L’arrivée à la tête des institutions de la Corse, qui plus est avec une majorité absolue, du mouvement nationaliste corse n’a pas été le fruit « tombé du ciel » d’un miracle électoral, mais le résultat d’une stratégie politique. Continuer sur cette trajectoire, tel est l’enjeu des prochains scrutins, élections municipales dans quelques mois, et, à peine un an plus tard, nouvelles élections territoriales.
L’émergence de la « nouvelle donne » qui a fini par donner une majorité absolue aux nationalistes au sein de l’Assemblée de Corse a commencé en 2010, par la création de Femu a Corsica qui, en rassemblant Inseme pè a Corsica et le PNC, est devenue la première force d’opposition au sein d’une Assemblée de Corse dominée alors par Paul Giacobbi. Lors de la précédente mandature (2004-2009), la liste « Unione Naziunale », qui regroupait tout le nationalisme, avait fait un résultat très en deçà bien qu’elle avait été conduite par Edmond Simeoni.
En lançant Femu a Corsica, et en clarifiant ainsi l’offre politique, le mouvement nationaliste est reparti de l’avant. Le leadership de Femu a Corsica a été largement consolidé aux municipales de mars 2014, avec la victoire obtenue à Bastia par Gilles Simeoni. L’image « d’éternel opposant » du mouvement nationaliste, qui était la nôtre depuis la première élection de 1982, s’est aussitôt effacée, et cette « révolution démocratique » a éclairé la suite du parcours.
Quelques mois plus tard, l’abandon de la violence clandestine, déjà effective en Irlande du Nord et au Pays Basque, est devenue une réalité aussi en Corse. Consolidée quinze mois durant par un respect effectif de ce choix, elle a permis que les nationalistes trouvent le chemin de la fusion des listes entre les deux tours de l’élection de décembre 2015, permettant à la fois de toucher massivement l’électorat le plus jeune, et d’ouvrir de nouvelles perspectives politiques à ceux qui, sans être nationalistes, ont ressenti le besoin de faire respirer un air nouveau à la démocratie corse jusque là polluée par la naphtaline des clans.
Cet amalgame d’un électorat nationaliste enraciné, d’un électorat jeune remotivé et d’un électorat plus traditionnel attiré par le message d’ouverture et de dialogue porté durant ses deux premières années de mandat par Gilles Simeoni ont assuré une victoire électorale sans précédent en décembre 2017. Un seuil a été franchi, il importe de ne pas le démentir.
Pour réussir et aller vers de nouvelles victoires, il faut d’abord consolider la démarche qui a permis de passer d’un électorat enraciné à un électorat élargi, en s’adaptant à chaque scrutin et à chaque situation.
Celle des municipales est par définition diverse selon les communes. Mais elle doit être ouverte et rassembleuse. Le repli sur un électorat de proximité idéologique n’a jamais été couronné de succès, surtout dans une élection municipale, et l’observation des derniers scrutins à Aiacciu le démontre aisément, et encore plus par comparaison avec le succès remporté à Bastia.
Mettre en œuvre concrètement la volonté d’ouverture qui est garantie dans le « projet sur dix ans » adopté par Pè a Corsica en novembre 2017, c’est la meilleure façon de déjouer la stratégie de l’Etat qui veut nous enfermer dans un face à face entre les nationalistes et les autres.
« S’il y a quelque chose qui ne peut pas marcher, c’est d’arriver dans toutes les communes en disant nous on est Pè a Corsica, on a gagné les élections (territoriales), ça va se passer comme ça » : le discours tenu par Gilles Simeoni le 29 juin à Bastia a permis de relancer, au niveau de Femu a Corsica, une dynamique d’union qui, au niveau local, s’adresse à la diversité de tous ceux qui ont permis les succès de 2017. Pour cela, a ajouté Gilles Simeoni, il nous faut « faire avec toutes celles et tous ceux qui vivent dans ce pays et qui veulent le faire avec nous ».
Ce n’est qu’ainsi que la victoire de décembre 2017 s’inscrira dans le temps long, et qu’elle pourra déboucher sur de nouvelles avancées politiques en faveur du peuple corse.
François Alfonsi.