Dans le dossier corse, Emmanuel Macron s’est positionné dès l’origine. Il est contre la reconnaissance du peuple corse et contre la majorité politique que nous avons rassemblée sur l’île autour de Gilles Simeoni. Et ça va continuer !
Il faut rembobiner le film et bien observer l’enchaînement des scènes.
Mai 2017, Emmanuel Macron est élu à la Présidence de la République. Suit aussitôt la campagne des élections législatives, et la victoire retentissante de la majorité nationaliste qui gagne trois des quatre circonscriptions insulaires. Le message est puissant, plus fort que prévu, qui souligne la montée en puissance du vote nationaliste en Corse depuis la première victoire de décembre 2015. Une seule question se pose alors : a-t-il été bien reçu au sommet de l’Etat ?
L’été arrive et la Collectivité Unique, votée sous François Hollande dans un climat plutôt constructif, va s’installer en substitution à l’ex-CTC et aux deux Conseils départementaux. La campagne électorale s’engage.
On observe alors un étrange empressement de l’Elysée pour écarter la frange « progressiste » de ses soutiens (Jean Charles Orsucci) au profit de leaders improbables (Michel Barat) tout droit sortis de réseaux proches du nouveau chef de l’Etat. La manœuvre échoue, mais le signal est clair : l’Elysée compte bien s’immiscer « en direct » dans la vie politique en Corse.
En décembre, les élections territoriales pour la nouvelle Collectivité Unique de Corse donnent à l’Exécutif nationaliste une victoire écrasante, avec une majorité absolue des sièges et des voix. La légitimité du Président du Conseil Exécutif est à son zénith, et toute la Corse attend une ouverture politique au sommet de l’Etat. A tel point que le déplacement en Corse de Madame Gourault qui est venue annoncer le premier voyage officiel d’Emmanuel Macron en Corse suscite un certain engouement sur l’île.
Mais le Chef de l’Etat a tôt fait de « casser l’ambiance ». La date de son voyage officiel est choisie (commémoration Erignac) qui laisse présager un contexte pesant. Quand il débarque à Campu di l’Oru, le climat s’épaissit encore vu le « casting » de ses accompagnateurs. Au premier rang, Jean Pierre Chevènement, le parrain politique de Bernard Bonnet. Juste à ses côtés Emile Zuccarelli alors qu’il ne dispose plus d’aucun mandat en Corse depuis justement que Gilles Simeoni l’a évincé avec son fils de la Mairie de Bastia en 2014. Une « petite phrase » lors du discours présidentiel devant la stèle d’Erignac (« il est des causes qui ne se plaident pas ») signifie à Gilles Simeoni la position de défiance de l’Etat à son égard malgré sa présence à la cérémonie.
La commémoration passée, le discours politique tenu à l’Alb’Ore par Emmanuel Macron concède la révision constitutionnelle, dont on sait qu’elle a fini dans les limbes, puis il ferme toutes les portes, par les mots et par les gestes : disparition de tous les drapeaux corses, fouille au corps de Gilles Simeoni et des élus corses au moment de gagner la salle, et un propos ramenant ceux que le peuple corse vient de choisir pour être ses représentants légitimes à de simples « élus locaux », par opposition à son propre rang de chef d’Etat.
L’arrivée de Josiane Chevalier à la Préfecture de Corse inaugure une nouvelle séquence, celle de l’Etat « omniprésent », s’impliquant comme jamais auprès des Maires. La préfète multiplie les déplacements en milieu rural, suivie parfois par Jacqueline Gourault qui est sa tutelle directe au Conseil des Ministres. La tendance « de droite » de la Macronie, celle qui est liée à Edouard Philippe, met en avant Laurent Marcangeli, le Maire d’Aiacciu : pas un ministre qui ne vienne en Corse sans honorer de sa visite la « Maison Carrée » de la ville. Progressivement, on cherche à constituer le « contre-parti » au mouvement nationaliste, et la tenue à Cuzzà de la réunion sur le « Grand Débat National » pour le second déplacement en Corse d’Emmanuel Macron est venue confirmer, sur le fond comme sur la forme, l’orientation politique choisie par le chef de l’Etat, avec pour objectif de faire chuter la majorité actuelle aux prochaines élections, y compris en s’impliquant directement sur le terrain.
La prochaine élection européenne participe de notre réponse collective pour contrecarrer cette stratégie de l’Elysée. Puis les prochaines municipales devront apporter une réponse de fond, en modifiant en profondeur ce qui est aujourd’hui vu depuis l’Elysée comme un vivier pour organiser une opposition contre le mouvement nationaliste. Nous avons moins d’une petite année pour répondre, lors des municipales, à cette offensive.
Aujourd’hui, les choses sont claires : nous devons faire face à un Etat partisan, engagé sur le terrain politique corse, avec une implication directe pour activer une opposition à la majorité nationaliste, dans l’espoir bien évidemment de la renverser.
Tant que cet espoir perdurera au sommet de l’Etat, la situation politique restera bloquée sur l’île.
François Alfonsi.