Ceux qui ont espéré que la crise économique et sanitaire que traverse le monde ne serait qu’une parenthèse, et que la vie normale reprendrait son cours une fois le déconfinement terminé, réalisent qu’il n’en est rien, et qu’il n’en sera rien avant longtemps. Pour l’économie, le pic de la crise est devant nous, et non derrière.
Certes, le grand trou d’air a eu lieu ce printemps, quand l’activité économique est restée trois mois pleins à l’arrêt presque total. Mais il n’a été ressenti que partiellement tant les « amortisseurs » ont été nombreux, puissants et immédiats, avec trois mesures principales : chômage partiel prenant en charge les salariés et évitant des licenciements en masse, allocations d’un Fonds de Solidarité d’État pour les indépendants sauvant entreprises, commerces et exploitations agricoles ou libérales de la fermeture, octroi d’un prêt garanti à 90 % par l’État couvrant les besoins immédiats des entreprises privées de ressources.
Mais l’activité qui s’est partiellement réanimée ces dernières semaines est bien loin de revenir à son niveau antérieur. Or il faudrait non seulement revenir au niveau antérieur, mais tabler aussi sur un rebond sensible pour générer assez de ressources pour rembourser les sommes mises en jeu durant les derniers mois. Et particulièrement tous les PGE (Prêt Garanti par l’État) qui se chiffrent en centaines de milliards au total, notamment au profit de certaines grandes entreprises comme Air France, Airbus ou Renault.
Or, tout se tient. Si les vols aériens ne reprennent pas, ou ne se remplissent pas suffisamment, les compagnies aériennes continueront à battre de l’aile, le carnet de commandes d’Airbus ne suffira plus à maintenir l’ensemble de ses sites de production, et la baisse de niveau de vie de ceux qui perdront leur emploi fera reculer le marché automobile. Ces conséquences cumulées sur la chaîne de production mettront alors une majorité d’entreprises dans l’incapacité de rembourser le prêt garanti par l’État, ce qui induira une crise des finances publiques par ailleurs submergées par les besoins en accompagnement social de ceux que le chômage frappera, et un krach général sera alors à craindre.
Or la reprise est plus qu’hésitante, et l’économie est loin d’avoir retrouvé son rythme d’avant. Une fois dissipés les premiers effets du déconfinement, l’activité reste à un niveau très inférieur à celui qui était espéré.
La première cause en est que le virus circule encore. Même si le feu épidémique est sous contrôle en Europe, des cas n’arrêtent pas de se déclarer ici ou là, chaque fois qu’un certain brassage de population fait suite à une relance économique. Les envies de voyager ou de se donner des bols d’air et de liberté font place désormais à une inquiétude sourde : et si le risque était réel de revenir atteints à son tour, après avoir été infectés loin de chez soi ? Le tourisme en est atteint, et chez les personnes un peu plus âgées, qui forment le cœur de la fréquentation touristique en septembre ou octobre, cette crainte est dissuasive.
Une autre raison est qu’ailleurs qu’en Europe l’épidémie reste très active, aux USA notamment. Or c’est le premier marché mondial qui se trouve ainsi frappé économiquement, ce qui rejaillit sur l’économie européenne aussi. Pour qu’un plan de relance comme celui que vient de lancer l’Europe avec un niveau d’ambition important fonctionne, encore faut-il que les conditions de la relance soient réunies. Tant que les USA, et l’Amérique en général, seront sous la pression maximum du virus, cela ne sera pas le cas.
Ce climat d’incertitude pèse dans tous les esprits, et, dès le mois d’août passé, une fois que le tarissement, faute de finances disponibles suffisantes, des mesures exceptionnelles de soutien allouées par l’État commencera à se faire sentir, la crise économique risque fort de repartir de façon sensible, alors que l’on ne sait si l’on sera vraiment rassurés sur les évolutions de la crise sanitaire.
Cette période d’incertitude qui s’annonce est peu propice à toute relance. La certitude d’en avoir enfin fini avec le virus Covid-19 ne sera acquise qu’à partir du moment qu’un vaccin sera disponible pour immuniser la population mondiale de façon suffisamment massive. Il faudra encore des mois pour que cela soit le cas.
Et entretemps, la crise va devenir chaque jour plus forte. Le recul du PIB européen pourrait alors aller au delà des prévisions pourtant déjà bien sombres. Pas sûr que le plan de relance décidé au niveau européen soit alors suffisant pour y faire face.