Démocraties occidentales

Les dangers de la « trumpisation »

Si le Brexit a ouvert le bal, l’élection surprise de Donald Trump a planté le décor : gouvernance-spectacle, discours à l’emporte-pièces, et messages chocs à destination des opinions publiques déboussolées. Avec quelles conséquences ? L’Europe emboîtera-t-elle le pas ? L’année 2017, avec les élections aux Pays Bas (mars), en France (mai et juin) et en Allemagne (septembre), sera lourde de conséquences.

 

La résilience des structures démocratiques américaines est plutôt rassurante. Le décret Trump qui décidait le refoulement arbitraire des ressortissants de sept pays « musulmans » aux frontières est resté pour l’instant lettre morte. Donald Trump subit là, trois semaines seulement après son investiture, un échec retentissant. Il faut dire que le décret signé par Donald Trump avait un côté grandguignolesque, sans autre justification que les humeurs, ou même les intérêts, de Donald Trump en personne. Officiellement, il fallait fermer la porte aux « pays d’où viennent les terroristes », mais la liste promulguée est plus qu’étrange. Ainsi, la patrie d’Oussama Ben Laden en personne, l’Arabie Saoudite, n’est pas visée. On dit que Donald Trump y a d’importants intérêts personnels. Par contre l’Iran, le grand pays du chiisme, ennemi juré du terrorisme sunnite de Daech, est sur la liste contre toute attente. Qu’en sera-t-il des autres décrets, et jusqu’à quand la Maison Blanche donnera-t-elle le spectacle d’un pouvoir désordonné d’inspiration populiste ?

Ce « basculement américain » vers le populisme marque bien la confrontation historique entre deux visions d’avenir pour les démocraties occidentales. Ou bien elles restent inspirées par la volonté d’un leadership mondial éclairé, grâce à leur force économique et au nom des valeurs de la démocratie, ou bien, en « coupant les ponts » avec le reste du monde, elles choisissent de s’isoler au nom de la protection de leurs « intérêts nationaux », en réalité pour tenter de préserver une situation de richesse relative qu’elles sentent menacée. Mais l’histoire économique a déjà montré combien une telle option est illusoire, et même dangereuse.

Donald Trump est l’antithèse de Barack Obama. Mais l’Amérique ne se défera pas pour autant. Les structures démocratiques qui gouvernent l’Amérique ont assez de répondant pour résister aux injonctions du nouveau Président.

Il n’est pas certain qu’il en serait de même en France si l’extrême droite emportait l’élection, car la présidentialisation du pouvoir y est beaucoup plus forte. Or, pour ce qui est de la France, la tournure que prend l’élection présidentielle est très peu rassurante. Les options victorieuses des primaires parmi les forces de droite –François Fillon-, comme de gauche –Benoît Hamon ou Jean Luc Mélenchon-, ont des difficultés à se hisser au deuxième tour, et ils affirment leur euroscepticisme en emboîtant le pas de discours qui pourraient conduire à l’aventure pour l’Europe. Emmanuel Macron s’affirme comme un recours éventuel, mais aucun appareil politique ne le soutient, et ses gains dans les sondages sont fragiles. Tandis que, sondage après sondage, la position de Marine Le Pen s’affirme davantage.

Les forces que mobilisent Marine Le Pen, son homologue hollandais, Geert Wilders, ou l’AfD en Allemagne, ont pour objectif de défaire l’Europe. En Allemagne, la position de l’AfD est moins forte, mais l’Allemagne ne pourrait à elle seule tenir bon et garantir la construction européenne contre les coups de boutoir de « décrets » à la Trump que multiplieraient des chefs d’Etat français ou hollandais devenus incontrôlables.

Que le risque d’une telle hypothèse existe est déjà en soi préoccupant. Durant les trois prochains mois, c’est l’avenir des démocraties occidentales qui connaîtra en Europe une échéance décisive.

François ALFONSI

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