La question des prisonniers politiques a mobilisé très largement samedi 24 septembre dans les rues d’Aiacciu. Au-delà des querelles stériles entre police et organisateurs, la barre des cinq mille manifestants a été largement franchie, et, au plus fort du cortège, 7 à 8.000 personnes étaient au coude à coude pour réclamer l’engagement d’un processus de règlement politique sur cette question qui est centrale pour consolider le processus de paix qui est celui de la Corse depuis juin 2014, et l’annonce par le FLNC de sa décision de renoncer à la violence clandestine.
Nul doute que l’État a senti cette vague monter. Dans les quelques jours qui ont précédé la mobilisation, des libérations, qui auraient dû intervenir il y a déjà plusieurs mois, ont été rendues effectives. Non sans qu’il n’y ait des va et vient significatifs des hésitations au sommet de l’État, entre la ligne « dure » du parquet anti-terroriste, et un courant sans doute plus ouvert au dialogue. En manifestant massivement dans le plus grand calme, le peuple corse a fragilisé les tenants de la ligne dure, et sans doute permis de débloquer certains dossiers. Jusqu’à présent, l’État a ajouté la répression pénitentiaire à la répression judiciaire pour durcir à sa guise les peines endurées par les militants corses condamnés. Le procédé est anti-démocratique, et il heurte la notion même d’État de droit. Pour ces juges et procureurs zélés, il sera moins facile désormais d’agir. Ils ne sont plus à l’abri des regards, et ils doivent rendre des comptes car les Corses estiment que l’enjeu de la paix sur l’île est trop important. Où peuvent mener ces comportements revanchards si ce n’est à un retour à la violence ? Et si c’était en fait le but recherché ? Car, au plan politique, rien ne bouge, dans la suite des propos insensés de Manuel Valls affirmant « qu’il n’y a pas de prisonniers politiques corses ». Qu’on les aime ou pas, comment peut-on nier qu’ils existent ? Que signifie une telle posture, dans le déni total d’une réalité à l’évidence manifeste ? Il faut donc continuer la mobilisation et pousser cette logique de l’État dans ses retranchements. Il ne pourra pas tenir cette position sur le long terme s’il est obligé d’agir en pleine lumière. Et une manifestation aussi massive, avec l’ensemble de l’Exécutif et des élus de l’Assemblée de Corse formant un rang compact immédiatement après les familles qui ouvraient le cortège, c’est un coup de boutoir décisif pour que les choses bougent enfin. Il en faudra d’autres, très certainement, mais celuilà est essentiel car il apporte des démonstrations capitales. Première démonstration : sur cette question, l’ensemble des partisans de l’État en Corse est égal à l’ensemble vide ! Plus une seule voix pour approuver l’attitude du pouvoir dans ce dossier, pas même les plus acharnés qui jusque-là n’avaient jamais ménagé leurs interventions. Leur isolement est tel qu’ils ne trouvent plus aucun espace pour intervenir. Deuxième démonstration : les nationalistes ne sont pas isolés, bien au contraire. Outre la foule rassemblée à l’appel de Sulidarità, des personnalités en vue ont joint le cortège, y compris des élus non nationalistes comme Jean Charles Orsucci, Alexandre Sàrrola, Jean Baptiste Luccioni. Un début de soutien se fait entendre de l’autre côté de la Méditerranée avec les prises de position de José Bové et Christian Troadec qui ont communiqué un soutien sans ambiguïté. Tous ceux qui se mobilisent ont une même préoccupation : faire en sorte que le processus de paix engagé sur l’île devienne une réalité définitive. Au terme de cette démarche il devra y avoir une amnistie, inscrite dans une relation refondée entre la Corse et l’État, avec la reconnaissance du peuple corse et la définition d’un statut d’autonomie adapté aux attentes et aux contraintes de la situation particulière de la Corse. On connaît donc l’objectif. On sait que le chemin sera encore long à parcourir et que la capacité du mouvement nationaliste, particulièrement Femu a Corsica, à se structurer rapidement et à s’élargir sera essentielle pour y parvenir. À pòpulu fattu, bisogn’à marchjà !