Chiffres INSEE

Économie corse en berne

Dans son courrier opposant une fin de non-recevoir au plan Salvezza élaboré en lien avec les acteurs économiques et voté par l’Assemblée de Corse, parlant des indicateurs économiques de la Corse, le Président de la République a écrit «qu’ils témoignent d’améliorations du paysage économique encourageantes (…) tout cela nous laisse à penser que les dispositifs mis en place commencent à porter leurs fruits». La publication cette semaine par l’INSEE de sa note de conjoncture trimestrielle est venue lui apporter un démenti cinglant, même si les fonctionnaires du Ministère ont beaucoup fait pour essayer d’en limiter la portée.

 

Cette note fait état des résultats économiques du troisième trimestre 2020, juillet-août-septembre, lors de l’éclaircie économique permise par la fin du premier confinement en juin, suivi d’une reprise progressive en juillet, jusqu’aux mesures annonciatrices du second confinement, quand les premières liaisons internationales ont été supprimées vers le 20 septembre.

Tous les indicateurs sont au rouge. On peut énumérer:

«Sur un an, l’emploi insulaire paye le prix fort de la crise sanitaire, il diminue de 2,3% alors que la baisse est trois fois moindre (-0,8%) au plan national.»

«Fin juillet, 5,5% des salariés insulaires sont toujours en activité partielle, (…). Ils sont moins nombreux le mois suivant (3,4% en août et septembre). La Corse reste néanmoins parmi les régions les plus concernées par ce dispositif d’aide aux entreprises (2,6% en moyenne nationale en septembre)»

«Sur un an, le nombre de demandeurs d’emploi augmente trois fois plus vite sur l’île (+14,7%) qu’au niveau France entière (+4,4%).»

«Le niveau d’activité peut aussi être estimé à partir du nombre d’heures de travail rémunérées et déclarées par les employeurs du secteur privé (…) 11,4% d’heures en moins. La Corse reste la plus pénalisée sur ce critère malgré la reprise.»

«Sur un an, par rapport au 3e trimestre 2019, le transport maritime de fret régresse de -10,1%.»

«Même au mois d’août, le nombre de passagers reste très en deçà de son niveau habituel (-18,8% par rapport à août 2019).»

«(pour la seconde vague) la Corse demeurerait la région la plus impactée de France (en raison) du poids important dans l’économie régionale des activités présentant les plus fortes baisses telles que l’hébergement-restauration et le transport-entreposage.»

Le titre choisi par les auteurs pour présenter ces chiffres est «Une courte amélioration entre deux vagues». Mais ils auraient dû en choisir un autre, du genre «Conséquences économiques aggravées pour la Corse» tant les statistiques étudiées, activité économique, emploi, transports, montrent un impact grosso modo deux fois supérieur de la crise dans l’île par rapport à la moyenne enregistrée pour la France entière.

Mais l’inclinaison de l’INSEE, dont on ne peut oublier qu’il dépend directement du Ministère des Finances, a été d’essayer de peindre en rose ce bilan.

Pour cela un artifice est utilisé qui consiste à comparer le troisième trimestre avec le trimestre précédent, ce qui, compte tenu du caractère touristique de l’économie insulaire, est une comparaison non pertinente, car, bien évidemment, même en année normale, tous ces indicateurs (emplois créés, heures travaillées, fret et passagers transportés), augmentent beaucoup plus fortement en Corse que sur le continent entre avril et août.

Le tour de passe-passe de l’INSEE, appliqué par exemple à la statistique du chômage, s’exprime ainsi: «Au troisième trimestre, (…) la reprise de l’emploi est bien plus marquée sur l’île (+4,4%) qu’en France (+1,6%)» et plus loin «cependant, sur un an, il diminue de 2,3% quand la baisse est trois fois moindre (-0,8%) au niveau national.» Et les rédacteurs de choisir comme titre au paragraphe: «Rebond de l’emploi en période estivale». La même méthode du «titre en rose» est appliquée aux différents thèmes: «redressement des créations d’entreprises», «moindre recours au chômage partiel», jusqu’à écrire en titre «Les demandeurs d’emploi moins nombreux au troisième trimestre», ce qui, dans une économie touristique est toujours le cas, par nature, Covid ou pas, par rapport au second trimestre. Et cela alors que les chiffres annuels indiquent «que le nombre de demandeurs d’emploi, sur un an, augmente trois fois plus vite sur l’île qu’au niveau France entière» soit l’exact contraire du titre choisi.

Mais, quels que soient les efforts de l’INSEE pour peindre la réalité en rose, telle que la veut Emmanuel Macron, la réalité économique est établie et n’a rien à voir avec «les améliorations encourageantes» décrétées par le Chef de l’État dans son courrier à Gilles Simeoni. •