Un italien sur deux a voté pour les partis les plus populistes, aux discours anti-européens, La Lega et Cinque Stelle. Cette déferlante est le signe d’une situation inquiétante, pour l’Italie comme pour l’Europe. Pour comprendre les ressorts de ce vote, il faut avoir à l’esprit le sentiment d’abandon, lié à la crise migratoire, qui explique l’exaspération des électeurs italiens.
Ainsi, avant l’été, l’Italie avait abrité à Taormina en Sicile le sommet de l’OTAN, le premier de Donald Trump nouvellement élu. L’ordre du jour en était le terrorisme, mais l’Italie, bénéficiant du privilège du pays d’accueil, avait tenu à mettre à l’ordre du jour la question des migrants en Méditerranée, qui, pour la plupart, accostent sur les côtes italiennes.
Paolo Gentiloni était alors premier ministre, ayant pris la succession de Matteo Renzi. Alors qu’il prenait la parole pour aborder cette question centrale pour son pays qui est au bord de l’épuisement face aux vagues migratoires, on a assisté à une scène diplomatique d’une violence inédite. Paolo Gentiloni parlait dans le vide, Donald Trump déposant même ses écouteurs dès les premiers mots de son discours, alors qu’il ne comprend pas l’italien. De la sorte il signifiait à toute l’Italie qu’il n’avait strictement rien à faire des difficultés qu’elle traversait en raison de la crise migratoire.
Quant aux collègues de Paolo Gentiloni, les chefs d’Etat de l’Union européenne, du Nord, du Sud comme de l’Est, ils l’ont laissé seul et se sont bien gardé de prendre des positions à la hauteur des enjeux. La tentative de la Commission européenne pour répartir au moins une partie des migrants dans toute l’Europe s’est heurtée de plein fouet à l’égoïsme des Etats, et pas seulement ceux que l’on montre fréquemment du doigt, Hongrie, Pologne ou Slovaquie. On a « traité » avec la Turquie d’Erdogan à coup de milliards d’euros pour contenir sur son territoire les migrants venus de Syrie dont l’Allemagne est l’Eldorado. C’est sans doute ce qui a sauvé l’élection d’Angela Merkel. Personne n’a rien fait pour l’Italie.
Notamment, les verrous placés à la frontière française ont été délibérément hermétiques, comme à Vintimiglia et dans la vallée de la Roya où tout a été fait pour criminaliser ceux qui apportent une aide humanitaire aux migrants. Plus au nord, les images de quelques cohortes de pauvres hères traversant les Alpes par les hauts chemins de randonnée déjà enneigés pour essayer de rejoindre la région de Briançon montraient une évidence : la très grande majorité des migrants qui arrivent en Europe le font via l’Italie, et tous ou presque y restent coincés comme dans une cocotte-minute. Aucune soupape n’a jamais fonctionné. Ce week-end, dans les urnes d’Italie, la cocotte minute a explosé !
La droite institutionnelle, arrimée à l’image décadente de Silvio Berlusconi, est sortie du scrutin très affaiblie, comme en France neuf mois auparavant quand elle s’était placée sous la bannière de François Fillon. La gauche de gouvernement, impuissante et décriée à l’image de son leader Matteo Renzi, a fait le plus mauvais score de son histoire. A eux deux, même s’ils réussissaient une union « à l’allemande », ils n’arriveraient pas à une majorité suffisante pour gouverner !
Les populistes peuvent-ils être une alternative de gouvernement ? Il faudrait pour cela que Lega et 5Stelle passent une alliance. Or ces formations-champignons ont une incapacité congénitale à s’entendre. La seule chose qui les unit, au delà de leurs discours anti-immigration, c’est leur credo anti-européen. Mais, Marine Le Pen en a fait l’expérience, dès l’instant que la menace sur l’Europe va trop loin, leur électorat se réduit rapidement comme une peau de chagrin. Faute de solution pour former un gouvernement, les italiens pourraient alors retourner aux urnes, ce qui serait l’occasion pour eux, après avoir « dégagé » leur classe dirigeante impotente, de construire une vie politique renouvelée.
En Italie, le peuple a utilisé le vote populiste pour faire entendre sa colère, mais probablement pas pour confier les rênes du pays à l’aventurisme idéologique. L’Europe a-t-elle encore la capacité de l’entendre ? Et d’agir en faisant face aux problèmes de l’Italie, crise économique et crise migratoire, sans faux semblants ?
Pour l’Europe, le résultat des élections italiennes sonne l’heure de vérité.
François Alfonsi.