La Corse et l’inconnue Macron

Emmanuel Macron a formé son premier gouvernement patchwork. Son Premier Ministre et les ministres des finances et de la dépense publique sont à droite ; un écologiste emblématique, Nicolas Hulot, est nommé ministre de l’environnement et de l’énergie ; les centristes Modem de François Bayrou sont à l’Europe et à la moralisation de la vie publique ; et ses très proches sont à la maîtrise du territoire : Gérard Collomb, ministre de l’Intérieur, et Richard Ferrand en charge de la cohésion territoriale. C’est dans ce giron très proche de lui que sera traitée la question corse.

Gérard Collomb, c’est l’homme des métropoles, l’orientation qui met les grandes conurbations au centre de l’aménagement du territoire, avec Lyon comme laboratoire. Pas vraiment un ami des territoires périphériques et insulaires ! Richard Ferrand c’est le député de la « Bretagne soumise », anti-Bonnets rouges, adversaire historique de Christian Troadec, le maire autonomiste de Carhaix, battu aux municipales dans la ville où bat le « cœur identitaire » breton, mais vainqueur aux législatives dans la circonscription où il sera à nouveau candidat.
Ces profils n’ont rien de très engageants. Un petit espoir tout de même : que Richard Ferrand soit battu dans la circonscription de Christian Troadec, car il ne pourrait alors rester ministre.
Pas très encourageant non plus a été le message électoral d’Emmanuel Macron en Corse. Il y a enfilé les déclarations « bateau » du genre « je veux que la Corse réussisse dans la République ». Il a aussi formulé des réserves remarquées sur la réforme constitutionnelle envisagée par l’Assemblée de Corse en 2014 : « s’il apparaît que le cadre actuel ne permet pas à la Corse de développer ses potentialités, alors nous pourrons envisager d’aller plus loin et de réviser la Constitution », façon polie pour un candidat de repousser la réforme sine die, surtout quand il ajoute que “ce ne sera pas simple”.
Quand à la langue, il a pris l’engagement de ratifier la charte européenne des langues régionales, engagement que François Hollande avait pris avant lui sans jamais le tenir. Et ses déclarations ne sont pas très rassurantes comme ce tweet du 7 avril 2017 : « il y a une langue de la République, le français. Mais la langue corse y a sa place et doit pouvoir être enseignée ». On a connu soutien plus chaleureux !
En fait, la question fondamentale durant ce quinquennat sera la question du peuple corse et de son droit à l’autonomie. Elle ne le sera pas parce qu’Emmanuel Macron a été élu, mais elle le sera parce que les nationalistes corses ont vocation à s’emparer durablement du leadership au sein des institutions de la Corse. Et que leur inscription dans la durée, et l’élargissement de leur socle majoritaire, sera en mesure d’imposer cette thématique au cœur des relations avec la France.
C’est tout l’enjeu du parcours de six mois qui s’ouvre à nous. D’abord les législatives, institutionnellement conçues pour prolonger la victoire de la Présidentielle, quel qu’en ait été le vainqueur. Il faudra reprendre pied dans l’électorat qui nous a « perdu de vue » dans le vacarme qui depuis six mois et la tenue des primaires a monopolisé tout l’espace médiatique. Et faire en sorte d’être présent au second tour, et si possible de faire élire un ou plusieurs d’entre nous. Ce serait la meilleure façon de relancer notre dynamique !
Viendra l’été et l’heure des choix politiques fondamentaux. Le premier d’entre eux sera la constitution de Femu a Corsica comme parti crédible de gouvernement. Les Corses nous accorderont à nouveau leur confiance à condition que nous soyons à la hauteur de nos promesses et de leurs attentes. Retarder et différer encore serait décevoir et prendre un risque certain pour décembre prochain.

François ALFONSI.

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