L’Etat les a toujours chouchoutés, tous ces politiques et tous ces hauts fonctionnaires placés comme des « remparts républicains » aux commandes de la Corse. Pour eux, les temps ont bien changé et ils en sont réduits, comme Pierre Jean Luciani, à tourner leur siège, et à tourner en ridicule, pour protester quand on parle corse dans l’hémicycle de l’Assemblée de Corse. Pourtant ils sont toujours là, et l’Etat leur apporte encore soutien et considération. Dans quel but ? Qui veut revenir au monde d’avant ? Certainement pas les Corses !
Ainsi, le défilé des politiques corses dans le bureau de Jacqueline Gourault, la « madame Corse » du gouvernement, s’est récemment élargi à Emile Zuccarelli et Nicolas Alfonsi, les « ex » de la Corse Française et Républicaine. Sauf que ces caciques de la politique ne disposent plus d’aucun mandat, après avoir été balayés par le suffrage universel insulaire, et rien ne justifiait vraiment qu’ils soient reçus officiellement par la ministre en tant qu’interlocuteurs à propos de la réforme constitutionnelle qui doit inclure un volet corse.
Parmi ces fantômes revenus de très loin, on soulignera aussi la réincarnation de Bernard Bonnet sous les traits du Directeur des Services fiscaux de la Corse, le plus haut fonctionnaire en poste dans l’île, qui a tenu à l’intention de son ministre en déplacement à Aiacciu, le sous-ministre du budget Olivier Dussopt, des commentaires ineptes stigmatisant la Corse et les Corses d’une façon tellement outrageante que ce sont des syndicats peu suspects de complaisance avec les nationalistes, CGT et FO, qui s’en sont fait l’écho les premiers. « Soyez assurés, Monsieur le Ministre, que dans le cadre des contrôles fiscaux, nous ne ciblons que les Corses, pas les étrangers ni les continentaux » a ainsi déclaré ce nouveau croisé de l’anti-corse envoyé sur l’île par une hiérarchie complaisante. D’ailleurs, malgré la protestation unanime, aucune sanction n’a été à ce jour prononcée, et on ne sait toujours pas ce que le Ministre a pu répondre en réaction à de telles assertions. Les aurait-il approuvées ?
Pendant ce temps, Emmanuel Macron dévoile de plus en plus nettement son inclinaison jacobine. En se plaçant lors de son voyage en Corse sous le couvert de l’hommage au Préfet Erignac, il a mobilisé dans son sillage le ban et l’arrière-ban des ennemis du nationalisme corse, de Jean Pierre Chevènement à Emile Zuccarelli. Et, lors des manifestations tenues à Villers-Cotterêts à propos de la francophonie, il a réitéré un discours de négation des langues régionales au nom du soutien à la langue française.
Ce contexte psychologique autant que politique doit être pris en considération pour apprécier la réalité de la séquence actuelle entre l’Etat et la Corse.
Emmanuel Macron travaille ses discours et ne parle pas en l’air. Son « discours de Furiani », en campagne électorale, annonçait pour la Corse que « la première étape ce sera la Collectivité Unique ,…. par la suite est-ce qu’il faudra aller plus loin, réviser la Constitution …. (seulement) s’il apparaît que le cadre actuel ne permet pas à la Corse de développer ses potentialités. ».
Dans l’esprit d’Emmanuel Macron, donc, avant même son élection, la « première étape », celle de sa mandature, devait se limiter à la mise en place de la Collectivité Unique. Il n’avait aucunement l’intention d’inclure dans son projet de révision constitutionnelle du premier quinquennat, l’inscription de la Corse dans la Constitution. Ce sont les 56,5% de la liste Pè a Corsica qui en ont forcé la porte.
Tous les signaux indiquent cependant que la révision constitutionnelle qui sera proposée sera la plus « light » possible. Et encore : le clan anti-corse plus étoffé que jamais dans les sphères parisiennes pourrait bien vouloir annihiler purement et simplement la promesse faite aux élus corses, alors qu’ils sont l’émanation d’une majorité absolue au sein de l’électorat insulaire.
Il faut désormais résister becs et ongles comme le fait l’Exécutif pour empêcher que la formulation proposée ne soit en définitive qu’une fenêtre en trompe-l’œil dans le mur constitutionnel français. Nous avons une carte essentielle dans notre jeu : la légitimité démocratique. Quelle que soit l’issue de la séquence politique en cours autour de la réforme constitutionnelle, il faut la jouer à fond et consolider à chaque instant la démarche politique qui en a permis l’avènement. A commencer par Femu a Corsica.
François Alfonsi.