Par François Alfonsi
Les dernières semaines ont été marquées par une recrudescence de l’actualité mafieuse en Corse. La mesure en est faite à travers le nombre des homicides qui sont attribués à des « règlements de comptes », ou à travers des drames abjects comme celui du Lamparo à Aiacciu. L’opinion appelle à des actes et à des résultats.
Au tournant de l’année 2024 et en ce début d’année 2025 déjà quatre meurtres ont été perpétrés. Novembre 2024, à Calenzana, exécution d’André Guerrini, 57 ans, un mois après Massimo Ponchelet (35 ans) assassiné en octobre à l’Ile Rousse. Puis le 20 janvier, toujours à Calenzana, Dominique Colombani, 20 ans. Entretemps Camille Orsoni (51 ans) était abattu le 10 janvier dans le Nebbiu.
La police, nécessairement sur les dents, a récemment annoncé l’arrestation à Francardu, lors d’un contrôle routier, de Laurent Emmanuelli, 34 ans, malfaiteur répertorié comme « chef de bande » dangereux qui se trouvait en Corse alors qu’il était sous le coup d’une interdiction de séjour sur l’île. Un coup d’arrêt ? Ou un nouveau coup d’épée dans l’eau ?
À cet ordinaire des règlements de comptes est venu s’ajouter le 22 décembre, en pleines fêtes de Noël, la tuerie du Lamparo perpétrée par un repris de justice, sorte de parasite psychopathe, consommateur assidu de drogues et d’alcools, causant la mort de Pilou Giorgi et les blessures de six de ses camarades.
Dans ce contexte désastreux, l’opinion s’exaspère et se désespère de la continuelle recrudescence de ces crimes et de l’absence d’efficacité à en prévenir la commission, et pour en arrêter les auteurs.
Cependant, un élément nouveau est intervenu en décembre dernier, révélé par une conférence de presse conjointe des juges français et italiens, celui de l’élucidation surprise du meurtre de Paul Félix Paoli en Plaine Orientale en août 2023. Les enquêteurs sont italiens, et c’est l’auteur du crime lui-même, capomafiosu réputé, qui est passé aux aveux, livrant les noms de ses commanditaires aujourd’hui sous les verrous. Ces aveux circonstanciés, exploitables en justice, ont été obtenus dans le cadre du statut de repenti accordé à cet homme par la justice italienne, en raison de ses témoignages permettant d’envoyer d’autres assassins sous les verrous en échange d’une moindre peine pour ses propres crimes. Comment ne pas apprécier la mine réjouie des magistrats français qui tirent bénéfice des lois italiennes ? Et comment ne pas s’étonner que la loi française s’interdise de tels moyens qui démontrent pourtant leur efficacité ?
Pour les citoyens qui ne supportent plus que la Corse figure sans discontinuer au hit-parade de la criminalité en France et en Europe, la création d’un statut de repenti comparable à celui en vigueur en Italie apporterait beaucoup. La Corse aujourd’hui, c’est 3,5 homicides pour 100.000 habitants tous les ans, quand la moyenne en France s’établit à 1,5 homicide pour 100.000 habitants, et que le département des Bouches du Rhône reste derrière avec 2,9 homicides pour 100.000 habitants. En Corse plus qu’ailleurs les tergiversations de l’État sont dommageables !
C’est en tous cas la demande très claire de l’opinion d’arriver à de telles mesures qui est sur la table, et qui sera débattu par l’Assemblée de Corse lors de sa session de fin février prochain. Avec une telle mesure, finie l’impunité des commanditaires de l’assassinat de Paul Félix Paoli, mais finie aussi, probablement, la cavale éhontée du ponte financier de l’équipe du Petit Bar, Mickaël Ettori, finie les opérations de blanchiment d’argent sale, etc.
Certes chaque repenti, à qui il faut assurer une protection efficace alors qu’il est poursuivi par tout ce que la mafia compte de tueurs, dans et hors les prisons, va générer des coûts importants aux finances publiques tout au long de sa vie. Mais la société ne peut plus payer le prix de l’impuissance sur laquelle la mafia prospère depuis si longtemps.
Car tout se tient : l’impunité alimente la violence meurtrière, et l’absence de résultat judiciaire assure l’impunité qui empoisonne notre société.
De toute façon, si on veut lutter contre l’emprise croissante de la mafia sur l’île, il faut impérativement monter d’un cran les dispositifs répressifs appliqués aux délits d’association mafieuse. Le débat a déjà retenti en ce sens au Sénat, et Paulu Santu Parigi y a apporté sa contribution. La Collectivité de Corse, territoire français le plus touché par le fléau, doit faire entendre sa voix et pousser ainsi vers des réformes sévères. •