Google, Amazon, Facebook, Apple : le quatuor mondialement leader de l’économie numérique résume par son anagramme « GAFA » la domination américaine sur le monde grâce à la nouvelle donne économique créée par internet. Résister à cette domination est vital pour le modèle économique et social de l’Europe. Margrethe Vestager, Commissaire Européenne danoise, mène ce combat avec une énergie farouche.
Car la liste est encore beaucoup plus longue, Microsoft, Uber, Booking, Paypal, et tant d’autres, qui, chaque fois que vous recourez à leurs services, rapatrient de substantielles commissions vers les USA. A été ainsi structuré, grâce à internet, un empire économique qui fait converger des « royalties » fabuleuses dans les caisses de sociétés américaines, le plus souvent californiennes. Et elles génèrent les impôts correspondants dans les caisses du Trésor américain, contribuant ainsi à l’omnipuissance des USA.
Comme l’Europe représente 25% du PIB mondial, autant que les USA eux-mêmes, ces sociétés font en proportion grosso modo équivalente leurs chiffres d’affaires sur le marché européen. Elles devraient donc s’acquitter des impôts correspondants auprès des Etats européens où leur activité prospère. Ce qu’elles ne font pas, et c’est ainsi que Mme Vestager a déjà infligé 13 milliards d’euros de redressement à Apple après avoir démontré que la multinationale ne payait aucun impôt sur 60% de son chiffres d’affaires européen. De quoi faire économiser, en un seul dossier, 100 € d’impôts par ménage européen !
Google, de son côté s’est vu infliger deux amendes elles aussi astronomiques : la première, 2,4 milliards d’euros, pour avoir abusé de la position dominante de son moteur de recherche pour favoriser ses propres produits au détriment de ses concurrents, notamment européens ; et, ces jours-ci une seconde amende de 4,3 milliards d’euros, à nouveau pour abus de position dominante, cette fois à propos des applications Android sur les smartphones.
Amazon en a déjà eu pour 250 M€ pour dissimulation fiscale au Luxembourg, et la « Tax Lady » comme elle est surnommée aux USA n’a pas fini de faire souffrir les multinationales américaines, au grand dam de Donald Trump.
Le Président américain, qui vient de lancer une guerre économique par la taxation de certains produits de l’UE, ne cache pas qu’il veut faire céder l’Europe de Mme Vestager. Car, avant elle, jamais un Commissaire européen n’avait osé infliger de telles amendes. Seul Mario Monti avait épinglé Microsoft, qui refusait l’accès libre de son portail Windows à ses concurrents, d’une amende de 500 M€, dix fois moins que le niveau des sanctions infligées par celle qui lui succède aujourd’hui. Amende que Microsoft a préféré payer, tout en cessant ses pratiques délictueuses.
Pourquoi les GAFA seront-elles obligées de céder à Mme Vestager, après avoir épuisé tous les recours des procédures d’appel ? Tout simplement parce que l’Europe peut leur interdire l’accès au marché européen s’ils refusent de payer, leur faisant perdre ainsi une très grande part de leur chiffre d’affaires. Sans compter qu’un tel marché ne resterait pas longtemps sans des prestataires nouveaux, et que les concurrents qui se seraient ainsi développé seront un danger pour eux sur d’autres marchés qu’il faudra alors partager, Afrique, Pacifique, Amérique du Sud, etc… Tous comptes faits, les GAFA constatent qu’elles ne peuvent échapper à une amende infligée par l’Europe entière, alors qu’elles auraient été tout à fait en mesure de le faire pour chaque pays séparément. L’enjeu au final est colossal de milliards d’impôts qui resteront dans les caisses publiques de l’Europe au lieu de profiter au Trésor américain ou aux actionnaires richissimes des GAFA.
A ce dossier emblématique pour l’Europe, Mme Vestager, femme politique danoise, apporte une touche personnelle fort sympathique à observer. Son calme scandinave, son profil « luthérien » intransigeant et simple, et son habitude de sortir son tricot lors des interminables réunions d’experts, ont fait forte impression.
Il serait même possible qu’elle remplace Jean Claude Juncker à la tête de la Commission. Ce serait vraiment une bonne nouvelle pour l’avenir de l’Union Européenne !
François Alfonsi.