Une conférence de presse virtuelle a eu lieu filmant, et postant sur internet, une déclaration d’un FLNC incarné par plusieurs dizaines d’hommes cagoulés et armés. Elle fait irruption, après coup, pour peser sur la situation politique issue des élections territoriales de juin dernier.
Le discours s’articule en trois temps :
– le constat de la force donnée à la revendication nationaliste corse par les résultats de juin dernier : 68 % de voix nationalistes, addition des 41 % obtenues par Gilles Simeoni et la liste Fà Pòpulu Inseme, des 15 % obtenus par l’Union réalisée entre les deux tours par le PNC et Corsica Lìbera, et des 13 % de la liste Core in Fronte.
– la contestation du leadership de Gilles Simeoni, et sa mise en cause comme un « nouveau Clan ».
– l’absence de résultats politiques et l’indigence du dialogue avec l’État français malgré cette majorité écrasante.
Puis il se conclut par une mise en garde à l’État français : « si sa politique de mépris perdure, nous reprendrons définitivement, avec probablement plus de détermination encore que par le passé, les chemins de la nuit combattante que nous connaissons bien. »
Depuis 2014, le FLNC s’est mis en retrait, après avoir annoncé un arrêt unilatéral de la violence. C’est dans ce contexte libéré du poids de la clandestinité que le mouvement nationaliste a trouvé une dynamique qui est allée au-delà même de nos espérances, passant de 25 % à 37 % en 2015, ce qui a permis l’arrivée au pouvoir d’une majorité nationaliste, 57 % en 2017 puis 68 % en 2021 et la récente victoire électorale.
Qui peut s’attribuer le mérite de cette progression ? Le FLNC peut bien sûr affirmer qu’il ne l’a pas empêchée grâce à sa mise en retrait. Mais il ne peut certainement pas se poser comme en étant le moteur, puisque justement il est resté à l’arrêt durant ces sept années.
La reprise des actions clandestines renforcerait-elle, ou affaiblirait-elle, la légitimité donnée par ce résultat électoral, sans compter les affres prévisibles d’un nouveau cycle de violence s’il venait à se produire, par l’enchainement action/répression, et du fait des conflits divers, y compris internes, que la clandestinité génère ? A chacun d’y réfléchir.
Il faut forcer la porte du dialogue avec l’État, mais, comme Arritti, depuis l’ARC des années 60 et 70, l’a toujours affirmé, la violence clandestine n’est pas la réponse adaptée aux temps modernes. De nouveaux rapports de forces sont à construire, et, comme le FLNC l’exprime lui-même, le poids électoral du mouvement national en fait partie. Encore faut-il s’attacher à le consolider, et non à prendre le risque d’un recul dont l’État français ne pourrait que se frotter les mains.
L’électorat nationaliste, lui aussi, a fait son analyse et a jugé que la plus grande part de la progression du mouvement national revenait à Gilles Simeoni et aux composantes de sa liste. D’où la configuration du nouvel Exécutif qui, manifestement, ne convient pas aux dirigeants clandestins qui se sont exprimés le 31 août dernier.
Faut-il pour autant regretter la victoire électorale de juin dernier et d’ores et déjà entrer en critique virulente contre ceux que le suffrage universel a désigné ? C’est faire inévitablement fausse route.
Reste cependant un fait politique indéniable et vrai : l’absence de dialogue avec l’État. Elle est dénoncée avec constance et insistance par Gilles Simeoni. La relance d’un nouveau FLNC va-t-elle contribuer à lever les obstacles, ou à les consolider ? Là encore chacun est libre d’en juger, mais notre conviction est faite que le recours aux moyens de la clandestinité n’est pas adapté. D’ailleurs, parmi les différentes luttes nationales en cours en Europe, ce moyen est partout écarté.
Il faut cependant passer à un stade supérieur de notre combat pour l’émancipation de la Corse. Pour cela, l’exemple donné par Scola Corsa est à suivre. Certes, l’ouverture des deux premières classes immersives associatives n’est qu’un début, mais se profile derrière la montée en puissance d’un système éducatif alternatif à celui qui fait, génération après génération, reculer l’identité du peuple corse. Avec l’appui des institutions, que nous détenons grâce aux 68 % d’électeurs qui nous ont soutenus, les progrès de la filière Scola Corsa peuvent être ici plus rapides qu’ils ne l’ont été au Pays Basque pour Seaska qui scolarise désormais 13 % des effectifs scolaires du Pays basque, de la maternelle à la terminale. Et, à chaque rentrée ce pourcentage s’accroit, et des milliers d’enfants sont ainsi éduqués en langue basque, qu’ils soient basques d’origine ou basques d’adoption.
C’est de la rigueur et de la radicalité positive de telles initiatives que la Corse a en fait besoin. En créant ses propres espaces de souveraineté politique par de telles initiatives, le mouvement national finira par imposer son agenda politique bien plus sûrement qu’en médiatisant le « come back » de la clandestinité de 1976. •