Processus de négociation avec l’État

Le temps est compté !

Le processus de négociation avec l’État a été lancé le 18 mars à l’issue du voyage officiel du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Sa venue en Corse avait été décidée en urgence, en raison de la détermination et de l’imposante participation aux manifestions de mars qui ont répondu à l’agression mortelle perpétrée à la prison d’Arles contre Yvan Colonna. Le report de la première réunion programmée pour le 8 avril a été motivée par le climat encore très agité après la troisième manifestation tenue à Aiacciu le 3 avril. Puis la séquence électorale présidentielle/législatives a suspendu le déroulement des contacts. Ils doivent reprendre au plus vite !

 

Il n’y a pas de temps à perdre. En avril, Gérald Darmanin était mandaté par le Président de la République. Emmanuel Macron a été réélu, et Gérald Darmanin vient d’être reconduit au ministère de l’Intérieur. La nomination tardive du gouvernement d’Elisabeth Borne fait que sa reconduction se télescope avec la période de réserve liée aux élections législatives. Ce qui conduit à trois nouvelles semaines de gel du processus qui ne pourra démarrer réellement qu’à la fin juin, soit au total trois mois sans avoir pu mener aucune réunion officielle.

Un trimestre a été ainsi perdu, alors que le temps est compté pour espérer arriver à un résultat qui représenterait une véritable avancée pour la Corse. Aussi, le calendrier du processus aura d’emblée une signification politique.

En effet, un « processus de négociation à vocation historique » selon l’expression retenue dans le communiqué publié par le Président du Conseil Exécutif ne pourra trouver sa pleine dimension qu’à condition de déboucher sur une réforme constitutionnelle.

Emmanuel Macron a été élu pour cinq ans, mais l’expérience de son premier mandat, avec un premier projet de réforme constitutionnelle avorté en raison de l’extravagante affaire Benalla, a montré qu’aucune réforme constitutionnelle ne pouvait être menée à bien une fois passés les 18 premiers mois du mandat présidentiel. La contrainte sera même plus forte cette fois car il est impossible pour Emmanuel Macron de prétendre à un troisième mandat. Il sera donc rattrapé par les enjeux électoraux de sa succession très rapidement.

La perspective la plus réaliste pour une réforme constitutionnelle actant une avancée institutionnelle significative à propos de la Corse est fin 2023, pour qu’elle ait une bonne chance d’aboutir en remplissant toutes les conditions requises : vote conforme de l’Assemblée Nationale et du Sénat, suivi par un Congrès des deux assemblées approuvant aux 3/5èmes la réforme proposée.

 

À compter de cette date-objectif de fin 2023, le calendrier rétroactif est particulièrement resserré : négociations jusqu’à décembre 2022, débats au sein du Sénat, de l’Assemblée Nationale et bien sûr de l’Assemblée de Corse durant le premier semestre 2023, derniers compromis à l’automne pour arriver à la tenue du Congrès avant noël 23.

Aussi les tergiversations actuelles pourraient-elles être lourdes de conséquences si elles devaient continuer. Le Conseil Exécutif de la Corse a exprimé ses craintes par un communiqué : « l’ouverture de la période de réserve et la campagne des législatives risque de conduire Paris à proposer une date début juillet, pour un début effectif du processus en septembre. Un tel calendrier s’assimilerait à un enlisement de la démarche. » Il est en effet très important que soit mise à profit la période de l’été pour que le processus avance concrètement.

Dans son communiqué, l’Exécutif pointe également les signaux contradictoires venus de Paris. Le retour en Corse de Pierre Alessandri et Alain Ferrandi avait rassuré car c’était un engagement explicite du relevé de conclusions signé entre Gérald Darmanin et Gilles Simeoni. On espérait que leur avenir judiciaire serait désormais plus serein, et que l’État s’en remettrait désormais aux décisions prononcées par les juges. Le Tribunal spécialisé de Paris a ainsi jugé que Pierre Alessandri pouvait bénéficier d’un régime de semi-liberté, mais cette décision a aussitôt fait l’objet d’un appel du Parquet. D’autres décisions ont été clairement prises pour donner des gages à ceux qui veulent bloquer les évolutions politiques en Corse comme ce déploiement de forces sans précédent contre les jeunes manifestants de mars pour appréhender ceux qui ont été identifiés, plusieurs semaines après.

Dans la négociation qui s’engage, le facteur temps sera essentiel. Un score puissant de nos candidats aux législatives est le meilleur moyen que nous avons à disposition pour faire en sorte de donner un nouvel élan à nos demandes lors des négociations entre les représentants de la Corse et l’État. •