Les grandes manœuvres commencent autour de l’installation des nouvelles instances de l’Union Européenne, Parlement et Commission. Derrière les marchandages et les compromis, il faudra aussi trouver les chemins d’un nouveau projet européen pour les générations qui viennent.
Le premier défi à relever est comment sortir de l’ornière du Brexit. De facto, le Royaume Uni est resté membre de l’UE et a participé à l’élection européenne. Le débat entre « hard Brexit » ou « Brexit négocié » est semble-t-il terminé, Teresa May ayant jeté l’éponge et annoncé sa démission. Son pari politique d’obtenir l’acceptation de l’accord négocié avec Michel Barnier est perdu. D’un vote à l’autre, le front du refus s’est amenuisé, mais il est resté majoritaire et elle a dû renoncer à venir proposer une quatrième fois de le mettre au vote de la Chambre des Communes.
Les élections européennes ont donné des résultats peu lisibles. Certes, le parti de Nigel Farage a fait le plein, mais ses 33% ne font pas une majorité absolue. Face à lui le cumul des pro-Européens, les Libéraux (21%) et les Verts (14%), fait jeu égal. Les maigres 9% obtenus par les conservateurs, dont d’ailleurs une partie est définitivement hostile à une sortie sans accord, ne suffisent pas à qualifier l’option d’un « Brexit dur » voulu par les opposants à Mme May au sein des Tories, tel Boris Johnson. Les Travaillistes, très affaiblis, réalisent 14% et sont majoritairement « anti-Brexit ». En leur adjoignant les votes écossais (victoire écrasante du SNP en Ecosse) et irlandais, eux aussi majoritairement anti-Brexit, la donne est en train de basculer outre-manche. L’hypothèse d’un nouveau référendum n’est plus exclue, que les opposants au Brexit pourraient cette fois remporter. Nos amis députés européens écossais du SNP font de ce combat leur priorité au sein du nouveau Parlement européen. L’un d’entre eux, Alyn Smith, devrait prendre la présidence du groupe ALE, et devenir ainsi vice-Président du puissant groupe Verts-ALE, afin de peser davantage.
L’autre défi posé aux institutions européennes est de rebondir face à la montée des populismes en Europe. De ce côté, à part en Italie où Matteo Salvini confirme son emprise croissante sur le pouvoir face aux 5Stelle, la tempête est moins forte qu’annoncée. En France, Marine Le Pen ne fait pas mieux qu’il y a cinq ans, et doit en grande partie son score à la bipolarisation mise en place par Emmanuel Macron. Les autres foyers populistes sont en retrait. Dans le Nord prospère, ils chutent de 26% à 11% au Danemark, ils essuient un revers remarqué aux Pays Bas, ils stagnent en Allemagne où ils ont été éclipsé par l’énorme score des écologistes, ils refluent en Autriche emportés par le scandale de leur dirigeant impliqué dans une affaire de collusion secrète avec la Russie de Poutine. A l’Est, les taux de participation se sont fortement redressés, et le regain des formations pro-européennes se confirme en Roumanie, en Slovaquie et dans les Pays baltes.
Un troisième défi va s’inviter dès l’installation du Parlement Européen : comment sortir par le haut de la crise catalane ? Un avant-goût a eu lieu ce 29 mai, lors de première journée consacrée à l’accueil des députés nouvellement élus. Carles Puigdemont et Toni Comìn, nouveaux élus en Catalogne, et libres de leurs mouvements en Belgique, se sont présentés pour effectuer leurs formalités comme les autres. Les vigiles délégués à leur rencontre leur ont interdit l’entrée du Parlement et l’accès aux bureaux des formalités administratives. Aucun responsable du Parlement n’a été en mesure d’expliquer le moindre motif pour une telle décision. Symboliquement, Carles Puigdemont et Tonì Comìn ont ainsi apporté la preuve d’un dysfonctionnement démocratique flagrant, qui sera porté devant les tribunaux de la Cour Européenne de Justice. Progressivement la crise nationale catalane devient une crise démocratique européenne.
Le bras de fer entre la Catalogne et le reste de l’Espagne a tourné à l’avantage des indépendantistes dans les urnes catalanes, notamment à Barcelona qui, pour la première fois, a vu la victoire d’un indépendantiste, Ernst Maragall, qui était député européen de l’ALE dans la précédente mandature. A Madrid, les post-franquistes de Vox ont perdu presque la moitié de leurs voix en un mois (10% aux législatives d’avril, 6% aux européennes de mai), et le premier ministre socialiste Pedro Sanchez a été largement conforté.
Le scandale démocratique lié à l’attitude de l’Etat espagnol, procès stalinien à Madrid et négation forcenée du fait démocratique que représente la large élection de Carles Puigdemont et Oriol Junqueras comme députés européens, va rebondir à Bruxelles lors de l’installation du nouveau Parlement. Les élus ALE en feront une priorité politique dès le 2 juillet prochain.
François Alfonsi.