature une promesse électorale. Pour autant, une parole donnée à 68 % des électeurs corses ne saurait être retirée facilement par celui qui l’a prononcée une fois l’élection passée. Donc si Macron fait une ouverture, il sera tenu, et s’il perd, son successeur sera aussi amené à en tenir compte. L’action de ces dernières semaines a de toute façon abouti à remettre la question corse à l’agenda des élections à venir.
Le départ du préfet Lelarge est une bonne nouvelle qui peut débloquer le dialogue avec Paris. Mais celui-ci ne ferait que commencer. •