Qui peut dire « avant c’était mieux » ?

La victoire de décembre 2015 a révolutionné la vie politique en Corse. Plus rien n’y sera comme avant. En fait la question qui est posée aux Corses, au moment d’aller voter, est simple : pensez-vous « qu’avant c’était mieux » ?

Avant, c’était il y a cinquante ans, avant qu’Aleria ne sonne enfin le réveil du peuple corse, et le « riacquistu » d’un peuple qui, sinon, serait tombé dans l’oubli. Avant, c’était il y a quarante ans, quand les jeunes Corses prenaient tous le chemin du continent pour pouvoir y poursuivre leurs études, et, le plus souvent, y construire leur vie dans l’exil. Avant, c’était il y a trente ans, quand un jeune Corse parmi les plus émérites, Jean Baptiste Acquaviva, mourrait abattu alors qu’il luttait dans les rangs de la clandestinité. Avant, c’était il y a vingt ans, quand la Corse finissait de traverser les « années de plomb » d’affrontements fratricides. Avant c’était il y a dix ans, quand l’économie s’enfonçait dans la crise d’une île régulièrement montrée du doigt pour ses transports maritimes au bord de l’implosion. Avant, c’était il y a cinq ans, quand les excès de la classe politique ont basculé sur le terrain judiciaire, avec de lourdes condamnations à la clef. Avant c’était il y a six mois, quand un élu du clan, pour tenter d’assurer son élection, s’est permis de multiplier les emplois clientélistes au sein du Conseil Départemental qu’il préside encore pour deux semaines.
Qui pourra dire, au soir des 3 et 10 décembre prochains, en mettant son bulletin dans l’urne, « avant c’était mieux » ? S’il est une raison objective de croire à la victoire de la majorité nationaliste sortante, c’est évidemment celle-là : depuis deux ans la Corse respire enfin !
Certes, tout reste à faire, et tout reste à concrétiser car l’espace de temps depuis la dernière élection n’a pas permis de matérialiser des réalisations suffisamment accomplies.
Mais qui veut revenir aux errements d’antan ?
Qui veut mettre le « riacquistu » aux oubliettes, en rejetant la co-officialité, car, disent-ils, « c’est anticonstitutionnel, il ne faut pas rêver », ce qui revient à accepter de cantonner pour toujours la langue et la culture corses à un rôle marginal jusqu’à ce qu’elle finisse par disparaître ?
Qui veut renoncer à la paix qui s’est construite depuis la fin de la clandestinité en juin 2014 ? Qui voudrait qu’un ou de nombreux autres Jean Baptiste Acquaviva perdent à nouveau leurs jeunes vies au nom de la dignité bafouée de leur peuple ?
Qui veut du droit commun et de la « normalité jacobine » pour notre île que le centralisme étouffe depuis deux siècles, alors que son économie commence à peine à sortir de l’assistance généralisée grâce à une génération de jeunes entrepreneurs qui croient en l’avenir de leur pays ?
Qui veut revenir aux errements du clanisme, argent public confisqué, et même détourné, capacité d’investissement obérée par les choix clientélistes pour multiplier les emplois publics, priorités données aux projets politiciens sans aucune cohérence politique de long terme ?
Qui veut renoncer au Padduc, et donc à un cadre garantissant l’avenir stratégique de la Corse, pour ses espaces agricoles comme pour ses espaces remarquables qui sont garants de son avenir économique, notamment touristique ?
Qui veut continuer de tourner le dos à la Méditerranée et à l’Europe et nous enfermer ad vitam aeternam dans le tête à tête et la dépendance avec Paris ?
La classe politique traditionnelle qui s’oppose à nous n’est pas seulement en panne de nouveau leader. Elle est en panne de projet politique. Quel renouveau peut-elle faire espérer alors qu’elle s’accroche à un passé révolu, au point de faire de « l’union sacrée » contre les nationalistes l’alpha et l’oméga de sa démarche politique pour les prochaines élections ?
Les 3 et 10 décembre prochains, seule la liste Pè a Corsica conduite par Gilles Simeoni représentera un espoir d’avenir pour le peuple corse.


François ALFONSI.

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