par François Alfonsi
« Imprévisible » est le terme qui revient le plus souvent dans les médias à propos de celui qui redevient le Président des Etats-Unis quatre ans après avoir suscité l’épisode invraisemblable et meurtrier de l’assaut donné par la foule de ses partisans sur le Capitole où allait être proclamée la victoire de son adversaire. L’ampleur de la victoire électorale du candidat Trump aux États-Unis annonce une ère nouvelle qui provoquera des effets dans le monde entier.
La victoire de Donald Trump est d’abord le résultat de la faiblesse de la candidature qui lui était opposée. La reconduction du Président sortant Joe Biden a été le plan de départ des démocrates, malgré ses difficultés de santé de plus en plus évidentes et son âge avancé. De ce fait Kamala Harris a été avant tout une « roue de secours ». Dans le temps court de la campagne qu’il lui restait à mener, elle n’a pas trouvé les ressources suffisantes, personnelles et politiques, pour compenser cette situation dévalorisante pour sa candidature. Aurait-elle été transcendante, elle ne pouvait probablement pas y parvenir.
Car la victoire de Trump va bien au-delà de l’effacement de sa rivale démocrate. Il a non seulement gagné une large majorité des délégués à la Convention qui en janvier prochain va l’introniser président des USA, mais il a aussi remporté, contrairement à 2016, une victoire en nombre de voix, et gagné la totalité des États où le score était au départ indécis. Il l’emporte aussi au Sénat, et à la Chambre des Représentants, éliminant l’obstacle de contre-pouvoirs aptes à contester ses choix politiques. La déroute démocrate est totale, et la victoire de Trump impressionnante. Il va pouvoir régner sans partage.
Que fera-t-il de ce pouvoir absolu ? En Ukraine, en Palestine, à Taiwan, et en Europe aussi, l’inquiétude domine. Les experts scientifiques savent aussi, alors que les effets s’amplifient chaque année du réchauffement climatique, qu’il va falloir faire face au négationnisme de la plus grande puissance économique mondiale qui va probablement, et pour de bon cette fois, se retirer des accords de Paris sur le climat.
Lors de son premier mandat, Donald Trump avait montré sa volonté de chambouler la carte du monde au détriment des forces démocratiques. Tous les régimes réactionnaires se félicitent de son élection, d’Erdogan en Turquie à Netanyahu en Israël, de Milei en Argentine à Orban en Hongrie. En Europe, les populismes, à l’influence croissante dans tous les pays, vont s’en trouver renforcés, à commencer par la France où la rhétorique anti-migrants de Trump fait écho aux scores du Rassemblement National.
Le choc est d’autant plus grand que le personnage de Donald Trump est volontiers excessif et même irrespectueux. Les extravagances de sa campagne rappellent celles de Javier Milei en Argentine brandissant une tronçonneuse en guise de message politique. Ce qui interpelle le plus, c’est que ce degré zéro de la politique rassemble désormais une majorité de suffrages dans de si nombreux pays. Trump a surfé sur cet air du temps. Le populisme a désormais une voie royale devant lui, et le monde pourrait en souffrir beaucoup.
L’autre symbole frappant de cette élection est le basculement vers l’extrême droite de tout un pan du monde économique. Elon Musk en a été le symbole le plus fort qui a été jusqu’à chauffer les foules durant les meetings de Trump, mais le PDG d’Amazon n’a pas été en reste qui, en imposant au Washington Post de refuser, pour la première fois de son histoire, son soutien aux démocrates, a largement contribué à décrédibiliser Kamala Harris.
L’investissement dans les médias d’une partie de la grande finance au profit des politiques les plus réactionnaires n’est pas seulement une réalité outre-Atlantique. L’empire de presse de Vincent Bolloré en France procède de la même volonté, avec une efficacité inquiétante.
La résilience des sociétés démocratiques suffira-t-elle à limiter l’impact des dérives potentielles qui sont à venir ? Rien n’est moins sûr. •