Assemblée de Corse

Salvatrice majorité absolue !

Les salves de contestation se succèdent à l’Assemblée de Corse, et les votes des trois groupes d’opposition, il y a un mois sur le budget, comme lors de la dernière session sur la délégation de service public dans le maritime, ainsi que la bronca contre le plan déchets, tout cela fait mesurer à quel point le fait de disposer d’une majorité absolue est important pour la stabilité de l’Exécutif.

 

Le débat est nécessaire et il va continuer sur les déchets. La sauvegarde du principe même d’une desserte maritime de service public est menacée, et sa consolidation est un préalable avant toute évolution ultérieure vers une compagnie régionale. Quant au vote du budget, il est la première marche de toute légitimité pour le président de l’Exécutif. Sans majorité absolue, celui-ci aurait été vulnérable, car nul ne peut garantir que les votes des uns et des autres n’auraient pas convergé pour le mettre en minorité si la possibilité en avait existé.

Car la tentation d’une déstabilisation de Gilles Simeoni est réelle. Cette tentation, l’État l’a alimentée depuis 2015, et rarement le concept, certes très relatif, de « neutralité administrative de l’État », n’a été aussi brutalement mis à mal par les préfets successifs. Le préfet Lelarge a été à cet égard tout à fait transparent, et son maintien obstiné, malgré le résultat éclatant des élections de juin 2021, a été le fait de la volonté de ceux qui l’ont chaperonné depuis Paris, dont le Président Macron désormais réélu.

L’État s’est heurté à l’exaspération manifestée par tout le peuple corse face au déni de démocratie qu’il subissait. Cette colère a éclaté suite au décès d’Yvan Colonna, et l’ampleur et la gravité des mobilisations lancées par la jeunesse lors des manifestations de Corti, Bastia et Aiacciu l’a forcé à changer de pied. Le préfet Lelarge est enfin parti, et son remplaçant semble désormais développer une feuille de route sensiblement différente.

 

Mais le leadership de Gilles Simeoni n’est pas contesté qu’au sommet de l’État. Les oppositions locales, défaites dans les urnes de juin 2021, saisissent toutes les occasions de le contester elles aussi. Cela vaut pour Laurent Marcangeli qui compte sur la réélection d’Emmanuel Macron pour trouver un peu d’espace politique au-delà de la Communauté d’agglomération du pays ajaccien. Cela vaut aussi pour l’opposition nationaliste : PNC et Corsica Lìbera ont voté contre le budget 2022, quand Core in Fronte n’a pas participé au vote. Va encore pour Core in Fronte qui était resté hors de l’Assemblée durant cinq ans. Pour les autres, aller jusqu’à voter contre n’a fait que justifier a posteriori les choix opérés lors de l’élection.

Leur opposition frontale s’est aussi déclinée aussi lors d’autres évènements, comme au plus fort des manifestations après le décès d’Yvan Colonna, lors de réunions qui ont eu lieu courant mars. Auraient-ils été jusqu’à faire tomber le budget et déstabiliser ainsi l’Exécutif au moment même où se met en place la plate-forme de dialogue avec l’État ? Mieux vaut ne pas en avoir pris le risque !

Car le processus à venir est trop important pour l’avenir de la Corse pour qu’il soit à la merci d’un quelconque calcul politique sur le plan local. L’actuel Exécutif de la Collectivité de Corse dispose d’un mandat prévu pour durer encore cinq ans au moins. L’actuel Président de la République française vient d’être réélu pour la même durée. De ce fait, l’espace politique pour une négociation existe bel et bien, mais il ne pourrait se développer sans une bonne stabilité de ceux qui la conduisent. L’interlocuteur côté Corse est Gilles Simeoni, président du Conseil Exécutif de la Collectivité de Corse, et il doit le rester sans contestation possible.

L’objectif de la négociation est I’autonomie. On sait les difficultés : il faudra une modification de la Constitution, et donc il y aura besoin d’un consensus Sénat/Assemblée nationale. Pour cette dernière, rien n’est encore écrit et le scrutin législatif à venir apparaît comme très incertain. Il faudra que les élus corses y fassent à nouveau résonner la voix de la Corse. Il faudra à Paris une majorité politique qui accepte les changements que nous demandons, et, puisque le vote des 3/5es du Congrès rassemblant les deux chambres sera nécessaire, il faudra aussi une opposition qui y consent, au moins en partie.

La première réunion de ce nouveau processus politique a été annoncée comme devant se tenir à la mi-mai. Il est impératif que la Corse soit, et reste durablement, en ordre de marche dans un tel moment historique. •