par François Alfonsi
Alors que la crise sanitaire et économique du Covid poursuit son cours en écrasant au passage les espoirs de véritables fêtes de fin d’année, les problèmes de fond non résolus continuent de polluer le débat politique comme par exemple le dossier des déchets. Arrivés au pied du mur, comment en sortir ?
Le mur est matérialisé par une montagne de déchets dont on ne saura plus, très bientôt, comment les traiter. Les solutions existent dans les plans successifs qui ont été votés, mais elles sont si peu mises en œuvre ! On sait de façon certaine que les objectifs retenus sont réalistes puisqu’ils s’appuient sur des expériences proches et vérifiables, comme par exemple en Italie où les performances de tri et de valorisation éliminent plus de 70% des déchets produits quand la Corse stagne désespérément à moitié moins. Mais pourquoi tant d’immobilisme ?
Les Intercommunalités rivalisent d’incompétence pour trier les déchets à la source, et le Syvadec étale ses carences à proposer des solutions de traitement pour les bio-déchets et pour anticiper la saturation des centres d’enfouissement qui seront rapidement en fin de vie à Vighjaneddu et à Prunelli di Fium’Orbu.
Au lieu de se concentrer vers des investissements utiles, le débat se perd dans des interminables feuilletons. Comme ceux de centres de compostages qui ne voient jamais le jour, ou qui, quand ils existent, sont laissés sans matière à traiter faute d’organiser la collecte séparée des biodéchets en amont. Ainsi certains tournent dans le vide ou presque comme dans le Valincu ou à Carghjese, tandis que rien n’est encore sorti de terre en Balagna malgré les efforts réalisés pour collecter les biodéchets sur les territoires des deux intercommunalités de Calvi et d’Ile Rousse.
Tout semble marcher sur la tête et, à force de rendez-vous manqués, la situation est devenue critique. Il faudrait rapidement se mettre au travail mais, en lieu et place, on poursuit l’agitation autour de projets stériles pour alimenter les débats électoraux à venir.
Ainsi le retour à l’incinérateur, panacée de l’opposition à l’Assemblée de Corse, sans que l’on sache où, et avec quels moyens financiers, il serait réalisé, et encore moins à quelle échéance alors que l’urgence est là pour les prochains mois.
Dans ce climat délétère, des projets, aussi peu intéressants que leurs promoteurs sont intéressés, sortent des maquis administratifs à Ghjuncaghju, dans un méandre du Tavignanu, avec un risque majeur pour les eaux de la rivière, ou à Vighjaneddu, où l’exploitant de l’actuel centre d’enfouissement du Syvadec a obtenu le feu vert préfectoral pour en réaliser un deuxième sur la commune, ce qui doublerait l’impact pour ses habitants.
À ces projets nous sommes opposés car ils mettent la politique régionale entre les mains d’entrepreneurs privés intéressés, et parce qu’ils accroissent les impacts écologiques de l’enfouissement dans des sites inaptes à accueillir.
Mais le rythme de développement du tri et de la collecte sélective est loin de répondre aux attentes de l’Assemblée de Corse. Ce constat a été fait dès 2016, ce qui avait amené la Collectivité de Corse à donner son feu vert à des projets de centres de sur-tri, demandés avec insistance, notamment par le Président de la CAPA, Laurent Marcangeli, pour éviter d’avoir à investir dans le tri à la source. Le scepticisme est grand sur l’efficacité de ces dispositifs, mais la pression était forte pour y accéder. Cependant, quatre ans après, ces « remèdes miracles » restent à l’état de projets, et on sait déjà que leur efficacité supposerait un tri préalable des fermentescibles que la CAPA s’est jusqu’à présent refusée de mettre en place.
Le débat des déchets revient devant l’Assemblée de Corse pour cette dernière session de l’année 2020, avec un rapport qui ressasse une nouvelle fois les carences observées. À l’évidence entre les performances actuelles décevantes du tri et le passage à des comportements vertueux, il faudra franchir un cap, et s’apprêter, d’ici là, à devoir traiter encore plusieurs centaines de milliers de tonnes sur une dizaine d’années, soit en les enfouissant dans un nouveau site, soit en les exportant, soit en proposant un autre mode de traitement qui en limitera la quantité par un sur-tri, puis une valorisation thermique des quantités résiduelles pour les recycler autant que possible.
Aucune de ces options technologiques n’est satisfaisante, et c’est d’autant plus rageant que les solutions valables ne demandaient qu’une chose pour réussir : une bonne coopération des acteurs comme cela s’est fait par exemple en Sardaigne où le tri mis en place en quelques années à peine a réduit les ordures résiduelles dans de telles proportions qu’un des deux incinérateurs de l’île voisine s’apprête à fermer.
Aucun plan ne sera acceptable s’il ne préserve pas l’essentiel : un accès maximum au recyclage des déchets. Tout le reste sera temps perdu, argent gaspillé, et pollution inutile. •