La crise du système politique en Europe peut aller loin. Qui aurait dit il y a quelques mois à peine que le PS et les Républicains deviendraient des formations de second rang en France, tandis que leur glissade continue encore ? Les partis socialistes et conservateurs qui ont structuré la vie politique dans tous les pays d’Europe occidentale depuis quarante ans ont déjà disparu en Grèce, suivent le même chemin en Italie, et ce phénomène est en train de gagner la France.
Les élections européennes donneront une nouvelle photographie pour illustrer ce phénomène.
Les sondages la préfigurent qui énoncent ce constat : les Républicains, émanation de la tradition gouvernementale de la droite française depuis De Gaulle, peine à rester la troisième force électorale en France, derrière le Rassemblement National de Marine Le Pen et le parti gouvernemental la République en Marche, et le parti de l’alternance institutionnelle, le PS de François Mitterrand, est en passe d’être relégué sous les 5%.
Cet effondrement est sans précédent. Il tient bien évidemment à des erreurs de parcours. Celles du PS par exemple depuis le renoncement de François Hollande, en raison du divorce avec l’opinion, puis à la multiplication des « fausses routes » pour lui succéder. Il y a eu d’abord Manuel Valls, défait lors de la primaire socialiste, et désormais à la remorque de l’extrême droite espagnole où il tente une improbable et pathétique nouvelle vie politique comme chantre de l’Espagne éternelle à Barcelone. Son vainqueur, Benoît Hamon, a eu le succès éphémère et s’est effondré aussitôt la primaire socialiste remportée.
Et quant à celui qui a déjoué les pronostics et relégué le Parti Socialiste en seconde division en remportant l’élection présidentielle, Emmanuel Macron, il ne sait plus comment endiguer la chute dans les sondages de son parti, la République en Marche, qui est resté un ectoplasme sans structure réelle. Si demain Emmanuel Macron n’est plus Président de la République, chacun sent bien que LREM, qui fait encore jeu égal avec le Rassemblement National de Marine Le Pen, sombrera aussitôt dans l’oubli. À moins que les scandales à répétition de quelques demi-sel du genre Benalla, malencontreusement aspirés lors de la dynamique de la prise du pouvoir présidentiel, ne l’emportent avant terme dans leur chute.
Dans la représentation politique institutionnelle de la droite, ce n’est guère mieux, même si les sondages maintiennent les Républicains entre 10 et 15% quand le PS sombre autour des 5%.
Mais malgré sa structure d’élus locaux qui lui maintient la tête hors de l’eau, les choix de sa gouvernance sont déroutants et annoncent des lendemains difficiles. Il y a eu François Fillon qui a torpillé une victoire présidentielle servie sur un plateau. Il y a la succession des scandales financiers qui clouent et vont continuer de clouer au pilori Nicolas Sarkozy et le parti tout entier.
Et s’ajoute maintenant un Laurent Wauquiez à l’inconsistance notoire et son choix étrange d’une tête de liste aux européennes qui est le prototype- même du « versaillais » de l’Histoire de France! Certes cela peut priver le Rassemblement National d’un réservoir de voix traditionnalistes, mais, dans le même temps, ce choix laisse en déshérence un électorat traditionnellement modéré et pro-européen.
Dans le vide ainsi créé, qui peut émerger ? Aux élections européennes, le premier clivage est mécaniquement entre pro et anti-européens. Côté des « anti », le créneau est très occupé, signe de la montée en puissance de l’euroscepticisme : France Insoumise à gauche, accompagné par le Parti Communiste, Rassemblement National à droite, flanqué de Nicolas Dupont-Aignan, et entraînant les Républicains dans la surenchère « bleu-blanc-rouge et traditions ».
Côté des pro-européens, le parti macroniste est plus qu’à la peine dans l’opinion publique du fait de la crise des « gilets jaunes », et les socialistes accentuent leur effondrement faute de stratégie (leur tentative d’union avec Hamon et EELV est un échec), et faute d’un leader suffisant pour mener leur liste.
Pourtant un électorat « pro-européen et anti- Macron » existe bel et bien dans le contexte de la crise de pouvoir qui frappe l’Elysée. Son vote s’exprimera d’une façon ou d’une autre. Et, selon la photographie des sondages, Europe Ecologie, convalescente, encouragée par de consistants succès européens en Allemagne, aux Pays Bas ou en Autriche, pourrait bien tirer son épingle du jeu. L’accord politique avec R&PS est en cours de finalisation, qui va reconstruire le partenariat historique initié en 1989 (élection de Max Simeoni), puis reconduit en 2009. Rendez-vous le 26 mai 2019.
François Alfonsi.