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En Italie, l’Europe joue gros !

La large victoire aux élections italiennes du 4 mars 2018 des deux «mouvements anti-système », le Mouvement 5 étoiles arrivé en tête avec 32% des voix, et la Lega, classée à l’extrême droite, majoritaire avec 17,5% des voix au sein de la coalition de droite, a conduit l’Italie à un gouvernement totalement inédit. Après la Grèce et le Portugal, l’Italie est le troisième pays de l’Union Européenne à balayer de fond en comble sa classe politique.

 

 

En 2015 à Athènes, l’arrivée au pouvoir de Syriza, classée d’extrême gauche et antieuropéenne, avait affolé les marchés face à une Grèce en état de cessation des paiements. Mais la farouche campagne anti-européenne d’Alexis Tzipras a rapidement fait place au compromis, en contrepartie de l’enveloppe de près de 300 milliards allouée à la Grèce pour qu’elle puisse faire face à sa dette et continuer au sein de la zone euro. Trois ans plus tard, la Grèce semble pouvoir sortir du trou où son ancienne classe politique, probablement la plus incompétente d’Europe, l’avait plongée.

Moins connu est le cas du Portugal, autre sociétaire du club des « PIGS », Portugal, Italie, Grèce et Espagne, les Etats de la zone euro montrés du doigt lors de la crise de 2008 pour leurs mauvais résultats économiques.

En 2015, c’est un gouvernement d’alliance entre les socialistes et la « gauche radicale » qui a balayé des prédécesseurs aux bilans sociaux désastreux pour les couches populaires.

Leur politique a pris le contrepied des « canons économiques » de l’Union Européenne (augmentation des bas salaires), et les résultats très positifs affichés par le Portugal dès 2017 ont surpris tout le monde en Europe.

L’Italie à son tour a balayé la classe politique qui jusqu’à présent se partageait le pouvoir, de Silvio Berlusconi à Matteo Renzi. Certes, la majorité étrange constituée par un mouvement classé à l’extrême droite et une force politique spontanéiste surgie d’Internet au début de la décennie désoriente encore plus que les discours d’extrême gauche d’Alexis Tzipras ou des alliés d’Antonio Costa à Lisbonne.

Car, dans la politique italienne, la question économique et sociale n’est pas seule en question. L’abandon de l’Italie par l’Europe face à une immigration non maîtrisée arrivée sur ses côtes est venu apporter à la campagne les dérives inquiétantes de discours aux relents xénophobes.

Les vainqueurs du scrutin italien n’avaient rien pour s’entendre, si ce n’est la bonne vieille loi politique qui veut que jamais on ne souhaite le retour d’élections alors qu’on vient de les gagner. Aussi, tous les obstacles sont tombés lors des interminables négociations : neutralisation du poste de premier ministre à travers un illustre inconnu et entrée au gouvernement des deux leaders rivaux, Luigi Di Maio et Matteo Salvini à des postes-clefs ; accord sur un programme de relance économique par le soutien à la consommation (création d’un revenu universel, baisse des impôts), à l’image du Portugal et à l’opposé de l’orthodoxie prônée par Bruxelles ; mise en cause de l’Europe en général, et de la France en particulier accusée de reproduire à Vintimiglia la même situation qu’à Calais, sur la question de l’immigration.

Ces points d’accord ont écarté les questions les plus polémiques que pourtant les deux programmes défendaient, comme la sortie de l’euro. Très certainement le durcissement annoncé sur la question de l’immigration fera de nombreuses victimes parmi des populations aux parcours de vie déjà épouvantables. Mais, paradoxalement, malgré des discours caricaturaux, et face à des flux plus nombreux, la société italienne se montre bien plus charitable, y compris dans les villes dominées par la Lega, que la bien-pensance de tant de municipalités françaises, y compris socialiste comme à Paris.

En tous les cas l’Europe doit faire face à un nouveau défi. Car financer le redressement de la Grèce était déjà très difficile. Si l’Italie bascule à son tour, en proportion de son poids économique, le fardeau serait huit fois plus lourd. Autant dire qu’il serait insupportable pour une construction européenne déstabilisée par le Brexit et fragilisée par la crise.

En Italie, ces prochaines années, l’Europe joue gros.

François Alfonsi.

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