Juin 2021

Élections confirmées

Par François Alfonsi
Il reste deux mois pour faire campagne, pour ajuster les programmes et, avant cela, pour finaliser le paysage politique et les listes entre lesquelles les électeurs devront effectuer leur choix. Sur la ligne de départ, deux leaders : Gilles Simeoni, pour ceux qui veulent obtenir pour le peuple corse une autonomie de plein droit et de plein exercice ; et Laurent Marcangeli, pour ceux qui veulent rétablir la Corse du droit commun hexagonal. Sur la ligne d’arrivée, au soir du second tour, le 20 juin prochain, la victoire se jouera entre ces mêmes deux têtes de liste. D’ici là, bien des scenarios sont possibles. Il faudra trancher très rapidement et lancer aussitôt la campagne.

 

La fenêtre historique ouverte par la victoire nationaliste de 2015, prolongée en 2017, doit être poursuivie. Quand on reviendra sur cette campagne électorale 2021 avec le recul du temps long, on en mesurera mieux alors les enjeux historiques. Pour l’heure, ils restent encore assourdis par la routine du quotidien et par la camisole du Covid-19 qui emprisonne la société. Pourtant ces élections décideront de la gouvernance de la Corse pour les six prochaines années, voire sept, une période longue qui peut consolider la démarche historique de l’autonomie, ou bien l’interrompre pour longtemps. C’est tout l’enjeu de ce scrutin qui, in fine, opposera Laurent Marcangeli à Gilles Simeoni.

Avant d’arriver à cette configuration de second tour, il y aura un premier tour. Quel en sera le profil pour les nationalistes ? Plusieurs listes au premier tour appelées à fusionner ensuite, en tout ou en partie, comme en 2015 ? Ou bien une liste très majoritaire au premier tour, remportant ensuite, seule, une large majorité d’élus au second tour, comme en 2017 ? Ou autrement ? Ce sera aux partis politiques d’en décider.

Ils sont quatre, Femu a Corsica, PNC, Corsica Lìbera et Core in Fronte, chacun avec des leaders bien identifiés. Une seule liste est improbable, quatre listes sont possibles. Il reviendra de toutes façons aux électeurs du premier tour d’effectuer une « primaire », et à chacun de s’y conformer.

En face, le camp des opposants est mieux structuré que lors des deux précédents scrutins qui avaient précipité sa déroute. Il dispose désormais d’un leader, Laurent Marcangeli, d’ores et déjà investi par la droite insulaire, adoubé par l’Élysée, et ouvertement appuyé par le Préfet qui a jeté à l’encan le principe même de la neutralité de l’État. Armé des centaines de millions du PEI nouvelle mouture, baptisée PTIC, il soutient ouvertement son favori.

Mais leur position apparaît friable. Laurent Marcangeli peine à rayonner hors de la région ajaccienne, et ses colistiers potentiels n’apparaissent pas comme des leaders d’opinion. Depuis les municipales, plusieurs fiefs électoraux de la droite sont tombés, comme à Biguglia ou Portivechju. Il lui faudra toute la force de l’engagement de l’État pour améliorer son potentiel auprès des élus des communes et des intercommunalités. Mais, dans le même temps, ce soutien peut devenir un boulet car il fédèrera bien des électeurs contre lui.

D’autant qu’à la partialité affichée de l’État-Macron, Gilles Simeoni peut opposer l’impartialité des règlements adoptés par l’Assemblée de Corse, pour l’aide aux communes notamment, et aussi dans les autres secteurs des activités subventionnées : sport, jeunesse, action sociale… Le cadre défini est souvent ardu et il aurait mérité d’être mieux expliqué à ceux qui en sont les bénéficiaires potentiels. Mais il existe, et ceux qui ont un minimum de bonne foi se doivent de l’admettre : tous les projets sont éligibles, qui que ce soit qui les porte.

D’autres acteurs du premier tour chercheront à se positionner, à commencer par le représentant officiel de la Macronie en Corse, Jean-Charles Orsucci. Mais il reste bien isolé derrière ses remparts de Bonifaziu. La vieille garde radicale de gauche a choisi Émile Zuccarelli pour tenter de ressusciter. Autant dire qu’elle ne sera pas bien flambante au rendez-vous de juin prochain. Socialistes ou communistes n’étaient déjà pas grand-chose en Corse alors qu’ils étaient au plus haut niveau en France. Devenus pas grand-chose sur le continent, ils sont marginalisés désormais en Corse. Même si ce paysage émietté se réunissait au second tour, comment trouverait-il sa légitimité ? La nette défaite de « l’union anti-Simeoni » aux municipales de Bastia est l’illustration de cette difficulté.

Une nouvelle victoire est donc largement possible pour les nationalistes. Mais ils doivent présenter au peuple corse des ambitions régénérées, pour la langue et la culture, pour le développement économique, pour la lutte contre la spéculation et les dérives mafieuses, pour résoudre les grands problèmes d’environnement, etc.

Quels sont les ingrédients de cette nouvelle dynamique ? À Femu a Corsica de les rassembler autour de Gilles Simeoni, et de les faire partager par le plus grand nombre. •