Cap'artìculu

Giuventù corsa : L’avvene sì tù !

Par François Alfonsi

 

 

Aucun peuple ne peut parler d’avenir sans parler de sa jeunesse. Chaque génération nouvelle est porteuse de son propre destin collectif. Elle se réapproprie le récit national de la Corse, et elle en renouvelle les codes et les repères.

La mémoire vivante du peuple corse remonte à la seconde guerre mondiale, qui fut le cadre de la jeunesse de ceux qui sont aujourd’hui centenaires. Pour ceux-là, la gloire de la libération du fascisme, et les plaies de l’occupation, ont mis sous le boisseau la revendication historique corse. Les faits d’armes de la résistance insulaire ont forgé un idéal mélangé de fierté corse et de reconnaissance envers les libérateurs. Parti communiste et mouvement gaulliste furent les forces politiques qui, durant vingt ans et plus, ont hérité de cette histoire.

Ceux qui sont nés après-guerre ont subi la saignée de l’exil qui était la perspective majeure pour s’assurer un destin économiquement soutenable. Restés vivre sur l’île, ils ont subi la fatalité du déclin démographique, et les autres ont atténué les souffrances de leur exil au sein d’une diaspora unie comme jamais à la terre-mère où étaient ancrés tous leurs souvenirs d’enfance. Parmi cette génération, l’identité corse était une évidence car tous parlaient corse, et leurs fréquentes retrouvailles dans les amicales entre Corses venus de toutes les pieve leur faisaient prendre conscience de l’unité du peuple corse. Dans ce milieu chaleureux et uni, mais déraciné et privé de perspectives pour un avenir collectif, ils ont fait entendre les premiers chants du renouveau culturel avec Carlu Rocchi, les frères Vincenti, le tout jeune alors Antone Ciosi, Maryse Nicolai, ou encore Tino Rossi dont on ne peut oublier qu’il fut avec Antoine Bonelli le premier à porter des chants en langue corse sur les plus grandes scènes internationales.

Leurs successeurs ont rencontré mai 68 et beaucoup des premiers dirigeants du Riacquistu en sont aussi les enfants, souvent considérés « de gauche ». Le contraste avec les mouvements protestataires plus ancrés sur le territoire insulaire et réputés plus « à droite » alimente le récit de cette époque, jusqu’à ce que surgisse un événement majeur à Aleria, un soir d’août 1975.

La génération de ceux qui étaient alors de jeunes adolescents devenus adultes au tournant des années 80, s’est jetée avec passion dans le combat nationaliste. Combien de jeunes de cette génération ont arpenté les scènes culturelles, rejoint les organisations politiques, investi la toute jeune Université de Corse, manifesté sans cesse, ou encore ont porté haut a nostra bandera dans tous les stades ? Des milliers, des milliers et des milliers. Ils ont été la sève d’où est surgi un irrésistible sentiment national qui a conduit à l’effondrement des clans et à une situation politique totalement nouvelle.

Aussi, pour leurs enfants, être nationaliste a été vécu presque comme une évidence. Chaque combat électoral nouveau, à compter de 2015, a affirmé cette prééminence idéologique, jusqu’à faire du vote nationaliste, dans presque chaque quartier et dans presque chaque village, un vote majoritaire.

Quelle place prendra la génération nouvelle dans notre récit historique ? Il lui appartiendra d’en décider, dans le contexte nouveau qui sera le sien. Arritti n’a pas la prétention d’écrire une histoire qui n’est pas encore faite. Mais nous avons voulu être à leur écoute, et, en les faisant s’exprimer par eux-mêmes, les aider à y réfléchir collectivement.

Merci à ceux d’entre eux qui nous ont accordé leur intérêt. Et bonne lecture à tous ceux qui s’interrogent sur l’avenir de notre peuple. •