Coronavirus

Comment est-ce qu’on s’en sortira ?

Le poison du coronavirus Covid-19 se révèle également mortel pour les économies. Emmanuel Macron a annoncé la prolongation de la paralysie sociétale que constitue le confinement total jusqu’au 11 mai. Du 17 mars au 11 mai, ce sont huit semaines durant lesquelles les ménages, les entreprises, les banques, les collectivités et les États vont épuiser leurs économies, tant qu’ils en ont encore. Et après ?

Cap’artìculu Les options face à la propagation du virus étaient simples : laisser filer l’épidémie jusqu’au seuil de « l’immunité de groupe », ou la combattre avec énergie.
Le seuil d’immunité de groupe est atteint quand les deux tiers de la population vivant sur un territoire est immunisée pour lui avoir survécu après en avoir contracté une forme bénigne. Emmanuel Macron a donné un chiffre essentiel lors de son allocation télévisée du lundi de Pâques : au mieux 5% de la population est immunisée à ce jour, soit trois millions de français qui sont passés au travers de la maladie durant les trois derniers mois, quand quinze mille autres en sont décédées. En extrapolant, l’immunisation spontanée, sans vaccin, de la population française, « coûterait » donc douze fois plus de décès, 180.000 morts, et cela prendrait une année pour arriver à considérer que la sécurité sanitaire est revenue dans le pays. Ce scénario catastrophe était inacceptable pour toute société développée, et les dirigeants qui ont un instant cru qu’il serait envisageable le paient au prix fort, Boris Johnson sur son lit d’hôpital, et Donald Trump en chute libre dans les sondages.
Aucune société moderne ne pouvait imaginer accepter de payer un tel prix humain, alors que, dans la désinformation la plus complète, c’est pourtant ce qui s’était passé jusque là dans les sociétés occidentales, jusqu’au milieu du 20e siècle, quand d’autres épidémies avaient frappé l’Europe. Internet est passé par là : impossible de minimiser une telle hécatombe comme on pouvait imaginer le faire au temps de l’ORTF !
Mais le plan B, dont le confinement et les « gestes barrière» qui bloquent la transmission de la maladie sont les mesures de base à mettre en oeuvre, génère une situation économique dangereuse et expose à des conséquences considérables, telles qu’un krach économique à l’échelle mondiale.
Grâce au confinement et aux mesures de précaution quand elles sont possibles, notamment le port du masque quand il y en a, on arrive à contenir le nombre de malades, à désengorger les centres hospitaliers et, au bout de la chaîne, à limiter le nombre de décès. Mais la contrepartie du coût social et économique est énorme, et on commence à en ressentir au bout de quatre semaines les premiers effets. Ceux-ci vont désormais s’amplifier de façon exponentielle, et il sera dur, très dur, d’aller jusqu’au bout de cette épreuve collective.
La population donne en effet des signes de plus en plus nets de lassitude, et le confinement ne tiendra pas sans accroître la pression des forces répressives. Jusqu’à quelle limite cela est-il possible ? D’autant que bon nombre de confinés perdent leurs revenus en restant chez eux, et que, la vie continuant, il leur faut pourtant continuer à se nourrir, à payer les factures, etc. La première semaine, ça peut passer ; la huitième semaine, ce sera autre chose !
Le choix annoncé par Emmanuel Macron d’une date au 11 mai pour mettre fin au confinement total tient probablement davantage d’une prise en compte des contraintes économiques que d’une approche épidémiologique. Huit semaines de confinement était un maximum pour être tolérable. Il faut espérer que les tendances actuelles, avec moins de décès et moins de cas d’hospitalisation auront été poursuivies et permettront à la société de respirer enfin. Ensuite, tout dépendra de la capacité collective à vivre en respectant scrupuleusement les consignes de distanciation, jusqu’à ce que la société soit enfin libérée du virus par la voie d’un vaccin. En attendant, le Covid-19 aura gravement déstabilisé la vie économique, et démontré que la prévention de nouvelles crises de même nature appelaient des changements radicaux dans la marche des sociétés.
C’est la capacité des sociétés à prendre ce grand virage qui pourra éclaircir l’horizon dans le «monde d’après » : des économies localisées et résilientes, enracinées sur leurs continents naturels, la fin des politiques agricoles qui épuisent les sols et les milieux naturels, déséquilibrent les écosystèmes, provoquent le réchauffement climatique et créent les conditions de nouvelles pandémies, la mise à niveau sanitaire de l’ensemble des continents pour endiguer les foyers d’infection partout dans le monde, etc.
La vertu de l’épidémie du coronavirus est d’avoir fait que ces utopies «écolos et tiers-mondistes » deviennent de vrais sujets, y compris dans la bouche du Président de la République : annulation de la dette africaine, solidarité européenne, sobriété carbone… Certes il y a encore loin de la parole aux actes. Mais il faut bien commencer par là.

François Alfonsi