Voilà 18 mois que Donald Trump est à la tête des USA, première puissance mondiale, au plan militaire comme au plan économique. Ses foucades multiples rythment une actualité internationale dangereuse, où plusieurs conflits menacent la paix. En fait, elles poursuivent un but : imposer par la force les choix d’une Amérique hégémonique.
Chez Trump tout est question de rapport de forces. De la poignée de main dévastatrice au tweet péremptoire, il passe en force. Et ça marche.
Premier passage en force : aux USA même. L’Amérique est forte de ses contre-pouvoirs, il les a tous déstabilisés. Limogeage du directeur du FBI, puis du Directeur adjoint ; mise sous contrôle de la CIA, puis du Département d’Etat aux affaires étrangères décapité et désormais dirigé par l’ancien directeur de la CIA, valse systématique des conseillers directs de la Maison Blanche pour en arriver à ceux qui incarnent la « ligne dure » jusqu’à la caricature : Donald Trump a fini par imposer son pouvoir en 18 mois alors qu’il était minoritaire en voix lors de son élection, et alors que l’establishment, y compris républicain, s’oppose ouvertement à ses vues. Mais sa mainmise apparaît aujourd’hui clairement acquise, au moins jusqu’aux élections de mid-term, en novembre 2018, qui, à mi-mandat, peuvent rebattre les cartes contre lui. Mais rien n’est certain car les classes sociales américaines qui l’ont élu sont manifestement séduites par la politique « America first » qu’il veut imposer au monde.
Car c’est bien un « imperium » de l’Amérique sur le monde que Donald Trump installe méthodiquement. Certes l’influence américaine était une réalité bien avant lui, mais il impose ses choix sans partage quand Obama développait une diplomatie beaucoup moins agressive.
Au Moyen Orient, la guerre contre Daech étant désormais derrière, l’axe majeur affiché est celui passé avec Israël et l’Arabie Saoudite contre l’Iran. Certes, la diplomatie américaine a toujours été pro-israélienne, mais Trump, en déplaçant l’ambassade américaine à Jerusalem, a montré qu’il comptait aller bien plus loin. Camp David comme lieu du dialogue israélo-palestinien entre Rabin et Arafat appartient pour Trump à un passé révolu. La crise palestinienne n’est plus à l’ordre du jour. Seul compte l’allié israélien en tant qu’auxiliaire de l’armée américaine dans le conflit du Moyen Orient. Contre l’Iran qui a pris pied en Syrie derrière Bachar El Assad sous le parapluie russe, qui dispose avec le Hezbollah au Liban d’un appui puissant aux portes mêmes d’Israël, qui soutient la rébellion au Yemen contre l’armée saoudienne, Trump est prêt au plus grave des conflits. Sa sortie de l’accord sur le nucléaire iranien est une nouvelle étape dans cette escalade programmée, et l’opération de l’aviation israélienne contre les troupes iraniennes en Syrie ne doit rien à de prétendus « premiers tirs » iraniens. Tout cela est une stratégie de la tension parfaitement programmée par Trump et son allié indéfectible Netanhayou.
Derrière ce bras de fer militaire qui restera limité à des joutes aériennes que la coalition américano-israélienne domine sans partage ou presque, seul le bouclier russe étant en mesure de faire obstacle, se dessine une stratégie de mise au pas de l’Europe. Car l’Europe veut soutenir l’accord nucléaire avec l’Iran contre Trump qui veut pouvoir étrangler économiquement le pays qui empêche sa mainmise sur le Moyen Orient. C’est sa priorité stratégique, et il veut empêcher que l’Europe maintienne sa coopération économique avec l’Iran.
Contre l’Europe, c’est la puissance économique des USA qui est mise en œuvre à travers les sanctions dont sont menacées les économies qui continueraient de coopérer avec Téhéran au nom des accords passés sur le nucléaire. En quoi cela consiste-t-il : l’Amérique inflige des amendes exorbitantes aux entreprises accusées de commercer avec l’Iran malgré l’embargo américain. Certes ces entreprises peuvent refuser de payer, mais elles sont alors interdites de commercer sur le marché américain. Or toutes les entreprises européennes ont beaucoup plus à perdre si elles n’ont plus accès au marché américain que ce qu’elles peuvent espérer gagner en Iran ou ailleurs.
Du fait de ce rapport de forces économique, l’Amérique de Trump est en mesure d’emmener contre sa propre volonté l’Europe dans les mécanismes de sanction contre l’Iran, alors même que les gouvernements refusent de dénoncer l’Accord sur le nucléaire iranien.
Pour l’Europe, c’est un défi sans précédent. Si elle ne sait pas le relever, elle rétrogradera dans l’échelle des puissances mondiales. Les mises en scène médiatiques d’Emmanuel Macron à Washington ne sont d’aucun effet car toutes les démarches en solo sont vouées à l’échec. Tout juste ralentiront-elles l’émergence de la seule chose qui comptera demain : une action collective et politiquement coordonnée de l’Union Européenne.
François Alfonsi.