Quàsquara

Non aux intégrismes

par François Alfonsi
Une histoire de Clochemerle à Quàsquara a tourné au psychodrame identitaire par le miracle d’une « Une » de Corse-matin qui a enflammé l’actualité du week-end. Aussi sec, un cortège indigné s’est rendu sur les lieux pour porter une caricature de message bien dans l’air du temps.

 

Dans le nouvel épisode de Don Camillo qui se joue à Quàsquara, les rôles sont inversés puisque c’est le maire et son conseil municipal qui sont accusés d’abuser du goupillon par une « Peppone » à la laïcité rigoriste qui a saisi les tribunaux pour obtenir le déplacement d’une croix plantée par la commune à l’entrée du village. Mais les ressorts de la comédie villageoise sont bien les mêmes et, de posture en enflure, on finit par convoquer jusqu’à l’Évêque, le Juge et le Préfet pour régler un conflit dérisoire. Principale et notable différence entre les deux scénarios : si les rues de la ville dont Peppone est le maire grouillent de monde tout au long de l’année, celles de Quàsquara restent désertes onze mois sur douze. Et la soudaine flambée des tensions villageoises ne va certainement pas contribuer à leur revitalisation !

Dans chaque village, l’Église est le premier patrimoine autour duquel on se rassemble spontanément, croyants et non croyants, jeunes et moins jeunes, i paisani è i frusteri, i bianchi è i rossi, u partitu è u contrapartitu. Cette fonction est essentielle pour construire le « vivre ensemble » qui soude une communauté villageoise.

 

Un poison menace ce « vivre ensemble », celui de l’intégrisme multiforme qui est de plus en plus dans l’air du temps. Intégrisme religieux ou intégrisme laïcard, et, désormais installé dans la vie politique corse, un intégrisme identitaire qui fait de la religion un étendard.

Cet intégrisme identitaire se revendique corse avant tout, mais il ne peut cacher les profondes similitudes qui le rapprochent des mouvements qui, en France et en Europe, relancent un activisme d’extrême-droite virulent. D’ailleurs ils s’affichent ensemble, comme avec Eric Zemmour et Marion Maréchal-Le Pen à Paris, eux-mêmes enchevêtrés avec leurs homologues en Allemagne, en Italie, en Espagne, en Hongrie et ailleurs. Cette Mossa Palatina n’a rien d’une Mossa Paisana. Elle n’est que la version corse d’une montée de l’extrême-droite en Europe.

Chaque fait divers, chaque controverse villageoise, est désormais devenu prétexte à s’afficher, baretta incalfata et verbe haut, en brandissant l’identité corse et le christianisme en étendard. Dans cette agitation médiatique, la presse a forcément une grande place qui monte en épingle chaque évènement pouvant jeter un trouble, comme cette polémique futile entre villageois de Quàsquara. À Paris, il y a même une presse désormais dédiée à cette tâche par ses nouveaux propriétaires, comme CNews et ses homologues de la presse écrite.

Le slogan mis en avant est « pas de ça en Corse » en parlant du « wokisme », agité comme un épouvantail nébuleux par des commentateurs ignorants. Ainsi on s’en prend au féminisme version « me too » ; mais quelle jeune femme corse voudrait connaître aujourd’hui ce qu’ont connu leurs mères ou grand-mères en matière de condition féminine ? Les rassemblements identitaires presque exclusivement masculins ne se posent pas ce genre de questions !

Et, chaque fois, transparait leur véritable raison d’être, à savoir le racisme et la xénophobie. Tout ça au nom d’une foi vigoureusement proclamée, mais qui ignore l’essentiel du message évangélique, celui de la tolérance et du secours dû à la détresse des hommes sur cette Terre.

 

Le nationalisme corse doit se prémunir contre les sirènes du racisme et de la xénophobie qui le marginaliserait et le compromettrait aux côtés des forces de l’extrême-droite en France et en Europe. L’avenir de la Corse ne se construira pas en « remontant le temps » d’une Corse idéalisée des années cinquante. Il faut regarder devant, en arrachant les moyens de l’enseignement immersif pour la langue et ceux de l’autonomie pour notre peuple.

Retroussons-nous les manches, relevons les défis politiques de l’heure en capitalisant l’autonomie obtenue par l’accord de Beauvau, et regroupons-nous autour de nos églises et de nos villages de façon saine, ouverte et joyeuse.

Par campà inseme da pòpulu corsu, oghje è dumane ! •